La Commission européenne a publié le 9 novembre 2016 ses prévisions économiques d’automne. Elle prévoit une croissance modérée, légèrement à la baisse par rapport aux prévisions économiques de printemps, qui étaient déjà moins optimistes que les prévisions de l’automne 2015. Les services de la Commission tablent désormais sur une croissance du PIB dans la zone euro de 1,7 % en 2016, 1,5 % en 2017 et 1,7 % en 2018, contre 1,6 % pour 2016 et 1,8 % pour 2017 dans ses prévisions de printemps. La croissance du PIB pour l'ensemble de l'UE devrait suivre une évolution similaire pour s'établir à 1,8 % cette année, 1,6 % en 2017 et 1,8 % en 2018 (les prévisions de printemps donnaient 1,8 % pour 2016 et 1,9 % pour 2017).
Comme l’a résumé le commissaire chargé des affaires économiques et financières, de la fiscalité et des douanes, Pierre Moscovici, ce sont là les prévisions "d'une croissance modérée dans une période complexe". Le commissaire n’a pas manqué de souligner que le PIB réel de l’UE a enfin dépassé son niveau d'avant crise au cours de l'année dernière et que l'économie européenne a continué à croitre à un rythme modéré au cours des trois premiers trimestres de 2016. Dans son communiqué de presse, la Commission observe que la croissance économique en Europe devrait continuer d'augmenter à un rythme modéré, les progrès enregistrés récemment sur le marché du travail et la hausse de la consommation privée étant contrebalancés par un certain nombre de facteurs qui freinent la croissance et atténuent l'effet des paramètres favorables.
Selon la Commission, la consommation privée devrait rester le principal moteur de croissance en 2018, soutenue par des perspectives d'accroissement de l'emploi et un léger relèvement des salaires. Le coût du crédit demeure propice à la croissance grâce à une politique monétaire exceptionnellement accommodante. Le déficit budgétaire agrégé de la zone euro devrait poursuivre sa contraction, tandis que la politique budgétaire devrait demeurer non restrictive. L'investissement devrait continuer à augmenter. "À une époque caractérisée par l'instabilité et l'incertitude, tout doit être mis en œuvre pour assurer et renforcer cette reprise – et faire en sorte que toutes les composantes de la société en bénéficient", a relevé Pierre Moscovici, tandis que Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne chargé de l'euro et du dialogue social, soulignait combien il est "essentiel de lutter contre les inégalités dans nos sociétés pour que personne ne se sente laissé pour compte».
Toutefois, les incertitudes politiques, en Europe comme au-delà, la croissance en perte de vitesse en dehors de l'UE et la faiblesse des échanges mondiaux pèsent sur les perspectives de croissance, observe la Commission qui faisait ces annonces alors que les résultats des élections américaines étaient connus depuis quelques heures à peine. Il existe également un risque que les performances médiocres de l'économie au cours des dernières années freinent la croissance, et la phase persistante de basse conjoncture laisse poindre la possibilité d'une croissance plus soutenue en l'absence de pressions inflationnistes indues. Par ailleurs, dans les années à venir, l'économie européenne ne sera plus en mesure de se reposer sur le soutien exceptionnel de facteurs extérieurs tels que la chute des prix du pétrole et la dépréciation monétaire, souligne la Commission.
Alors que les écarts importants entre les performances économiques se maintiennent, le PIB de l'UE est plus élevé qu'avant la crise et celui de certains États membres s'établit à plus de 10 % au-dessus du niveau le plus bas enregistré. Sur la période couverte par les prévisions, l'activité économique est appelée à poursuivre sa progression dans tous les États membres, bien que de manière toujours inégale, note la Commission.
Ayant pâti de la hausse timide de la demande et des perspectives de faible croissance, de la réduction de l'endettement des entreprises en cours dans certains États membres et d'incertitudes accrues, le climat d'investissement connaît enfin une embellie, et l'on s'attend à ce que les investissements repartent à la hausse en 2018, se réjouit la Commission. Les projets financés au titre du plan d'investissement pour l'Europe, ainsi que, dans certains États membres, les projets cofinancés au moyen de fonds de l'UE pour la période de programmation 2014-2020, devraient soutenir de plus en plus les investissements privés et publics au fur et à mesure que ceux-ci entrent dans leur phase de mise en œuvre. Dans l'ensemble, l'investissement devrait, selon les prévisions, croître de 3,3 % cette année, de 3,1 % en 2017 et de 3,5 % en 2018.
L'emploi dans la zone euro et l'UE devrait croître de 1,4 % cette année – un rythme inédit depuis 2008 –, malgré la persistance de capacités sous-utilisées sur le marché du travail. La création d'emplois devrait se poursuivre, tirée par une croissance induite par la demande intérieure, une hausse modérée des salaires, ainsi que par les mesures de politique budgétaire et les réformes structurelles appliquées dans certains États membres. La croissance de l'emploi devrait rester relativement solide, malgré un très faible tassement en 2017 et 2018. Même si l'on s'attend à une augmentation plus rapide de la population active cette année en raison d'une hausse des taux de participation et de l'intégration progressive des réfugiés sur le marché du travail, le chômage dans la zone euro devrait reculer relativement vite, passant de 10,1 % en 2016 à 9,7 % l'an prochain, pour s'établir à 9,2 % en 2018. Cette évolution devrait être du même ordre pour l'ensemble de l'UE, le taux de chômage devant chuter de 8,6 % cette année à 8,3 % l'an prochain et 7,9 % en 2018. Pour la zone euro, c'est le niveau le plus bas depuis 2009. Ces chiffres soutiennent la comparaison avec le niveau record de 12 % en 2013, mais restent nettement supérieurs aux 7,5 % atteints en 2007.
L'inflation dans la zone euro a été très faible au cours du premier semestre de l'année, avec la chute des prix du pétrole, mais est repartie à la hausse au troisième trimestre, l'effet des baisses de prix antérieures ayant commencé à s'estomper. Elle devrait désormais repasser la barre de 1 %, avec la hausse présumée des prix pétroliers. L'inflation sous-jacente, qui exclut les prix volatiles de l'énergie et des denrées alimentaires, devrait augmenter progressivement, dans un contexte marqué par la croissance plus soutenue des salaires et un nouveau resserrement de l'écart de production. Dans l'ensemble, l'inflation dans la zone euro devrait passer de 0,3 % en 2016 à 1,4 % en 2017 et 2018. Pour ce qui est de l'UE, les prévisions tablent sur une hausse de l'inflation qui, de 0,3 % cette année, passerait à 1,6 % en 2017 et 1,7 % en 2018.
Dans la zone euro, tant le déficit public agrégé que le ratio de la dette publique au PIB devraient continuer à baisser au cours de la période 2017-2018 couverte par les prévisions. Le déficit public de la zone euro devrait reculer, de 1,8 % du PIB cette année à 1,5 % en 2017 comme en 2018. Ce fléchissement résulte de la diminution des transferts sociaux parallèlement à la baisse du chômage, de la modération salariale dans le secteur public et de la faiblesse des taux d'intérêt, qui allège le service de la dette. Le ratio de la dette au PIB devrait baisser pour passer de 91,6 % en 2016 à 89,4 % en 2018.
La croissance du PIB mondial a poursuivi son repli au cours des derniers mois et devrait s'établir à 3,2 % cette année, son niveau le plus bas depuis 2009, constate la Commission. Un renforcement de la croissance sur les marchés émergents et aux Etats-Unis est attendu, toutefois, le taux de croissance mondiale (hors UE) devrait s'accroître de manière modérée. La faiblesse actuelle des échanges mondiaux hors UE pèse sur les exportations de la zone euro, malgré la résilience du commerce intra-zone euro. Le commerce mondial, exceptionnellement fragile cette année, devrait croître plus lentement que le PIB en 2016, avant d'augmenter à nouveau au rythme de la croissance du PIB en 2017, pour devancer légèrement celle‑ci en 2018. Les services de la Commission s’attendent à une progression des importations supérieure à celle des exportations dans la zone euro. L'excédent de la balance courante de la zone euro devrait diminuer durant la période couverte par les prévisions.
Les risques pesant sur les prévisions ont augmenté au cours des derniers mois et traduisent clairement une orientation baissière, notamment en raison du référendum sur la sortie du Royaume‑Uni de l'Union, qui a suscité des incertitudes et peut être perçu comme un signe de risques accrus pour les politiques mises en œuvre, dans un environnement politique de plus en plus instable, observe la Commission, qui ne prend pas en compte les différents scénarios de sortie du Royaume-Uni et leurs possibles conséquences dans ces prévisions qui ne tiennent compte que des "politiques annoncées de façon fiable et définies de manière suffisamment détaillées" et qui reposent sur l’hypothèse de politiques inchangées. Les risques extérieurs, tels que des évolutions économiques incertaines en Chine et le risque de dégradation de conflits géopolitiques, ont également augmenté, note encore la Commission.
La Commission européenne a revu à la hausse ses prévisions de croissance pour le Luxembourg, estimant qu’elle continuerait sa croissance à 3,6 % en 2016, alors que le taux estimé au printemps était de 3,3 %. Cette croissance soutenue se démarque particulièrement, puisque seules l’Irlande et Malte affichent des taux de croissance supérieur s (de 4,1 %) pour 2016, avant de s’aligner dans les deux années à venir sur la croissance soutenue que devrait connaître le Grand-Duché, à savoir 3,8 % en 2017 et 3,6 % en 2018. Chez les pays voisins et proches partenaires, la croissance attendue en 2016 va de 1,2 % en Belgique, 1,3 % en France, 1,7 % aux Pays-Bas à 1,9 % en Allemagne.
La Commission estime que cette croissance va être soutenue tant par la demande intérieure que par les exportations nettes. En effet, la Commission estime que la consommation privée devrait s’améliorer de façon modérée, aidée par une robuste création d’emplois, une inflation contenue et des conditions financières favorables qui vont aussi favoriser l’investissement.
La Commission estime notamment que la construction, tant résidentielle que non-résidentielle, devrait rester robuste malgré une légère décélération, soutenue par les investissements des ménages et du gouvernement. En revanche, la hausse des investissements en équipements sera portée principalement par des secteurs bien spécifiques, notamment par l’industrie aéronautique et satellitaire.
Le secteur financier a retrouvé des forces après une baisse marquée en début d’année, constate la Commission qui relève notamment que l’industrie des fonds d’investissement était sur le point d’atteindre en juillet les niveaux record de la fin 2015. Dans l’ensemble, au cours du premier semestre 2016, le secteur bancaire a su préserver sa profitabilité malgré les coûts élevés liés aux nouveaux standards réglementaires, et les crédits au secteur privé non financier ont augmenté. La Commission anticipe toutefois une possible décélération au second semestre.
Les services de la Commission identifient deux mesures propices à la croissance en 2017, à savoir la réforme fiscale annoncée par le gouvernement pour 2017 et la nouvelle tranche d’indexation automatique des salaires attendue pour fin 2016. "Ces mesures devraient stimuler la consommation et l’investissement", notent les services de la Commission après avoir, des années durant, pointé du doigt le mécanisme d’indexation des salaires. L’effet sur le PIB sera toutefois limité du fait de l’épargne d’une part, et du fait qu’une large part de la consommation et de l’investissement est importée. La croissance devrait toutefois rester vigoureuse et atteindre 3,8 % en 2017, escompte la Commission.
En 2018, la Commission estime que la consommation va perdre de son élan, mais que la croissance sera soutenue par une reprise dans l’environnement extérieur, et notamment dans la zone euro. Ce qui explique le taux de croissance de 3,6 % qui est attendu pour 2018.
Les services de la Commission estiment que l’emploi va augmenter de 2,8 % en 2016 et poursuivre sur sa lancée pour atteindre 2,9 % en 2017, porté par le fort élan économique, et 2,6 % en 2018. Le taux de chômage, estimé à 6,2 % en 2016, devrait baisser très légèrement à 6,1 % en 2017 et remonter à 6,2 % en 2018. Une stagnation qui ne reflète pas directement la hausse du taux d’emploi du fait de la part importante de non-résidents susceptibles de pourvoir les emplois créés, note la Commission.
En ce qui concerne l’inflation, elle devrait stagner en 2016 avant de remonter pour atteindre 1,9 % en 2018 du fait notamment de la hausse attendue des prix du pétrole.
Sur le plan budgétaire, la Commission estime que le gouvernement a "utilisé la marge de manœuvre" qu’il avait, en affichant un excédent du solde public de 1,3 % du PIB en 2016. L’inflation basse et les mesures d’économie adoptées en 2015 devraient aider à contenir les dépenses malgré le haut niveau d’investissement public maintenu par les autorités, observe la Commission.
Pour 2017, c’est un budget à l’équilibre qui est attendu, et ce notamment en raison de l’impact de la réforme fiscale qui sera alors entrée en vigueur et qui devrait occasionner une réduction des recettes fiscales de l’ordre de 0,8 % du PIB. Pour 2018, les services de la Commission estiment que le solde public devrait, à politique inchangée, afficher un excédent de 0,1 % du PIB.