Les ministres en charge de l'Agriculture et de la Pêche se sont réunis les 14 et 15 novembre 2016 pour un Conseil présidé par la ministre slovaque de l'Agriculture et du Développement rural, Gabriela Matečná.
La première journée de ce Conseil a été marquée par un accord sur les possibilités de pêche pour 2017 et 2018 pour certains stocks de poissons d'eau profonde. L'accord réduit pour ces deux années les taux admissibles de capture (TAC) pour la plupart des stocks de sabre noir, de dorade et de phycis de fond, ainsi que tous les stocks de grenadier de roche, poisson qui sera ainsi pêché selon le principe de rendement maximum durable en 2017. Certains de ces quotas restent stables comme les stocks de dorade dans les Açores. Dans l'Atlantique nord, les quotas de dorade permettent simplement de couvrir les prises accessoires, afin de protéger le stock "qui est à un niveau historiquement bas et près de s'effondrer", selon un communiqué de la Commission européenne.
Les décisions sur les quotas de pêche en eaux profondes ont été prises à l'unanimité pour la première fois en six ans, depuis que l'UE a imposé des taux admissibles de captures limités pour les espèces de requins particulièrement vulnérables, s'est félicitée Gabriela Matecna. "Nous nous sommes accordés sur un petit quota à l'essai de prises accessoires (pêche accidentelle lors de la capture d'autres poissons, ndlr) pour les requins en eaux profondes, ce qui permettrait aux scientifiques de nous aider à mieux comprendre l'état de ces stocks", a expliqué Karmenu Vella, commissaire européen à la Pêche, lors d'une conférence de presse.
Les ministres ont par ailleurs eu un premier échange de vues sur la proposition de la Commission relative à un plan pluriannuel pour les stocks démersaux de la mer du Nord.
Deux points concernant le bien-être animal ont par ailleurs été abordés dans la matinée de cette première journée, ainsi que l'a souligné dans un communiqué le ministère luxembourgeois de l'Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs. Il a ainsi été question de l'établissement d'une plateforme donnant l'opportunité aux États membres d'avoir un échange des meilleures pratiques en matière de bien-être animal, sujet qui avait été à l'ordre du jour des Conseils Agriculture de février et mai 2016 avec le soutien du Luxembourg, et de la manière d'améliorer la mise en œuvre de la législation existante en matière de bien-être des animaux pendant le transport.
Le Luxembourg compte parmi les délégations qui souhaiteraient unifier les conditions à travers les États membres et voir une règlementation sur le temps de transport du bétail vers les abattoirs. Sur ce point, le ministre luxembourgeois de l'Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs, Fernand Etgen a exprimé son mécontentement face à la situation actuelle, car l'application des dispositions du règlement transport n'est toujours pas satisfaisante dans tous les États membres et les infractions demeurent fréquentes. Fernand Etgen a ainsi demandé "à la Commission de veiller à la mise en œuvre correcte et harmonisée dans les États membres, des dispositions du règlement transport, notamment par l'intermédiaire de lignes directrices claires". Il a plaidé pour "une réduction de la durée maximale pour le transport des animaux d'abattage".
La Commission évalue actuellement toutes les options et souhaite utiliser au mieux le temps et les ressources afin de garantir avant tout une meilleure application des conditions et une promotion des normes, jugées "très élevées". La Commission envisage un système de reconnaissance pour une meilleure visibilité des conditions du bien-être animal des produits se trouvant sur le marché. Cette reconnaissance aisée aurait pour but d'inciter le consommateur dans son choix d'achat et idéalement, à travers la demande, de faciliter l'engagement volontaire des entreprises. La Commission souhaite organiser une première réunion sur le sujet du transport du bétail vers l'abattoir dans les plus brefs délais, sous présidence maltaise.
Le 15 novembre, pour son deuxième jour, la réunion du Conseil a débuté avec la présentation du rapport visant à renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne d'approvisionnement, par Cees Veerman, le président du groupe de travail Agricultural Markets Task Force (AMTF), créé en janvier 2016.
Dans un contexte marqué par la crainte que les agriculteurs subissent de plein fouet la volatilité des prix et des périodes prolongées de prix bas, le groupe de travail conclut dans son rapport que le cadre politique régissant la chaîne d'approvisionnement "peut et doit être encore amélioré", rapporte le communiqué de presse de la Commission européenne.
Le rapport fait plusieurs recommandations :
Dans son rapport, "le groupe de travail sur les marchés agricoles a également abordé certaines questions qui alimenteront le débat sur la politique agricole commune (PAC) après 2020, en mettant l'accent sur les défis posés par le changement climatique ainsi que la pénurie d'eau et d'énergie fossile", ajoute un communiqué de presse de la Commission.
"Faire en sorte que la position des agriculteurs soit renforcée et que leur voix soit davantage entendue est une priorité essentielle de mon action. Le rapport du groupe de travail sur les marchés agricoles constitue une contribution précieuse au débat sur la façon d'atteindre cet objectif. Nous allons à présent accorder la priorité à l'examen du rapport et de ses recommandations afin d'apporter la réponse appropriée", a déclaré le commissaire européen chargé de l'agriculture et du développement rural, Phil Hogan.
Les conclusions du Conseil indiquent que les ministres de l'Agriculture des pays de l'UE ont dans l'ensemble apprécié les recommandations du groupe de travail sur les marchés agricoles, mais ils se sont montrés divisés sur le besoin de légiférer à l'échelle de l'UE pour interdire les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire, certains préférant une approche au niveau des Etats membres et sur la base du volontariat, à une approche européenne et contraignante voulue par les autres.
Pour le Luxembourg, Fernand Etgen a remercié Cees Veerman pour la présentation détaillée du rapport et bien qu'étant bien entendu totalement d'accord sur l'objectif, il a affirmé que ce rapport devra encore être examiné de façon approfondie dans les prochaines semaines.
Ensuite, la Commission a présenté une étude sur l’impact des accords de libre-échange sur l’agriculture, qui avait été, comme la précédente étude, publiée la veille du Conseil.
Cette analyse, qui anticipe les impacts de douze futurs accords de libre-échange, sur les prix des produits et les volumes de production, pour une série de produits comptant pour 30 % de la valeur des exportations européennes du secteur, prend en compte uniquement les effets de la libéralisation réciproque des droits de douane à l'importation à l'horizon 2025, en retenant deux scénarios (baisse de 50% ou de 25% des lignes tarifaires).
De plus, "en raison du nombre limité de méthodes disponibles, (…) il n'a pas été possible de quantifier précisément les avantages potentiels pour des produits importants affichant un potentiel considérable en matière d'exportations, comme les fruits et légumes, le vin, l'huile d'olive et les aliments transformés en général (qui représentent en valeur 70 % des exportations agroalimentaires de l'Union européenne), de même que les bénéfices d'une meilleure protection des indications géographiques", avait au préalable prévenu la Commission européenne dans un communiqué.
L'étude conclut que les accords de libre-échange auraient un impact positif sur les secteurs du lait et de la viande porcine, et que des effets bénéfiques d'une telle ouverture commerciale se feraient aussi sentir pour des "de produits de base comme le blé jusqu'aux produits à haute valeur ajoutée tels les boissons alcoolisés (notamment le vin et les spiritueux)". De plus, "la demande supplémentaire en exportations, renforcée par les accords de libre-échange, pourrait se traduire par une source importante de croissance, de création d'emplois et de valeur ajoutée pour les secteurs de l'agriculture européenne et de la nourriture", lit-on dans les conclusions de l'étude. C'est au Japon, aux Etats-Unis et en Amérique du Sud, que les produits européens auraient le plus de débouchés.
D'autre part, l'étude montre que ces accords pourraient être négatifs pour des secteurs vulnérables telles que la viande bovine, le riz et, dans une moindre mesure, pour les volailles et le sucre.
L'étude indique que le secteur bovin serait notamment rudement mis en concurrence par les exportations en provenance d'Amérique du Sud en cas d'adoption du Mercosur. Selon l'Agence Europe, la France, soutenue par l'Allemagne et la Pologne, a d'ailleurs réclamé, dans un document commun, un réexamen du volet tarifaire des pourparlers en cours avec les pays du Mercosur et de la "stratégie de l'UE" à l'égard du bloc sud-américain, alors qu'en mai 2016, à l'occasion d'un échange d'offres, la Commission avait renoncé à inclure, à ce stade, la viande bovine et l'éthanol.
"L'étude confirme en outre que l'attitude ferme adoptée par l'UE sur la question des restrictions d'accès pour les produits sensibles, tels que la viande de bœuf et le riz, est justifiée", dit une fiche d'information de la Commission européenne. Les négociateurs de l'UE doivent composer avec les attentes de leurs partenaires dans les pays tiers et sont décidés à obtenir une protection convenable de ces produits sensibles, qui revêtent une très grande valeur économique et sociale dans plusieurs États membres.
"Nous nous attendons à ce que les pays avec lesquels nous commerçons actuellement, ou avec lesquels nous négocions, tiennent compte de cette étude particulière afin de modérer leurs attentes sur ce que l'UE peut leur offrir", a déclaré le commissaire européen en charge de l'Agriculture, Phil Hogan. "Ce document et cette étude nous donnent beaucoup plus de munitions en termes de négociations avec des pays comme ceux du Mercosur."
A la suite de cette présentation, les ministres ont exprimé le besoin d'accords commerciaux équilibrés qui respectent les vulnérabilités de certains secteurs agricoles européens. Le Conseil Agriculture du 23 janvier 2017 reviendra sur ce dossier de manière plus approfondie.
Le Conseil a aussi discuté du rôle de la recherche et de l'innovation en faveur d'une agriculture durable, en se concentrant sur la manière d'élargir la participation dans la recherche agro-alimentaire et la bioéconomie, ainsi que sur les moyens de mettre en œuvre la stratégie pour la bioéconomie.
Le ministre luxembourgeois de l'Agriculture, Fernand Etgen, a insisté sur deux aspects qui lui tiennent à cœur, à commencer par les échanges entre acteurs de la recherche : "En effet la coopération au niveau régional et transfrontalier peut créer des synergies, éviter des doublons et également permettre une meilleure absorption des fonds dédiés à la recherche", a-t-il déclaré. Ensuite, le ministre a soutenu le fait que les échanges entre ceux qui sont impliqués dans la recherche et les agriculteurs devraient être intensifiés, en soulignant qu'il est "crucial d'améliorer les liens entre la recherche scientifique et la mise en pratique d'approches innovantes". "Il faut assurer le transfert d'informations et de résultats de la recherche vers des applications pratiques sur le terrain si nous voulons réussir le programme d'innovation de l'Union", a-t-il ajouté.