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Emploi et politique sociale - Justice, liberté, sécurité et immigration - Marché intérieur
Le ministre luxembourgeois du Travail, Nicolas Schmit, s'oppose au paiement durant douze mois des indemnités de chômage de travailleurs frontaliers par le pays d’emploi, tel que le propose la Commission européenne
15-12-2016


Le 13 décembre 2016, la Commission a présenté une révision de la réglementation de l'Union relative à la coordination de la sécurité sociale, qui actualise les règles dans cinq domaines : les prestations de chômage, les prestations pour des soins de longue durée, l’accès des citoyens (économiquement) non actifs à des prestations sociales, la coordination de la sécurité sociale pour les travailleurs détachés et les prestations familiales.

La proposition de la Commission a suscité des réactions critiques au Luxembourg comme sur la scène européenne, pour des raisons diverses.

Au Luxembourg

La proposition de la Commission intéresse tout particulièrement le Luxembourg, notamment en ce qui concerne  les travailleurs frontaliers, puisque la Commission envisage que l'État membre où ils ont travaillé pendant les 12 derniers mois soit chargé du paiement des prestations de chômage.

Interrogé dans plusieurs médias, et notamment par les journaux Luxemburger Wort et Tageblatt, ainsi que la radio socio-culturelle 100komma7, le ministre luxembourgeois du Travail, Nicolas Schmit, s’est montré mécontent d’une telle proposition.

Dans les colonnes du Luxemburger Wort, Nicolas Schmit a ainsi fait valoir que "l’indemnité chômage n’est pas une prestation sociale comme une autre", puisqu’elle est liée au respect de certaines conditions, dont il serait impossible de contrôler l’observance par des demandeurs d’emplois frontaliers.  Il en va ainsi des efforts propres dans la recherche d’un emploi. De même, il n’y a pas d’obligation pour les demandeurs d’emploi frontaliers de participer à toutes les mesures pour l’emploi de l’ADEM. "Telle qu’elle est actuellement, la mesure n’est pas praticable", a-t-il ajouté. "Elle part du principe qu’il n’y a qu’un marché du travail européen unique,  mais ce n’est pas le cas, et ça ne le sera ni demain, ni après-demain", a-t-il notamment précisé au micro de 100komma7.

Nicolas Schmit ne pense pas qu’une telle règle ne résoudra les problèmes sur les marchés du travail nationaux. Dans les colonnes du Tageblatt, il a aussi évoqué "un empiètement dans la politique luxembourgeoise de l’emploi" et estimé que, soumis à davantage d’obligations, les chômeurs résidant au Luxembourg pourraient être discriminés vis-à-vis des frontaliers par cette mesure, alors que le frontalier obtiendrait une indemnité de chômage "sans contre-partie". "Dans la forme, je ne peux absolument pas accepter", a dit Nicolas Schmit, déclarant qu’il aurait, le plus vite possible, une entrevue avec la commissaire européenne Marianna Thyssen.

Depuis le 1er mai 2010, le Luxemburg paie les trois premiers mois de chômage aux travailleurs frontaliers, ce qui coûte 32 millions d’euros par an. La nouvelle règle, si elle était effectivement adoptée, pourrait entraîner un surcoût de 60 millions d’euros par rapport à la situation actuelle, selon les chiffres parus dans la presse, en l'absence d'une étude plus détaillée.

En Europe

La Confédération européenne des syndicats (CES) a estimé que la proposition de la Commission  présente "certaines améliorations sans toutefois s’attaquer aux désavantages auxquels les travailleurs mobiles sont confrontés". Or, la CES compte, parmi les trois améliorations, l’obligation faite au pays d’emploi de payer les allocations de chômage des travailleurs frontaliers ou transfrontaliers), jugeant toutefois que "le délai de carence de 12 mois semble trop long".  Les deux progrès sont pour la CES, l’extension de 3 à 6 mois de la période durant laquelle un travailleur peut prétendre à des allocations de chômage dans le pays de son dernier contrat de travail tout en cherchant un travail dans un autre pays  ainsi que l’inclusion des soins de longue durée pour la coordination des prestations et paiements de sécurité sociale.

Par ailleurs, la CES déplore que "le paquet actuel n’aborde pas complètement les nombreux problèmes auxquels doivent en particulier faire face les 1,3 million de travailleurs des régions frontalières d’Europe travaillant dans un pays et vivant dans un autre". Quant au détachement, le paquet reproduit "les erreurs" de la révision de la directive sur le détachement des travailleurs "en autorisant un détachement jusqu’à 24 mois alors qu’en réalité la moyenne des détachements ne dépasse pas 6 mois".

Au niveau des groupes politiques du Parlement européen, c’est la disposition par laquelle  la Commission veut permettre aux États membres, en ligne avec la jurisprudence européenne, de subordonner l'accès d'un citoyen (économiquement) non actif à des prestations de sécurité sociale et d'assistance sociale à la condition qu'il bénéficie d'un droit de séjour légal, qui a fait le plus réagir.  

Le groupe Verts-ALE a ainsi estimé que la proposition de la Commission "fait reculer l’Europe sociale". "A l’heure où les États jouent la carte du repli, la Commission européenne devrait avoir pour objectif de renforcer, au lieu de défaire, les protections offertes au sein de l'Union européenne. Hélas, elle cède au fantasme du 'tourisme social' déjà acté par la Cour de Justice de l'UE dans son arrêt Dano en 2014", a déclaré l’eurodéputée, Karima Delli. L’eurodéputée se réjouit toutefois que la Commission européenne n’ait pas suivi les demandes de pays comme l’Autriche, les Pays-Bas ou l’Allemagne d’indexer les allocations familiales sur le niveau de vie du pays d’origine des parents bénéficiaires.

"La proposition facilite aux Etats membres la possibilité d’exclure les plus pauvres de la protection sociale uniquement parce qu’ils ont émigré d’un autre pays européen", a déploré la présidente du GUE-NGL, Gabi Zimmer. Elle juge que la Commission “cede à l’extrême-droite et manque l’opportunité d’une réponse européenne à un problème social, au lieu d’exacerber les conflits sociaux".