Le 6 décembre 2016, le Conseil ECOFIN avait un ordre du jour très chargé, dans lequel le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis a vu un indice de "l'important arsenal de travaux que nous faisons avancer pour réduire le risque dans le secteur financier, soutenir l'investissement, coordonner les politiques économiques durables, approfondir l'Union économique et monétaire et moderniser nos systèmes fiscaux".
Les ministres des Finances ont ainsi approuvé l'extension du plan "Juncker" d'investissement, telle que l'avait proposée, en septembre 2016, la Commission européenne. Cette extension consiste dans le doublement de la capacité et de la durée du plan en attirant 630 milliards d'euros d'investissements d'ici à 2022.
L'accord scellé par les États membres, qui doit encore être négocié avec le Parlement européen début 2017, prévoit de générer un montant total d'au moins 500 milliards d'euros d'investissements privés et publics supplémentaires d'ici à 2020. Pour ce faire, il porte à 26 milliards d'euros la garantie du budget de l'UE octroyée au fonds (qui reste fixée à 16 milliards d'euros jusqu'en 2018), relève de 5 à 7,5 milliards d'euros la contribution de la Banque européenne d'investissement au financement de projets.
Lors du débat, plusieurs délégations ont estimé nécessaire d'évaluer plus en profondeur le plan Juncker, notamment le caractère additionnel des projets bénéficiant d'une garantie publique du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), qui avait été en partie remis en cause par la Cour des comptes européenne.
Le président de la BEI, Werner Hoyer, a expliqué que le plan a permis de mettre sur pied une vaste gamme de nouveaux instruments financiers et que 60 % des projets soutenus sont portés par de nouveaux clients de la Banque. Dans des conclusions qu'ils ont adoptées, les ministres approuvent la nécessité de lever les barrières à l'investissement notamment dans les secteurs énergétique et numérique.
Dans son intervention au Conseil, le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna, a souligné l'importance du premier pilier que consttue le FEIS et a demandé à ce qu'on veille à l'additionnalité pour ne pas laisser de côté le secteur privé.
Pierre Gramegna a profité aussi de son intervention pour encourager le Conseil à davantage communiquer sur les bonnes nouvelles que sont la réussite du plan Juncker mais aussi le passage pour la première fois depuis sept ans, du taux de chômage de l'UE sous la barre des 10 %, selon des chiffres révélés par Eurostat le 1er décembre 2016, ainsi que le taux de 1,7 % de croissance prévue pour 2016, qui est le meilleur résultat depuis la crise.
Les ministres européens des Finances ont ensuite progressé sur la révision de la directive anti-évitement fiscal, qui vise à répondre aux situations de montages hybrides entre un pays de l'UE et un pays tiers. Ces montages qui "exploitent les différences de traitement fiscal d'une entité ou d'un instrument existant dans la législation de deux juridictions fiscales ou plus en vue d'obtenir une double non-imposition", comme l'explique le texte de la proposition de directive , étaient déjà dans le viseur du Conseil lorsqu'il a adopté la directive sur la lutte contre l'évitement fiscal par les grandes entreprises, le 17 juin 2016, la Commission s'étant alors engagée à aller plus loin sur les dispositifs hybrides.
Toutefois, des inquiétudes demeurent sur deux éléments, à savoir certaines exclusions pour services financiers, et la date de mise en œuvre du texte. Concernant les exceptions pour le secteur financier, demandées par le Royaume-Uni, plusieurs Etats membres se sont opposés, tandis que Pierre Gramegna a estimé que certaines de ces exemptions pourraient avoir un impact sur les règles prudentielles pour le secteur financier. Mais, n'ayant reçu la proposition de compromis que quelques heures avant, le Luxembourg n'a pas eu le temps d'en mesurer l'impact, a expliqué le ministre, avant de mettre en garde contre le risque de privilégier la rapidité sur la qualité.
Le Conseil a par contre pu s'entendre sur l'adoption de la directive accordant aux autorités fiscales un accès aux informations détenues par les autorités chargées de la prévention du blanchiment de capitaux. Cette mesure présentée par la Commission en juillet 2016, à la suite des révélations sur les "Panama Papers" d'avril 2016, permettra aux autorités fiscales d'accéder à ces informations dans le cadre de la surveillance de la bonne application des règles concernant l'échange automatique d'informations fiscales.
Suite à l'avis du service juridique du Conseil estimant qu'il n'était pas légal de rendre publics les registres sur les bénéficiaires effectifs de sociétés-écrans ou autres entités juridiques et de trusts, lors de l'Écofin de novembre 2016, le Conseil a renoncé à une "divulgation obligatoire" des informations et s'est finalement entendu sur un "accès public basé sur un intérêt légitime".
De même, le Conseil a repoussé d'un an, au 1er janvier 2018, l'entrée en vigueur de la directive. Le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis, a dit regretter que le niveau d'ambition baisse sur la révision de la directive anti-blanchiment d'argent.
Le Conseil a eu un premier échange de vues sur le paquet législatif (CRDCRR) visant à poursuivre la réduction des risques au sein du secteur bancaire de l'UE, en renforçant les règles prudentielles bancaires, présenté par la Commission européenne le 23 novembre 2016. Plusieurs délégations ont estimé que le paquet législatif n'allait pas assez loin dans la réduction des risques financiers, en proposant un ratio d'endettement avec effet de levier à 3%.
Le Luxembourg soutient la réforme mais a émis deux critiques majeures. La première concerne "la dynamique home-host", à savoir l'endroit où doivent être respectés les ratios de capital et de liquidités. Le Luxembourg, accueillant plus de 140 banques, dont surtout des filiales, Pierre Gramegna souhaite que ces obligations soient aussi remplies dans les filiales. "Il en va de la crédibilité des filiales dans les pays d'accueil, de la sécurité des dépôts pour les consommateurs et finalement de la stabilité financière générale, puisqu'on ne peut analyser la stabilité financière que dans les Etats membres qui ont des sociétés-mères", a-t-il expliqué en conférence de presse. Le Luxembourg souhaite par ailleurs que les propositions de la Commission soient "totalement compatibles avec les règles de Bâle actuelles et à venir", afin de "ne pas décourager les investisseurs étrangers", en rendant les règles européennes plus compliquées.
La Commission européenne a présenté son paquet sur la TVA dans le marché unique numérique du 1er décembre 2016, occasion pour Pierre Gramegna de saluer un paquet qui envisage de simplifier la TVA pour les entreprises faisant du commerce en ligne et qui rendrait les e-books et publications numériques éligibles aux mêmes taux de TVA réduits que les publications imprimées.
La Commission européenne a également évoqué l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, alors que l'European fiscal board vient d'être lancé. Elle entend publier un livre blanc au printemps, qui prendra en compte des mesures biens plus profondes, de convergence entre les pays et de la création d'une fonction de stabilisation pour la zone euro, en se référant au rapport des cinq présidents du 22 juin 2015.
Le Conseil ECOFIN a aussi eu un échange de vues sur l'introduction d'une taxe sur les transactions financières (TTF) qui fait l'objet, depuis janvier 2013, d'une coopération renforcée à laquelle participent dix Etats membres sans qu'un texte n'ait pu faire l'unanimité pour l'heure. Lors le débat, durant lequel le Luxembourg qui ne participe pas à la coopération renforcée, n'est pas intervenu, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a notamment estimé que le recours à une coopération renforcée n'était pas la meilleure solution pour avancer, disant travailler à une taxe mondiale.