Les ministres de l’Economie et des Finances de l’UE se sont réunis le 17 juin 2016 pour un Conseil Ecofin consacré notamment au projet de directive sur la lutte contre l’évitement fiscal par les grandes entreprises présenté en janvier dernier par la Commission européenne. Ce projet vise à répondre à certaines des pratiques les plus couramment utilisées par les grandes entreprises pour réduire leur charge fiscale. Ce paquet de mesures se fonde sur les recommandations de l'OCDE relatives à l'érosion de la base d'imposition et au transfert des bénéfices (BEPS), qui ont été publiées en octobre 2015.
Si un consensus général a pu être dégagé au cours de la réunion sur la base des vives discussions qui avaient eu lieu sur le sujet en mai dernier, l’accord reste toutefois suspendu à une procédure de silence jusqu’au lundi 20 juin 2016 minuit.
Le ministre belge a en effet demandé l’autorisation de consulter son gouvernement avant de pouvoir donner son accord sur le compromis auquel sont parvenus les ministres, et dispose par conséquent de ce délai pour éventuellement émettre une objection. Selon cette procédure écrite simplifiée prévue dans le règlement intérieur du Conseil, "la proposition est réputée adoptée à l'issue du délai fixé par la présidence en fonction de l'urgence de l'affaire, sauf objection d'un membre du Conseil".
Le ministre Pierre Gramegna, qui représentait le Luxembourg lors de cette réunion du Conseil présidée par Jeroen Dijsselbloem, est sorti visiblement satisfait de ce consensus. Il a ainsi salué "un compromis politique ambitieux" qui devrait permettre d‘avoir "la directive qui va le plus loin en matière fiscale qui a jamais été adoptée au niveau de l’UE", et ce dans un délai de moins de six mois.
"L’Europe est à l’avant-garde" et se retrouve parmi "les pionniers" de la lutte contre l’évitement fiscal s’est félicité Pierre Gramegna qui a souligné que cette avancée a pu être possible précisément parce que le cadre international change la donne en matière de fiscalité et implique qu’il est désormais clair que les autres vont suivre.
Ce souci de préserver le "level playing field" était un des soucis exprimés par le Luxembourg lors des discussions précédentes. Pierre Gramegna s’est ainsi réjoui de voir que la présidence néerlandaise avait repris sa proposition d’introduire un monitoring du level playing field par les Etats membres et la Commission, de façon à surveiller l’évolution de la fiscalité internationale et de voir à quel rythme suivent les autres acteurs. Ainsi, ce qui était une revendication du Luxembourg est désormais la volonté partagée des 28, s’est félicité le ministre.
Comme l’a rappelé Pierre Gramegna à la sortie de la réunion, le consensus dégagé retient cinq points (sur les six que contenait la proposition initiale de la Commission, ndlr), à savoir :
Sur ce dernier point qui détermine conditions de la taxation dans le pays d’origine ou le pays où est établie leur filiale, Pierre Gramegna a souligné qu’un accord avait pu être trouvé sur la base de "critères de substance". Résultat, le Luxembourg a pu obtenir "l’assurance importante qu’il n’y aurait pas de présomption d’abus". Il reviendra donc à l’administration fiscale de faire les recherches et de coopérer avec l’entreprise concernée pour savoir quelle est la substance, ce qui est d’ailleurs un principe général du droit, comme l’a souligné Pierre Gramegna. A la lecture de la proposition initiale, le Luxembourg s’était inquiété du fait que la charge de la preuve incomberait aux entreprises. Finalement, Pierre Gramegna s’est dit "satisfait" du compromis trouvé.
Les règles sur les sociétés étrangères contrôlées sont pourtant jugées "affaiblies" par un certain nombre d’observateurs, relève l’Agence Europe dans son Bulletin quotidien daté du 20 juin 2016. Mais pour Pierre Gramegna, les dispositions retenues doivent plutôt être interprétées dans le contexte du marché unique et de la liberté d’établissement : une présomption forte aurait été négative pour le marché unique de son point de vue. Et, grâce aux critères de substance auxquels il est fait référence, le texte "protège à la fois les droits des entreprises et permet une taxation efficace", a conclu Pierre Gramegna.
Les ministres se sont par ailleurs mis d’accord sur une feuille de route visant à poursuivre le travail en vue d’achever l’Union bancaire. "Il n’y a pas de date précise, on sent bien que c’est un dossier qui avance pas à pas", a observé Pierre Gramegna à l’issue de la réunion, mais Jeroen Dijsselbloem a indiqué que "l’ambition est de parvenir à un accord durant la période transitoire" de montée en puissance du Fonds de résolution unique (SRF).
Dans leurs conclusions, les ministres indiquent leur intention de poursuivre au niveau technique les travaux sur la mise en place du système européen de garantie des dépôts bancaires (EDIS), 3ème et dernier pilier de l'union bancaire. Les ministres négocieront la proposition de règlement "dès que des progrès suffisants auront été enregistrés sur des mesures visant à réduire les risques" financiers.
"Nous sommes dans une phase d’approfondissement de l’Union bancaire et il y a toute une série d’étapes qu’il f franchir", a expliqué pour sa part Pierre Gramegna en relevant que la feuille de route adoptée est "assez flexible, avec des étapes et un parallélisme pour faire en sorte que la réduction qu’encourent les uns et les autres aillent en parallèle avec la mutualisation des risques".
Au cours de leur réunion, les ministres ont aussi décidé de clore les procédures de déficit excessif de Chypre, de l’Irlande et de la Slovénie. Ils ont aussi approuvé les recommandations spécifiques adressées aux Etats membres par la Commission européenne dans le cadre du semestre européen 2016.
Les ministres ont par ailleurs confirmé - sans débat - un accord sur les nouvelles règles proposées concernant les prospectus pour l'admission de valeurs mobilières à la négociation et l'offre de valeurs mobilières au public. Le 8 juin 2016, le Comité des représentants permanents (Coreper) était convenu d'une position de négociation, permettant ainsi d'entamer des pourparlers avec le Parlement européen. Le projet de règlement a pour but de réduire l'un des principaux obstacles réglementaires auxquels les sociétés sont confrontées lorsqu'elles émettent des titres de capital et de créance. Il vise à simplifier les obligations administratives, de manière à continuer de garantir que les investisseurs sont bien informés.