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Migration et asile - Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination
D’après la CJUE, les États membres ne sont pas tenus d’accorder un visa humanitaire aux personnes qui souhaitent se rendre sur leur territoire dans l’intention de demander l’asile, mais ils peuvent le faire sur la base de leur droit national
07-03-2017


CJUELa Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), saisie d’une question préjudicielle urgente concernant le refus que s’est vu opposer une famille syrienne d’obtenir un visa humanitaire sur la base des visas de l’UE afin de quitter Alep dans le but d’introduire une demande d’asile en Belgique, a rendu son arrêt le 7 mars 2017. Dans ses conclusions du 7 février 2017, l’avocat général Paolo Mengozzi avait considéré que les États membres doivent délivrer un visa humanitaire lorsqu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’un refus exposera des personnes en quête de protection internationale à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants.

L’affaire

Le 12 octobre 2016, un couple syrien ainsi que leurs trois enfants mineurs en bas âge, vivant à Alep, en Syrie, ont introduit des demandes de visas humanitaires auprès de l’ambassade de Belgique à Beyrouth, au Liban, avant de retourner en Syrie le jour suivant. Les demandes visaient à obtenir des visas à validité territoriale limitée, sur la base du code des visas de l’UE, afin de leur permettre de quitter la ville assiégée d’Alep dans le but d’introduire une demande d’asile en Belgique. L’un d’eux déclare, notamment, avoir été enlevé par un groupe armé, battu et torturé, avant d’être finalement libéré contre une rançon. Ils insistent particulièrement sur la dégradation de la situation sécuritaire en Syrie en général et à Alep en particulier, ainsi que sur le fait que, étant de confession chrétienne orthodoxe, ils risquent d’être persécutés en raison de leurs croyances religieuses.

Le 18 octobre 2016, l’Office des étrangers de Belgique a rejeté ces demandes. Il estime que, en sollicitant un visa à validité territoriale limitée pour introduire une demande d’asile en Belgique, la famille syrienne en question avait manifestement l’intention de séjourner plus de 90 jours en Belgique, ce qui est contraire au code des visas de l’UE. En outre, l’Office souligne qu’autoriser la délivrance d’un visa d’entrée à cette famille afin qu’elle puisse introduire une demande d’asile en Belgique reviendrait à lui permettre de former une demande d’asile auprès d’un poste diplomatique.

La famille syrienne conteste la décision de refus devant le Conseil du contentieux des étrangers de Belgique. Elle soutient que la Charte des droits fondamentaux de l’UE et la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) prévoient une obligation positive pour les États membres de garantir le droit à l’asile. L’octroi d’une protection internationale serait le seul moyen d’éviter le risque de violation de l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Dans ces conditions, le Conseil du contentieux des étrangers a décidé, en urgence, d’interroger la Cour de justice de l’UE. Il observe, entre autres, que le code des visas prévoit, notamment, qu’un visa est délivré lorsqu’un État membre l’« estime » nécessaire pour honorer des obligations internationales et s’interroge sur l’ampleur de la marge d’appréciation laissée aux États membres dans ce contexte.

Ces demandes ne relèvent pas du champ d’application du code des visas, et donc du droit de l’Union,  et les dispositions de la Charte européenne des droits fondamentaux ne sont par conséquent pas applicables

Dans son arrêt rendu le 7 mars 2017, la Cour relève tout d’abord que le code des visas a été adopté sur le fondement d’une disposition du traité CE, en vertu de laquelle le Conseil arrête des mesures relatives aux visas pour les séjours prévus d’une durée maximale de trois mois. Par conséquent, le code des visas fixe les procédures et conditions de délivrance des visas pour les transits ou les séjours prévus sur le territoire des États membres d’une durée maximale de 90 jours sur toute période de 180 jours. Or, la famille syrienne a présenté des demandes de visas pour raisons humanitaires dans l’intention de demander l’asile en Belgique et donc un permis de séjour qui n’est pas limité à 90 jours.

Il s’ensuit que, même si ces demandes ont été formellement introduites sur le fondement du code des visas, elles ne relèvent pas de son champ d’application.

La Cour précise en outre qu’aucun acte n’a, à ce jour, été adopté par le législateur de l’Union concernant la délivrance, par les États membres, de visas ou de titres de séjour de longue durée à des ressortissants de pays tiers pour des raisons humanitaires. Dès lors, les demandes de la famille syrienne relèvent du seul droit national.

Par conséquent, la situation en question n’étant pas régie par le droit de l’Union, les dispositions de la Charte ne sont pas applicables.

La Cour précise encore que la situation de la famille syrienne est caractérisée, non pas par l’existence de doutes sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa, mais par une demande ayant un objet différent de celui d’un visa de courte durée.

Selon la Cour, permettre à des ressortissants de pays tiers d’introduire des demandes de visa afin d’obtenir le bénéfice d’une protection internationale dans l’État membre de leur choix, porterait atteinte à l’économie générale du système institué par l’Union pour déterminer l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale.

La Cour conclut qu’une demande de visa à validité territoriale limitée introduite par un ressortissant d’un pays tiers pour raisons humanitaires, sur la base du code des visas, auprès de la représentation de l’État membre de destination située sur le territoire d’un pays tiers, dans l’intention d’introduire, dès son arrivée dans cet État membre, une demande de protection internationale et de séjourner par conséquent dans ledit État membre plus de 90 jours sur une période de 180 jours, ne relève pas de l’application du code, mais, en l’état actuel du droit de l’Union, du seul droit national.