A l’occasion de la célébration du 60e anniversaire de la signature des Traités de Rome, Nicolas Schmit a appelé le 21 mars 2017 à une relance du projet européen qui soit "basée sur des choix clairs" et fondée sur "un pacte social" qui "rétablisse la hiérarchie des normes et ne soumette plus les droits sociaux aux libertés économiques". Le ministre luxembourgeois du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire était invité à intervenir lors d’une journée de réflexion organisée par la fédération européenne des fondations progressistes (FEPS), à laquelle appartient la Fondation Robert Krieps.
"L’Europe est en danger", a constaté pour commencer Nicolas Schmit qui a de ce fait souligné l’urgence "de construire un autre projet européen progressiste, car plus social, plus solidaire et plus démocratique". Il a ainsi appelé les forces progressistes à "travailler à cette Europe différente, capable de rebâtir cette confiance des citoyens et surtout de tenir tête aux velléités de désintégration, aux réflexes de repli nationaliste, aux discours d’exclusion propagés par les populistes".
Nicolas Schmit estime que la montée des populismes est "d’abord le résultat d’une crise profonde, celle d’un modèle ou plutôt d’une idéologie", à savoir "la foi aveugle dans le pouvoir des marchés". Selon lui en effet, on n’assiste pas à "un rejet pur et simple de l’idée européenne", mais le problème vient plutôt du "sentiment que cette Europe très imprégnée par l’idéologie néo-libérale fait peu de cas des jeunes au chômage, des familles plongées dans l’insécurité et l’exclusion".
Son appel aux forces de gauche est donc un appel à "présenter des solutions concrètes alternatives, des politiques qui renouent avec nos valeurs" et à "élaborer un projet européen qui se distingue de celui des conservateurs et qui répond aux aspirations sociales et démocratiques". "Il doit intégrer également les nouveaux défis économiques, technologiques, environnementaux et politiques", estime le ministre du travail.
Pour Nicolas Schmit, cette "relance progressiste" va bien au-delà du débat institutionnel articulé autour des différents scenarii lancé par la Commission européenne dans son livre blanc sur l’avenir de l’UE. L’urgence est à ses yeux plutôt de "politiser le débat sur l’Europe" et de ne pas "le réduire à une sorte de mécanique institutionnelle en esquivant par la présentation de vagues scenarii la vraie question : une Europe, mais pour quoi faire ?".
"Pour nous, progressistes", a lancé Nicolas Schmit, "la question fondamentale ne se pose pas en termes de scénarii : la ligne de partage n’est d’abord pas entre plus d’Europe ou moins d’Europe, mais entre d’une part une Europe ultra-libérale qui fait aveuglement confiance à l’intérieur comme vers l’extérieur, aux forces du marché et, d’autre part, une Europe qui protège, qui assure plus de sécurité économique, sociale, politique,...". Aux yeux du ministre, "l’Europe est le cadre indispensable pour construire les sécurités sans lesquelles la grande majorité des citoyens seraient livrés aux aléas et aux dangers d’un monde où les violences et les injustices sont omniprésentes".
Abordant tout d’abord le thème de la sécurité externe, Nicolas Schmit estime que l’Europe est la seule assurance des Européens, "à condition qu’elle se donne les moyens". "Notre voisinage se trouve dans une grande instabilité", constate en effet le ministre qui considère que "notre politique n’est pas à la hauteur de ces risques considérables". "Nous devons aller plus vite et plus résolument vers une défense européenne intégrée tout en sachant que la sécurité n’est pas uniquement une question de plus de dépenses et de moyens militaires. La sécurité c’est aussi le développement, l’ouverture de perspectives économiques et sociales", a assuré le ministre.
Si Nicolas Schmit est d’avis que la "famille progressiste a besoin d’un discours clair et cohérent sur la protection de nos frontières externes, sur les migrations et sur les instruments européens en matière de sécurité interne", il est aussi convaincu que "ce n’est pas Schengen qui pose problème, c’est la faiblesse des échanges et de la coopération au niveau européen face au terrorisme et à la grande criminalité qui devrait nous interpeler". De son point de vue, il faut en effet "baser notre politique sur les valeurs de solidarité, de protection de ceux qui ont en besoin", ce qui, prévient-il, "suppose les ressources appropriées".
En ce qui concerne la sécurité économique, dont il est bien conscient qu’elle sert à mesurer "l’efficacité de l’UE", Nicolas Schmit a souligné que certes la globalisation, "irréversible", a été "bénéfique", mais qu’elle "produit aussi des millions de perdants, dévaste des territoires privées de leur substance économique". Face à "une nouvelle menace protectionniste, nous devons nous engager à la fois pour des règles - sociales, environnementales - et des politiques actives en faveur de ceux qui sont les perdants d’un libre échange et d’une libéralisation sans limite", a plaidé Nicolas Schmit en appelant à "réajuster la politique européenne dans un sens plus démocratique" en ce qui concerne les accords de libre-échange.
Le ministre luxembourgeois a toutefois insisté sur la nécessité d’une réforme des grandes orientations de la zone euro, un sujet qui lui tient à cœur et qu’il juge d’autant plus urgent que "les risques internes, notamment la situation de la Grèce, ne sont que très imparfaitement maîtrisés". A ses yeux, une réforme efficace de la zone euro implique "de corriger les faiblesses initiales de l’UEM qui ont été à l’origine de la crise et qui représentent un risque permanent pour sa solidité, à savoir la combinaison d’une idéologie économique erronée et un manque de solidarité politique". Cette réforme doit aussi inclure une relance des investissements bien au-delà de ce que prévoit le plan Juncker, une consolidation intelligente, la création d’une vraie capacité budgétaire pour la zone euro et enfin une coordination des fiscalités excluant toutes pratiques de dumping fiscal et un contrôle démocratique par la mise en place d’une Assemblée de la zone euro composée de parlementaires nationaux et européens dotée de vrais pouvoirs dans le cadre d’une gouvernance socio-économique renforcée.
Enfin, Nicolas Schmit a plaidé pour que les progressistes fassent "preuve de courage politique" et mettent "l’Europe sociale en haut de leur agenda". "C’est vers le monde du travail que nous devons nous tourner davantage", a poursuivi le ministre qui constate qu’il est "en pleine transformation" du fait que "la technologie transforme le travail, pose de nouvelles exigences en matière de compétences, détruit des emplois et surtout polarise le marché du travail". Il a ainsi mis l’accent sur la mise en place d’un "socle de droits sociaux" qui doit "produire de la convergence sociale, permettre de lutter contre les inégalités et le dumping social et garantir le droit à la négociation collective et à un vrai dialogue social". En d’autres termes, pour Nicolas Schmit, "c’est d’un Pacte social dont l’Union a besoin : un pacte qui rétablisse la hiérarchie des normes et ne soumette plus les droits sociaux aux libertés économiques".