Principaux portails publics  |     | 

Emploi et politique sociale
L’Europe sociale en question à Remich (II) - De l’influence de la Banque centrale européenne (BCE) sur la politique sociale
05-10-2007


Entre le 4 et le 7 octobre 2007 s’est tenue à Remich une Conférence sociale européenne qui réunissait sous les auspices du syndicat LCGB et de son organisation pour le développement et la coopération, Prisma-Lux, des représentants de syndicats chrétiens de toute l’Europe, les pays de l’Europe occidentale, centrale, orientale et des Balkans.

Lors de la deuxième journée, il fut essentiellement question de l’influence de la Banque centrale européenne (BCE) sur la politique sociale.

Etienne de Lhoneux : "L’inflation ne stimule pas l’emploi, mais la lutte contre l’inflation peut être vue comme une protection sociale collective.

"Le premier intervenant fut Etienne de Lhoneux, secrétaire général de la Banque Centrale du Luxembourg.

Etienne de Lhoneux est d’accord pour dire que l’eurosystème qui se compose de la Banque Centrale européenne et des 13 Banques Centrales des Etats membres "n’est pas a priori un acteur social". " Mais cela ne signifie pas pour autant " a-t-il poursuivi "qu’elles ne s’intéressent pas à la redistribution des biens". Selon Etienne de Lhoneux, les Banques centrales européenne ont une justification sociale et poursuivent des objectifs sociaux.

Pour illustrer ses propos, il a cité l’article 6 du traité qui reconnaît des droits aux travailleurs (droit à l’information, aux actions syndicales…) et a évoqué la mise en place par le Conseil des gouverneurs de la BCE d’un groupe de travail informel sur le dialogue social.

"Autrefois, les discussions avaient des connotations plus idéologiques" note Etienne de Lhoneux. Aujourd’hui, le pragmatisme s’est imposé. Ce pragmatisme repose sur le constat que les idéologies conflictuelles se basent sur les mêmes valeurs. Autrement dit, le libéralisme a gagné du terrain, mais les préoccupations sociales restent d’actualité. L’exemple de la Charte sociale illustre cette préoccupation des Etats membres. Etienne de Lhoneux y voit aussi la recherche d’un nouveau modèle social.

La théorie de la "main invisible" prônée par Keynes n’est plus seule à garantir un bon fonctionnement du marché. Aujourd’hui, les banques centrales sont devenues des services publics qui évoluent dans un contexte non concurrentiel. Leur raison d’être est de promouvoir le bien- être dans un processus de check and balances des gouvernements et des forces du marché.

Etienne de Lhoneux a retracé brièvement les différentes étapes qui ont conduit à la mise en place de la BCE afin de souligner l’exemplarité de cette institution qui est unique au monde.

"L’inflation ne stimule pas l’emploi, mais la lutte contre l’inflation peut être vue comme une protection sociale collective", a expliqué Etienne de Lhoneux.

Dans l’histoire européenne le taux d’inflation n’a jamais été aussi bas qu’aujourd’hui. La monnaie commune a amené plus de transparence, plus de stabilité et a amélioré le taux d’emploi en Europe.

La mission de la BCE est de maintenir la stabilité des prix. La crise des « subprimes » aux Etats-Unis a montré que le système européen est capable de gérer des crises financières.

Etienne de Lhoneux a estimé à la fin de son exposé que la dimension sociale et la dimension économique ne sont pas des notions incompatibles. Selon Etienne de Lhoneux, il n’y a pas d’opposition entre ces deux visions, parce qu’elles poursuivent des intérêts qui sont liés. Il s’est donc exprimé en faveur d’un partenariat entre la BCE et les partenaires sociaux.

Jerzy Buzek "Une Europe sociale, ou l’Union européenne du marché libre"

Jerzy Buzek, membre du Parlement européen et ancien premier ministre de la Pologne, s’est attaqué à la question suivante : "Comment stimuler la croissance en Europe tout en maintenant un niveau élevé de protection sociale".

La stratégie de Lisbonne est, selon Buzek, un outil qui permet à l’UE de devenir plus compétitive. Elle définit trois domaines prioritaires : las compétitivité, la solidarité et l’environnement.

Pour stimuler la compétitivité, la confiance du citoyen, l’innovation, la recherche, il faut mener le dialogue avec les partenaires sociaux et aborder le problème du changement climatique.

L’immigration est selon Buzek un autre problème auquel l’Union européenne sera confrontée. L’Union européenne, qui est basée sur le principe de la libre circulation des personnes, est confrontée à un phénomène de dumping social qui engendre des fuites de cerveaux. Pour lutter contre ces flux migratoires, Buzek prône la mise en place d’un salaire minimum en Europe et s’exprime en faveur d’une homogénéisation des normes sociales. Pour Buzek, ce sont les systèmes sociaux qui distinguent l’Europe des Etats-Unis. Ces systèmes qui sont le fruit d’une évolution historique, se réclament de modèles différents, mais ont des caractéristiques communes.

Les menaces qui pèsent sur l’Europe sont selon Buzek multiples : changement démographique, besoin de développement technologique, développement de nouvelles industries pour sauvegarder nos systèmes de protection sociale.

En l’absence d’un développement industriel, l’Europe sera confrontée à une montée du chômage. Buzek identifie également une forte aversion contre les réformes en Europe et a mis en garde : "Sans réformes, nos systèmes sociaux vont s’effondrer".

Ronald Janssen : les deux visages de la BCE

Ronald Janssen, conseiller économique au Conseil économique et social européen, s’est interrogé sur le rôle de la Banque centrale européenne.

Il a souligné que la BCE n’est pas une banque comme les autres. Car conformément au traité, son objectif est de maintenir la stabilité des prix et de lutter contre l’inflation. Pourtant, le rôle de la Banque centrale ne se limite pas au seul domaine économique. Selon Ronald Janssen, il y a une double attitude au sein de la BCE : il y a ceux qui se limitent au domaine économique, et il a ceux qui interprètent le traité plus largement.

L’indépendance de la BCE est très large, tandis que l’objectif de stabilité est très strict. "L’objectif qui prévoit que l’inflation doit être inférieure à 2 % laisse peu de marges en cas de crise" a avertit Ronald Janssen.

La BCE a été fondée sur le modèle de la Bundesbank allemande. Pendant 10 ans, la BCE a exercé une politique monétaire basée sur des taux d’intérêts asymétriques. Les conséquences de cette politique sont importantes pour l’emploi et les salaires. L’économie a été stabilisée, le taux d’emploi et le travail partiel ont augmenté. La zone euro a cependant connu une décélération de la productivité et les réformes engagées ont été critiquées. Car quand la BCE conseille les gouvernements des Etats membres, elle appelle surtout les gouvernements à la modération salariale, les incite à une désindexation des salaires, à une plus grande flexibilité salariale, à la réduction du secteur public et à appliquer la flexicurité à la danoise. En même temps, le dialogue social reste pour le BCE un élément fondamental de la tradition européenne.