"Les rencontres", l’Association des villes et régions de la Grande Europe pour la culture, a organisé son grand rendez-vous annuel les 12 et 13 octobre 2007 à Luxembourg, capitale européenne de la culture pour 2007 autour d’un grand sujet : la coopération culturelle transfrontalière en Europe.
La deuxième journée était d’abord consacrée à la coopération entre les capitales européennes de la culture et à la manière d’installer cette coopération dans la durée.
Le Norvégien Rolf Doras, directeur du programme de Stavanger, qui sera avec Liverpool la capitale européenne de la culture en 2008, a expliqué comment il avait pu profiter de l’expérience de la ville de Bergen, qui avait été capitale culturelle en 2000. En même temps, Stavanger a conclu avec Liverpool, comme elle est ville portuaire et passage obligé de l’émigration vers l’Amérique, un accord pour 2008 et les années suivantes. Cet accord est basé "sur l’égalité entre les partenaires et le bénéfice mutuel". Des projets communs sont nés de cet accord, qui se développent directement entre institutions, voire entre artistes des deux villes. Il y a des projets qui abordent les questions de la migration et de la tolérance, et qui sont surtout dirigés vers les jeunes. Des échanges entre réseaux d’artistes auront lieu, cinq artistes norvégiens allant résider à Liverpool, et cinq artistes britanniques allant résider à Stavanger. Un grand projet filmique est déjà en train de fonctionner, "High Hopes",un documentaire sur 10 jeunes entre 16 et 18 ans de Stavanger et Liverpool, qui sont suivis pendant 2 ans à un moment décisif où leur vie prend ses vraies orientations. L’assistance put découvrir des passages de ce documentaire qui sera achevé en 2008. Une œuvre passionnante, étonnante, émouvante, filmée avec un grand art du portrait, qui a su capter les rages, les désarrois et les espoirs de ces jeunes. "Ce qui est le plus important dans la mise en place d’un événement comme la capitale européenne de la culture, c’est d’observer comment la ville, les gens, la société sont touchés par cet événement", a conclu Rolf Noras.
Un autre projet innovant fut présenté par Ria Jansenberger, qui est chef de projet de TWINS 2010, un des projets phares de Ruhr 2010, capitale culturelle européenne.
Il s’agit ici d’un partenariat entre 53 villes de la Ruhr et une centaine de villes en Europe au service du dialogue interculturel. Un accord de coopération a été conclu entre tous ces partenaires qui censé durer au-delà de 2010, qui est donc également destiné à se pérenniser. Cette coopération touche aux domaines des relations entre citoyens, artistique et culturel. Il s’agit de construire de nouveaux réseaux européens qui devraient surtout donner aux jeunes la possibilité de monter des projets culturels, de pratiquer des échanges et d'apprendre à se connaître. Ria Jansenberger pense que c’est de cette manière qu’un grand potentiel culturel qui peut servir l’intégration européenne peut être mobilisé de manière durable. Les trois axes thématiques du programme sont l’urbanité, l’identité et l’intégration.
L’urbanité avec toutes ses contradictions sociales et spatiales serait l’objet de projets qui mettent en évidence la ville comme notre espace de vie le plus important, et ce avec tous les changements sociétaux dont elle est le théâtre.
L’identité dans un contexte social où il y a de plus en plus de milieux, de styles de vie et de systèmes de valeurs différents serait l’objet de projets qui misent avec des moyens culturels et artistiques sur la cohésion sociale.
L’intégration quant à elle serait l’objet de projets qui explorent de nouvelles formes du dialogue interculturel.
Christian Denkmaier prit la parole au nom de Linz, capitale culturelle européenne pour 2009. Pour son équipe, les questions essentielles étaient, lorsqu’elle a commencé à développer les programmes : Quels seraient les bénéfices pour les habitants et pour l’Europe ? Comment la dimension sociétale pourrait-elle être mise en évidence ? Comment pourrait-on créer un sentiment régional autour de Linz ? Comment traiterait-on l’histoire récente de Linz, ville particulièrement marquée par l’époque national-socialiste au cours de laquelle ont été créées les usines sidérurgiques "qui contribuent encore aujourd’hui à la prospérité de la ville" ? Comment intégrer la dimension transfrontalière, notamment avec la région tchèque voisine de la Bohême du sud, "avec laquelle nos relations n’ont pas toujours été au beau fixe" ? Comment faire participer les 20 cités avec lesquelles Linz a conclu un jumelage ?
Denkmaier communiqua plusieurs projets en gestation, dont un projet sur la violence faite aux oreilles des citoyens européens, un autre qui devrait rassembler les plus belles œuvres d’art contemporain des musées autrichiens au Musée d'art contemporain de Linz, et un autre sur l’Europe au-delà de l’Union européenne, avec au centre des pays comme la Norvège, la Turquie et la Suisse.
La séance suivante de la conférence fut consacrée à la présentation d’expériences de coopération transfrontalière.
Yves Vasseur, l’intendant du "Manège" de Mons en Belgique relata l’expérience de son partenariat transfrontalier avec le "Manège" de Maubeuge en France. Même programme, même billetterie, une navette gratuite entre les deux villes distantes d’une vingtaine de kilomètres, des échanges de publics, voilà quelques éléments de ce partenariat. "Pour réussir un tel partenariat, il faut être deux et avoir envie. Il faut savoir passer outre les jalousies et les peurs. Il faut être une institution de villes d’une taille comparable. La proximité et la même langue aident. Il faut avoir le soutien politique des autorités locales, régionales et nationales. Il faut essayer de capter les aides européennes. Mais il y a foule de difficultés sur le plan fiscal, social et juridique. On n’a pas les mêmes plans comptables, pas le même statut du personnel. Mais le nom commun de nos théâtres tient la route. Celui de Maubeuge est logé dans un ancien manège militaire transformé, et le nôtre a pris cette forme."
Nicole Brögmann, la directrice générale du projet "Culture & Castles Euregio" évoqua un projet qui s’est attelé depuis 2001 à encourager les propriétaires de châteaux à la frontière germano-néerlandaise pour qu'ils restaurent leurs châteaux et explorent de nouvelles formes de revenus pour perpétuer ce patrimoine culturel. S’il n’a pas encore été possible de fonder une Fondation européenne, le programme Interreg III A a été très positif pour le développement du projet.
14 châteaux ont été restaurés, 60 possibilités pour des nuitées ont été créées. Les châteaux se sont ouverts aux touristes. Des infrastructures ont été créées pour que des fêtes de mariage, d’entreprise ou autres puissent y être tenues. 15 châteaux de la région autour de l’Euregio Gronau devraient faire l’objet d’une deuxième vague de restaurations. L’impact de cette expérience : une forte présence du projet dans les médias ; un site Internet visité 14 000 fois par jour ; une plate-forme de marketing pour la mise en valeur touristique des châteaux qui est en train de se former ; l’intégration dans un réseau de 30 organisations similaires en Europe.
60 % des visiteurs des châteaux sont allemands, 20 % néerlandais et 20 % viennent du reste du monde. Les clients de l’hôtellerie sont à 80 % allemands, à 10 % néerlandais et à 10 % d’autre part. Les défis du programme sont avant tout les difficultés avec les autorités, le travail avec une presse dont la structure est très différente de part et d’autre de la frontière, un marketing différencié, sans parler des différences de mentalités, qui exigent une grande sensibilité pour la culture d’autrui.
La députée responsable de la culture pour la "Diputación de A Coruña", Caridad González Cerviño, a présenté la politique culturelle de sa province située dans la région de Galice en Espagne. Elle a également évoqué la coopération de la Députation de la Corogne avec des municipalités portugaises dans le cadre des projets Culturnova, en coopération avec Viana Do Castelo, axé sur le soutien aux avant-gardes culturelles, et Vías Atlánticas, un projet qui valorise et conserve les ressources du patrimoine naturel et archéologique le long des anciennes routes romaines XIX et XX sur l’itinéraire d’Antonin entre Bracara Augusta (Braga au Portugal) et Lucus Augusti (Lugo en Galice).
Danielle Buys, déléguée à la culture de la ville de Tournefeuille près de Toulouse présenta le projet "Relais culturel transfrontalier Huesca-Tournefeuille" qui établit une coopération entre deux villes similaires par leur situation de se trouver dans l’orbite d’une grande ville, Toulouse pour Tournefeuille, Saragosse pour Huesca (Aragon), d’une taille comparable mais éloignées et différentes par leur culture. D’où un premier objectif : créer ensemble un pôle culturel décentralisé avec une identité propre par rapport à la métropole. Ensuite : faire l’expérience de pratiques nouvelles qui changent les relations entre les artistes, les habitants et leur territoire. Et finalement : encourager la mobilité des idées, des artistes et des œuvres entre les deux villes. Concerts, expositions et productions communes dans l’espace public ont été le résultat d’un programme cofinancé à 50 % par le FEDER avec un budget global d’un million d’euros sur 3 ans. L’impact médiatique du projet a été significatif, il a amené des publics extérieurs dans les deux communes et a suscité de nouvelles équipes culturelles. Les deux villes veulent maintenant s’associer avec la ville d’Olot dans la région de Catalogne en Espagne.
Pamina. Ce nom a été inspiré par celui de l’héroïne de la Flûte Enchantée de Mozart et renvoie aux trois composantes principales de l’espace géographique franco-allemand concerné, PA (Palatinat du Sud), MI (Mittlerer Oberrhein), NA (Nord de l’Alsace). Arnaud Schwartz a exposé l’activité de ce groupement local de coopération transfrontalière.Ses principales activités sont l’animation du territoire (élaboration de concepts et projets communs, coordination et promotion de la coopération transfrontalière au quotidien), le service INFOBEST (information et conseil aux organismes publics et privés, ainsi qu’aux particuliers dans les matières relevant de la vie transfrontalière), la mise en œuvre du programme INTERREG IIIA-PAMINA (Autorité de gestion -suivi du programme- et autorité de paiement -mandatement-) ainsi qu’un service d’information touristique. L’AGENDA 21 est actuellement l’initiative la plus importante d’un projet qui souffre malgré tout de son faible financement, puisqu’il bénéficie actuellement d’un budget de 260 000 euros, alors qu’il lui faudrait 3 millions d’euros pour réaliser ses ambitions.
Frank Thinnes, chef du projet plurio.net, le portail culturel de la Grande Région, a exposé les grandes lignes d’une entreprise tout à fait nouvelle, puisqu’elle permet aux partenaires du projet de nourrir directement le site avec des informations sur l’offre culturelle dont ils sont les porteurs et de reporter également toute l’offre de plurio.net sur leurs sites, s’ils le veulent. La banque de données qui est ainsi née couvre une immense part de l’offre culturelle de la Grande Région.
Les contributions de Donato Giuliani de la Région Nord Pas-de-Calais et de Estanislau Vidal-Folch de la Généralité de Catalogne en Espagne se concentrèrent de manière très technique sur la manière d’utiliser les nouveaux programmes de type Interreg, sur la nécessité de créer des réseaux professionnels, de créer une plate-forme européenne d’ingénierie culturelle capable de livrer des études de faisabilité de projets ambitieux, de sorte que la coopération transfrontalière pourra se construire sur l’existence de réseau transfrontaliers. L’expérience transfrontalière va un jour produire "un récit du transfrontalier, un nouvel imaginaire, voire une nouvelle identité multiple", telle est l’hypothèse de Vidal-Folch.
Une "Déclaration de Luxembourg" sur le futur de la coopération transfrontalière fut ensuite adoptée qui est publiée en sous-rubrique.