Principaux portails publics  |     | 

Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination
Conférence de Santiago Castella: "L'impact de l’émergence d’un islam européen dans le discours universaliste des droits de l’homme"
14-04-2008


Santiago CastellaDans le cadre de du colloque organisé par l’Université de Luxembourg sur le thème "Sharia, Citoyenneté et Droits de l’homme", Santiago Castella, de l’Université de Tarragone, a brossé le 11 avril 2008 un tableau de l’islam en Europe.

L’émergence d’un islam européen entre la modernité et l’intégrisme 

Selon Santiago Castella, ce sont les grandes vagues d’immigrants d’origine musulmane en Europe qui ont donné naissance à un nouvel islam, l’islam européen. Deux tendances religieuses se sont cristallisées parmi ces immigrants: un islam libéral et ouvert, "l’islam des lumières", et un deuxième courant plus conservateur.

Cependant, dans l’analyse du chercheur, l’islam représente pour les jeunes musulmans européens bien plus une dimension politique et sociale que religieuse. "La deuxième, troisième et quatrième génération d’immigrés ne sont plus croyants mais trouvent plutôt dans la religion un moyen de protestation et de rébellion contre une société dans laquelle ils ne voient pas assez de perspectives d’intégration et de progrès", a-t-il souligné.

De la citoyenneté nationale à la citoyenneté républicaine

Première critique que le chercheur espagnol a adressé aux Etats européens: leur conception discriminatoire de la citoyenneté, qui s’est construite en Europe sur le concept de la nationalité. Une personne a le droit à la citoyenneté et donc de jouir de tous les droits civiques, lorsqu’elle appartient à la nation. La citoyenneté s’est donc construite aux yeux de Castella, comme un droit politique, un privilège de "nous" face aux "autres", et fait ainsi fonction d’exclusion de tous ceux qui n’appartiennent pas à cette nationalité, en l’occurrence les immigrants.

Dans ce contexte, Castella a prôné le passage vers une citoyenneté d’ordre civique, interculturelle, qui se fonde non pas sur la nationalité mais sur la résidence.

Les éléments qui sont au cœur du conflit opposant l’islam et  l’Europe

Le pluralisme religieux, les mosquées, la présence de signes religieux dans l’espace public, la question du voile et la non-discrimination de la femme sont selon Santiago Castella autant d’éléments qui nourrissent le conflit opposant l’Occident, défenseur des droits de l’homme, à l’islam. "Même si l’Europe revendique d’être profondément laïque", Santiago Castella était d’avis qu’elle n’a pas réussi, contrairement aux Etats-Unis, à développer un modèle politique basé sur le pluralisme religieux. Les discours du Pape qui sont jalonnés de références bibliques, les édifices religieux, les nombreuses fêtes chrétiennes qui ponctuent notre calendrier, témoignent selon lui, "d’un faux discours sur la laïcité".

A cela s’ajoute, a estimé Santiago Castella, "une incompréhension vis-à-vis de toute personne qui pratique les rites religieux". D’où un contexte marqué par l’incompréhension où la religion devient selon Castella "un exutoire canalisant l’incompréhension et l’indignation des jeunes générations de musulmans". En somme, le discours sur l’islam procède selon le politologue, du principe appliquant "deux poids et deux mesures" : "Nous affirmons que toutes les religions sont égales, mais dès que l’on traite de l’islam, cela ne semble plus vrai!".

Investi d’une mission civilisatrice, le discours des droits de l’homme vise selon Santiago Castella à répandre les bienfaits de la démocratie au reste du monde. "Tantôt nous appuyons les dictatures, tantôt nous commerçons avec les pays qui bafouent les droits de l’homme, tantôt nous envahissons l’Afghanistan au nom de la défense des droits de l’homme", a–t-il martelé en ajoutant "que nous appliquons ce discours dès que cela nous arrange". Estimant "que le monde libre est mort a Guantanamo", Castella a dit que cette hypocrisie décrédibilise le discours des droits de l’homme et les affaiblit. 

Quatre conclusions provisoires

A l’issue de son exposé, Santiago Castella a dressé un bilan et a proposé quatre conclusions provisoires:

Tout d'abord, le chercheur a estimé que l’Europe doit repenser son concept de la laïcité, puisque c'est un concept "hypocrite" et constitue une entrave à l’intégration des immigrants musulmans.

Ensuite, Santiago Castella a prôné le passage de la citoyenneté nationale à la citoyenneté fondée sur la résidence.

En troisième lieu, il a proposé de développer des modèles et des politiques d’intégration réels qui prennent en compte la pluralité des religions et le respect de la diversité identitaire.

Finalement, le chercheur espagnol a revendiqué que l'on repense la protection internationale des droits de l’homme.