Pour Claude Turmes des Verts et Erna Hennicot-Schoepges, le contexte actuel marqué par la flambée des prix du pétrole et des denrées alimentaires et les incidents qui se déroulent, jour pour jour, sur les côtes italiennes, chypriotes ou maltaises sont la preuve "qu’il y a urgence pour l’UE de se doter d’une véritable politique d’immigration".
Dans la mire des critiques des 6 ONG, la durée de rétention administrative qui peut aller de 6 mois à 18 mois. Cette disposition implique que "la rétention, qui devrait être l’exception, est érigée en norme" et ouvre du coup "la voie vers une politique d’internement des migrants dont le seul délit est de ne pas avoir de papiers", a estimé Marie-Christine Wirion de la fondation Caritas.
Claude Turmes, de son côté, a critiqué le caractère peu démocratique de cette mesure qui "va très loin pour un Etat de droit" et "légitime un système qui n’est pas respectueux des droits de l’Homme". Selon lui, le système de prolongation de la rétention "sous couvert de faciliter le retour des migrants, a en réalité pour objectif de dégouter ceux qui sont déjà ici en Europe et ceux qui sont encore loin".
Même si Erna Hennicot-Schoepges a jugé que la durée de rétention est "excessive", elle a tenu à rectifier cette analyse. En se référant à l’article 14 paragraphe 2, elle a montré que la rétention ne peut pas être appliquée à la « légère » et est régie par des règles claires qui sont édictées dans la base légale. Le texte législatif prévoit notamment que la détention ne peut être appliquée que par les autorités judicaires et que la durée de rétention dépend de la disposition qui est en vigueur dans l’Etat où la personne est retenue.
Autre point qui fut contesté par les 6 ONG : l’interdiction de territoire pour une durée de 5 ans suite à une expulsion forcée. Le caractère paradoxal de cette mesure fut d’emblée montré du doigt par Serge Kollwelter qui a critiqué "la politique de fermeture de l’Union européenne qui favorise le système des trafiquants d’être humains". Bilan de Serge Kollwelter : au lieu de se focaliser sur l’expulsion des immigrants, l’UE ferait mieux de se doter d’une politique commune d’immigration. Cette analyse fut partagée par Claude Turmes qui a lui aussi contesté l’irrationalité de la démarche européenne. En estimant "qu’il s’agit d’un problème trop sérieux pour être abordé seulement sur une petite partie", il a décidé de s’opposer au texte.
Autre son de cloche chez Erna Hennicot-Schoepges. Elle a tenu à rectifier les propos tenus, en relativisant la portée du texte qui ne prévoit pas "d’interdiction qui soit générale et obligatoire pour tous les Etats membres". Au contraire, la directive laisse, selon la députée européenne, une certaine liberté de manœuvre aux Etats membres qui ont la possibilité "de ne pas exprimer dans des cas individuels et pour des raisons précises l’exclusion pour cinq ans".
Claude Turmes entend exercer pleinement son mandat de co-législateur en votant mardi des amendements au texte sur la durée de détention et l’enfermement des mineurs. "Une initiative qui aura pour conséquence de renvoyer le texte au Conseil et de rouvrir le débat", a-t-il expliqué.
Contrairement à Turmes, Erna Hennicot-Schoepges s’est prononcé contre la réouverture des débats. Elle a argumenté que le principal danger est "de ne pas avoir de texte du tout", une situation qui renverrait l’UE à la législation actuelle "où chaque Etat membre est libre de légiférer à sa guise". Dans un contexte européen marqué par la montée des partis d’extrême droite, la députée européenne a estimé que le temps n’est pas un facteur qui joue en faveur de l’adoption de la directive. D’autant plus que l’arrivée au pouvoir en 2009 d’un Parlement européen dominé selon elle par la droite et les conservateurs pourra infléchir le vote et aboutir à un résultat qui sera encore plus mince que celui dont on dispose aujourd’hui. Elle a toutefois répondu à l’appel de Claude Turmes et a annoncé de voter des amendements au texte.
Robert Goebbels, le seul représentant du Parti socialiste au Parlement dont la position sera, selon Claude Turmes, déterminante pour l’issue du vote en plénière, a expliqué dans un mail qu’il veut s’abstenir de débattre en public, vu qu’il s’est spécialisé dans d’autres domaines. "Je pourrai également venir et dire quelques banalités du genre "il faut définir une politique européenne en la matière", "elle doit être humaine" et "en concordance avec les grands textes, à commencer par la déclaration universelle des droits de l'homme" , et d'autres "passe-partout" du genre "Je vous ai compris..." (..) Mais je vais écouter d'abord, et puis me déterminer." Avant de se décider, Robert Goebbels veut écouter les débats et considérer la liste de vote de son groupe politique avant de "prendre une décision en âme et conscience".
Astrid Lulling, du PPE-DE, veut se consulter avec son groupe politique pour "rendre le texte plus viable", tandis que Jean Spautz annoncé qu’il va soutenir la position prise par la fraction du PPE-DE du Parlement et voter pour le compromis.
"On ne vit pas dans un monde idéal", a estimé Erna Hennicot Schoepges en ajoutant "qu’on ne peut pas négocier l’humanisme". Claude Turmes, qui veut en finir avec les discours qui rendent responsable l’Europe pour les échecs de la politique a estimé "qu’il ne faut plus parler de l’Europe mais plutôt des libéraux, des socialistes et des verts". Il s’est montré choqué par le désintérêt des députés de la hambre des députés luxembourgeoise pour une directive qu’ils devront pourtant transposer dans la législation nationale de leur pays.
Pour Serge Kollwelterde l'ASTI, les appréciations différentes des deux députés européens étaient finalement la preuve "qu’il a eu débat au sein des partis politiques en amont de ce vote qui s’avérera décisif pour l’Europe".