Deux dossiers importants figuraient à l'ordre du jour du Conseil des ministres du Travail et de l'Emploi, qui se sont réunis à Luxembourg le 9 juin 2008. L’enjeu était de taille, car il s'agissait de trouver un accord sur la révision de la directive européenne sur la durée de travail, et sur une nouvelle directive sur le droit des travailleurs intérimaires. En raison des difficultés de clore les deux dossiers, la Présidence portugaise avait décidé en décembre 2007 de coupler les deux sujets pour faciliter les compromis entre Etats membres, mais les négociations avaient échoué à l'époque. La Présidence slovène vient de présenter un texte de compromis. En marge des Conseil, le ministre luxembourgeois du Travail et de l'Emploi, François Biltgen, a commenté l'évolution des négociations.
La législation actuellement en vigueur en matière du temps de travail fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé (temps de repos quotidien minimal de onze heures, congé rémunéré de quatre semaines minimum, etc), et limite la durée de travail à 48 heures par semaine. En 1993, lorsque la directive avait été négociée, une clause de non-participation avait cependant été introduite pour le Royaume Uni. Un employeur et salarié pouvaient se mettre d'accord sur une durée de travail supérieure à 48 heures.
Depuis bientôt quatre ans, Commission, Conseil et Parlement européen essaient de trouver un consensus sur la réforme. "Après dix ans, l'opt-out aurait dû être révisé, ce qui ne s'est pas fait. En 2004, la Commission européenne avait soumis une proposition: au lieu d'abolir la clause de non-participation, elle proposait de restreindre son usage, et de lui attribuer plus de contraintes", a expliqué François Biltgen. Par la nouvelle directive, la clause de non-participation, actuellement illimitée en termes d'heures de travail, sera plafonnée à 60 ou 65 heures par semaine.
La réforme touche encore un autre sujet sensible, celui de la révision du temps de garde, en particulier pour les professions médicales. La proposition prévoit de définir la notion de période "inactive" des temps de garde, qui ne pourra plus être comptabilisé comme des heures de travail effectives. Si la loi ne change pas, de lourdes amendes pourraient être infligées par la Cour de Justice des Communautés européennes à de nombreux Etats membres.
En ce qui concerne les droits des travailleurs intérimaires, la Commission européenne avait proposé d’harmoniser la période après laquelle un travailleur intérimaire peut bénéficier des mêmes droits qu'un salarié permanent.
Ici encore, le gouvernement britannique avait bloqué les négociations depuis 2003. Mais les choses ont changé le 20 mai 2008, lorsque les partenaires sociaux britanniques ont signé un accord sur l'amélioration des droits des travailleurs intérimaires, par lequel les travailleurs intérimaires pourront désormais bénéficier du même traitement après12 semaines de travail, contre un an auparavant. Cet accord historique pour la Grande Bretagne avait motivé la Présidence slovène à remettre le dossier sur table lors du Conseil EPSCO.
Le compromis soumis le 9 juin aux ministres prévoit désormais un même traitement pour les salariés intérimaires et permanents, dès leur premier jour de travail, sauf si les partenaires sociaux d'un pays se mettent d'accord sur un autre délai. Dans le nouveau texte soumis par la Présidence slovène, l'accord britannique est donc mentionné comme une des manières dont une directive sociale peut être transposée dans un Etat membre.
Aux yeux de Biltgen, il s'agit d'un bon compromis, et "d’une grande avancée pour le Royaume Uni, qui a toujours refusé le partenariat social". Il a cependant insisté sur le fait qu' "au Luxembourg, la nouvelle législation ne changera rien". Le Luxembourg dispose déjà d'une législation très restrictive. "Un travailleur intérimaire bénéficie du même traitement qu'un salarié permanent dès son premier jour de travail", a souligné François Biltgen au cours de la conférence de presse.
Selon le ministre luxembourgeois, les négociations sur le dernier texte de compromis au Conseil ont plus tourné autour de la directive du temps de travail. Biltgen a salué l'introduction d'une clause dans le texte qui permet au salarié de sortir de l'opt-out, et donc des 60 heures de travail.
Deux points de critique restent pourtant selon Biltgen dans le nouveau texte de compromis. Le premier concerne la dérogation accordée aux Britanniques en ce qui concerne les contrats à courte durée (maximum trois mois), pour lesquels les heures de travail resteront illimitées. François Biltgen a ensuite estimé nécessaire d'inclure dans le texte une référence à la possibilité d'abolir un jour les opt-out. Le Parlement européen, dans sa première lecture, avait exigé que l'opt-out soit abolie complètement, ce qui n'est pourtant plus possible.
Pour le ministre luxembourgeois, il était important que les 27 puissent aboutir à un compromis sur le paquet le jour-même. "Il ne faut pas oublier que nous sommes dépendants du Parlement européen. C'est pourquoi j'estime qu'un compromis est nécessaire aujourd'hui, même si ce compromis ne sera peut-être pas tout à fait à mon goût. Aujourd'hui, nous avons un Parlement européen qui a une forte orientation sociale. Si nous arrivons aujourd'hui à lui trouver un compromis et à lui lancer la balle, nous aurons un meilleur texte en deuxième lecture que celui dont nous disposons aujourd'hui".
"Pour le formuler en termes de football: nous avons gardé la balle assez longtemps de notre côté. Il serait temps de faire une passe au Parlement européen. Et même si cette passe n'est pas aussi ronde que je la souhaiterais, au moins on lui fait une passe, pour qu'un jour on puisse peut-être marquer un but dans ce dossier", a conclu le ministre.
Parallèlement aux discussions sur le temps d'emploi et le travail intérimaire, les 27 ministres ont également tranché sur trois autres dossiers en matière d’emploi. Tout d'abord, ils ont approuvé les nouvelles Lignes directrices intégrées (LDI) pour les politiques de l'emploi des Etats membres. Biltgen a salué la décision d'intégrer davantage d'objectifs chiffrés (réduction du taux d'échec scolaire, augmentation du nombre des jeunes hautement qualifiés, réduction du chômage à long terme) dans les LDI.
Les ministres ont également approuvé les conclusions relatives à un recommendation de la Commission en matière des jeunes sur le marché de l'emploi, ainsi qu'une directive sur le détachement de travailleurs dans le cadre d’une prestation de services. La Commission avait élaboré une recommandation de la Commission européenne pour inciter les Etats membres à améliorer leur coopération administrative. "Nous avons explicitement soutenu ces conclusion", a expliqué François Biltgen. "Mais nous avons également signalé que nous suivons avec un grand intérêt le jugement Commission-Luxembourg qui sera bientôt prononcé par la Cour de Justice. En cas de besoin, nous remettrons le dossier sur le menu ". La Commission a engagé une procédure judiciaire contre le Luxembourg, lui reprochant de trop étendre son ordre public social.