Le ministre du travail et de l’Emploi, François Biltgen a immédiatement réagi à l’arrêt rendu le 19 juin 2008 par la CJCE sur la transposition par le Luxembourg de la directive 96/71 sur le détachement des travailleurs.
Pour le ministre qui s'exrpime dans un document diffusé au soir du 19 juin 2008, "l’arrêt rendu aujourd’hui prend la suite d’un certain nombre d’arrêts récents de la Cour de Justice (Rüffert, Laval, Viking) en matière de droit social européen. L’arrêt (..) ajoute ainsi un élément supplémentaire à la définition de l’ordre public social national sous un angle de vue européen."
Biltgen constate que "deux des griefs relevés par la Commission concernent l’étendue des dispositions sociales obligatoirement applicables à l’ensemble des travailleurs, y compris donc les travailleurs détachés" et "deux autres concernent les moyens de contrôle de l’application de ces dispositions."
La Cour a donné raison à la Commission sur les quatre griefs, mais pour François Biltgen, "il n’en reste pas moins que les condamnations sur l’étendue du droit social ne posent pas véritablement problème. Il en est autrement pour les condamnations sur les moyens de contrôle."
Et il ajoute : "De manière générale, la Cour ne remet pas en cause, ni notre droit du travail, ni surtout notre système des conventions collectives d’obligation générale conclues au Grand-Duché. L’arrêt n’ébranle donc pas notre droit social, mais confirme en fait sa portée et le rôle que nous avons toujours voulu lui attribuer (que ce soit par la législation ou le dialogue social que nous avons toujours soutenu)."
Le reproche principal que la Cour adresse au Luxembourg est pour Biltgen "lié au critère de proportionnalité des moyens de contrôle mis en œuvre".
Le Luxembourg appliquera "naturellement l’arrêt par des réponses et des mesures qui seront plus proportionnées que celles qui sont d’application aujourd’hui jugées non conformes par la CJCE".
Pour prendre ces mesures, "le Gouvernement a évidemment réfléchi en attendant l’arrêt à intervenir et qu’il entend sous peu discuter avec les partenaires sociaux." Et la François Biltgen est très clair, lorsqu’il se réfère aux critiques que la Cour a adressées aux mesures de contrôle actuelles : "Elles étaient très efficaces dans le cadre des actions 'coup de poing' et ont permis d’endiguer maints abus en matière de dumping social et de concurrence déloyale."
François Biltgen entend néanmoins soulever sur le plan européen la question de l’évolution jurisprudentielle en matière d’ordre public social : "En effet, même si les critiques acerbes formulées par les uns ou les autres, ne sont pas toujours fondées, il n’en reste pas moins que les jurisprudences récentes suscitent des craintes parmi les citoyens quant à l’efficacité de l’Europe sociale."
Le ministre avait déjà demandé lors de la réunion des ministres des Affaires Sociales de l’Union Européenne le 9 juin à Luxembourg à la Commission européenne d’analyser de près l’évolution de la jurisprudence quant à la volonté initiale du législateur européen. Il a également demandé au ministre du Travail et de la Solidarité de la France, Xavier Bertrand, futur président du Conseil des Affaires sociales, de discuter le sujet sous Présidence française.
Pour Biltgen, "l’arrêt ne constitue pas un revirement fondamental. L’essentiel est encore une fois sauvegardé. Les salaires minimaux légaux et conventionnels peuvent être indexés aussi pour les travailleurs détachés. Il faut d’ailleurs aussi relativiser la portée de cette disposition. Les salaires applicables au moment du début du détachement sont tels quels applicables aux travailleurs détachés. Ils comprennent donc les tranches indiciaires échues avant ce début. Si une tranche indiciaire échoit durant le détachement, elle s’applique pour les salaires minimaux légaux et conventionnels."
Pour Biltgen "l’arrêt ne cause pas de problèmes particuliers. Il permet notamment à l’Inspection du Travail de demander à l’entreprise ou à son homologue étrangère de prouver que l’application de la directive 91/533 a bien été contrôlée dans l’Etat détachant."
Ici, François Biltgen se range du côté dela CJCE et déclare qu’effectivement « les dispositions minimales européennes pour les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à temps partiel doivent être respectées dans tous les Etats membres.
Pour François Biltgen, "la condamnation sur ce point résulte effectivement d’un malentendu lors de la transposition de la directive 96/71." La Cour a semblé craindre que le législateur luxembourgeois avait l’intention de déclarer applicables à des travailleurs détachés des dispositions résultant de conventions collectives non d’obligation générale. Ce n’était jamais l’intention du législateur luxembourgeois.
"L’essentiel est donc sauvegardé" estime le ministre. "La Cour accepte évidemment que les dispositions de la liste déclarée d’ordre public (sauf les 3 actuellement mises en cause) et applicables erga omnes, figurant dans des conventions collectives de travail déclarées d’obligation générale, continuent à être d’application aussi pour les travailleurs détachés."
Sur cette question, François Biltgen avait déjà donné raison à la Commission d’avoir relevé que la transposition de la directive 96/71 avait limité par inadvertance l’obligation des périodes de repos minimales applicables aussi aux travailleurs détachés au repos hebdomadaire. "Entretemps la loi luxembourgeoise du 19 mai 2006 a rectifié la situation en incluant les repos journaliers et les temps de pause dans la liste des dispositions d’ordre public. La condamnation sur ce point est formelle puisque la rectification est intervenue après l’écoulement du délai de deux mois suivant l’avis motivé."
"La Cour suggère qu’il est plutôt indiqué que l’État membre d’accueil limite son intervention à l’examen des informations nécessaires fournies par le prestataire de services au moment d’entamer ses activités dans l’État membre d’accueil et ne prenne des sanctions que lorsque cela apparaît nécessaire. Elle préfigure donc la solution de toute manière envisagée par le Gouvernement luxembourgeois. L’arrêt ne met donc pas en cause l’objectif de la directive 96/71, mais incrimine certains des moyens employés par le législateur luxembourgeois pour y parvenir. Il faut donc de remplacer le système actuel au plus vite par un nouveau système, plus conforme au principe de la proportionnalité, mais tout aussi efficace."
Pour Biltgen, "la Cour reconnaît que (..) des contrôles sur place sont indispensables, mais incrimine les moyens mis en place, notamment le mandataire ad hoc. L’arrêt contient donc la reconnaissance pour le Gouvernement luxembourgeois de prévoir des moyens de contrôle moins contraignants qu’un mandataire ad hoc, que les instances semblent d’ailleurs à tort avoir défini comme personne ou institution ayant vocation particulière à être dépositaire de documents sociaux (fiduciaire, avocat, etc. ..) . D’où l’invocation du risque de coûts supplémentaires pour entreprises étrangères détachantes. Comme cette définition n’était jamais voulue par le législateur luxembourgeois, une solution pragmatique garantissant le respect de l’application de la législation tout en respectant le souci des juges semble donc pouvoir être mise en place."