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Traités et Affaires institutionnelles
Dans une interview avec le Tageblatt, Jean-Claude Juncker souligne qu’il n’a pas l’intention de devenir président de la Commission européenne
27-06-2008


Comment l’Union européenne va-t-elle pouvoir procéder après le "Non" irlandais ? Comment ce rejet irlandais a-t-il pu se produire ? Dans une interview au Tageblatt le 27 juin 2008, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker a dessiné des réponses à ses questions qui occupent aujourd’hui toute l’Union européenne.

Au cours de l’entretien, qui s’étale sur trois pages, le Premier ministre a abordé des sujets aussi divers que la crise de l’Union européenne après le "Non" irlandais, la perte de confiance des citoyens européens dans leurs responsables politiques, la hausse des prix de l’alimentation et du pétrole, la perte de l’emprise des pouvoirs politiques sur une partie de l’économie et des marchés économiques, pour avoir renoncé à utiliser les pouvoirs dont il disposait, et ses propres projets politiques au niveau européen.

"Je ne deviendrai ni président de la Commission européenne, ni président de la Banque centrale européenne", a mis au clair le Premier ministre sans détours et sans ambages. Voici un bref compte-rendu de l’interview, dont on peut lire la version intégrale sur le site du gouvernement.

L’Europe replongée dans la crise

Le "Non" irlandais et ses principales raisons d’après Juncker d’abord. Aux yeux de Juncker, il ne faut pas se faire des illusions : l’UE est de nouveau en crise. Puisque cette crise fut engendrée par un suffrage universel (du peuple irlandais), cette crise "est doublement grave". "Il ne faut pas réduire un 'Non' exprimé par le suffrage universel à un couac de procédure", a-t-il souligné. Pour lui, il convient toutefois aux autres Etats membres de s’abstenir de donner des leçons aux Irlandais. L’issue de la crise doit être proposée par les Irlandais eux-mêmes.

La méfiance des citoyens envers les classes politiques est une des raisons pourquoi un référendum est rejeté

Selon Juncker, le rejet d’un traité européen par un peuple européen peut avoir différentes raisons. Il en a cité deux, qui sont en relation avec la politique interne d’un Etat membre. La première concerne les attitudes de l’opinion publique d’un pays envers l’Europe. D’après le Premier ministre, dans chaque pays, une moitié de l’opinion publique est favorable à l’Europe, et une moitié ne l’est pas. Le problème : "Les gouvernements ne savent pas réconcilier les deux groupes", a-t-il déploré.

L’autre raison d’un référendum négatif est la volonté des citoyens à sanctionner leurs responsables politiques nationaux, à leur "montrer le carton rouge", comme l’a mis le Premier ministre. Dans son analyse, "une méfiance latente règne entre le peuple et la politique au niveau national". Les gens ne comprennent pas se qui se passe à Bruxelles, car il existe un manque de communication des responsables politiques.

Pour Juncker, la question d’un référendum "n’est pas de savoir si chaque décision européenne a été prise telle qu’on l’aurait voulue, mais si on veut donner à l’Europe le pouvoir de prendre certaines décisions" en tenant compte des rapports de force politiques après un scrutin européen.

La politique a-t-elle perdue l’emprise sur l’économie et les marchés ?

Interrogé sur la question si la méfiance des citoyens face à la classe politique ne venait pas également en partie du fait que la politique a perdu une partie de son influence, et notamment sur les marchés économiques, Jean-Claude Juncker a répondu qu’il avait toujours prêché la prudence en matière de capitalisme déréglé. Pour lui, la politique s’est certes retirée de certains domaines, et a ainsi ouvert la voie à une dérégulation accrue de l’économie. Mais il a estimé que la politique "n’a pas complètement abandonné le terrain". "L’industrie ne déclarerait pas la politique de protection du climat comme une première priorité en Europe, les banques, de leur propre initiative, n’auraient pas forcé l’arrivée de l’euro", a indiqué le Premier ministre. Il a cependant mis en garde contre la tendance à vouloir trop réguler et contrôler les marchés, ce qui peut également constituer une entrave au développement et à la croissance.

Quelle suite à la crise irlandaise ?

Le "Non" irlandais n’est pas le seul obstacle qui entrave aujourd’hui le chemin de la ratification du traité de Lisbonne. En République tchèque, en Grande-Bretagne et en Pologne, l’approbation du texte est également en difficulté. Pour Jean-Claude Juncker, ces problèmes sont à prendre au sérieux, mais il ne doute pas, "à moins un grand malheur tchèque", que les Etats membres qui n’ont pas encore ratifié, le feront tous. Comment faut-il alors procéder ? Pour Jean-Claude Juncker, une chose est claire : il faudra trouver une solution ensemble avec les Irlandais. "Je ne suis pas d’avis qu’il faille construire une Europe sans les Irlandais", a insisté le Premier ministre. Mais il faudra également éviter à tout prix une troisième ronde de ratification.

Juncker a également répété qu’une entrée en vigueur du traité de Lisbonne avant les élections européennes de juin 2009 s’avère de plus en plus improbable. Se pose alors la question du devenir du Parlement européen et de la Commission européenne. Le traité de Nice prévoit en effet que le nombre de commissaires européens sera inférieur au nombre des Etats membres lorsque l’UE aura atteint les 27 membres. La question se posera le premier novembre prochain, lorsque la nouvelle Commission sera mise en place.

Jean-Claude Juncker n’a pas l’intention de devenir président de la Commission européenne

Interrogé sur ses propres ambitions politiques au niveau européennes, Jean-Claude Juncker a, pour la énième fois, répété qu’il n’a aucune intention de postuler pour le poste de président de la Commission européenne. "J’aurais pu devenir président en 2002. Je n’ai pas accepté le poste pour des raisons qui devraient être connues et parce que j’avais fait une promesse aux électeurs luxembourgeois…", a insisté le Premier ministre, en effaçant ainsi tous les doutes. "Cela rassurera d’ailleurs également M. Barroso", a –t-il plaisanté.