Principaux portails publics  |     | 

Emploi et politique sociale
Pourquoi le Luxembourg a voté pour le compromis sur les directives "intérim" et "temps de travail"?
François Biltgen s’explique dans une réponse à une question parlementaire du député socialiste Romain Schneider
25-06-2008


Après de longues années de discussions et de négociations, les ministres européens du Travail et de l’Emploi ont trouvé, lors du dernier Conseil EPSCO du 9 et 10 juin 2008, un compromis sur deux projets de directives controversées, négociées dans un seul paquet, à savoir la directive sur le droit des travailleurs intérimaires, et la directive sur le temps de travail. Le Luxembourg avait voté en faveur des deux projets de directives, bien que le ministre du Travail et de l’Emploi luxembourgeois, François Biltgen, ait considéré qu’il s’agissait "d’un mauvais compromis".

La question parlementaire de Romain Schneider

Dans ce contexte, le député socialiste Romain Schneider a demandé, dans une question parlementaire adressée au ministre du Travail et de l’Emploi François Biltgen, si la directive sur le temps de travail "renforçait la dimension sociale en Europe". Dans la question parlementaire n° 2614, Romain Schneider a posé les questions suivantes :

  • François Biltgen, estime-t-il que cette directive, qui doit encore être approuvée par le Parlement européen, renforce la dimension sociale de l'Europe?
  • Est-ce que le ministre pense que le maintien de l'opt-out pour le Royaume- Uni, l'extension de la durée de travail hebdomadaire à 65 heures et l'introduction de la notion de "période de garde inactive", moins favorable que le jugement de la Cour de justice des Communautés européennes en la matière, ainsi que les dispositions relatives au travail intérimaire, justifient ce vote positif, quand d'autres pays tels que l'Espagne et la Belgique se sont abstenus?

La réponse de François Biltgen

Qu’apporte le compromis sur la directive "temps de travail" ?

Dans sa réponse à la question du député Romain Schneider, le ministre François Biltgen a tout d’abord détaillé en quoi consistait précisément le compromis sur les deux projets de directives "intérim" et "temps de travail", qui a été trouvé lors du dernier Conseil EPSCO du 9 et 10 juin 2008 à Luxembourg.

  • Dorénavant, un salarié peut se retirer d’un accord "opt-out" pendant les six premiers mois (contre 3 mois auparavant), et dans les trois mois qui suivent la période d’essai.
  • La durée des contrats à courte durée qui sont "exclus" de la limite hebdomadaire de 60-65 heures est abaissée de 4 mois initialement à 10 semaines.
  • La Commission européenne devra se pencher de manière plus spécifique, sur le sort de l’"opt-out".

D’après François Biltgen, le Luxembourg, comme la Belgique, la Hongrie, le Portugal, la Grèce, Chypre, l'Espagne, l'Italie, la France et les Pays-Bas, continuent à considérer le compromis comme "un compromis insatisfaisant".

Les raisons qui ont amené le Luxembourg à céder quand-même et à accepter le compromis, à l’instar la France, les Pays-Bas et l’Italie, pour donner naissance à une majorité qualifiée, sont multiples:

1. Le fait d'arrêter un projet de directive "intérim", qui fut négociée en paquet avec le projet de directive "temps de travail" et qui consacre l'égalité de traitement des travailleurs intérimaires dès le premier jour (et non après les 6 premières semaines d'une mission d'intérim, comme l'avait proposé la Commission) doit être considéré aux yeux de François Biltgen comme "une avancée formidable de l'Europe sociale".

2. Selon le ministre, l'encadrement de l'exception de l'"opt-out" et l’instauration d’une limite hebdomadaire de 60 heures est nettement plus favorable aux travailleurs que les dispositions de la directive de 1993, qui ne contenaient aucune limite maximale en matière de temps de travail hebdomadaire.

Aux yeux du ministre du Travail et de l’Emploi, "le Gouvernement luxembourgeois ne soutient toujours pas le principe de l'"opt-out", et supporte par conséquent toutes les mesures qui visent à le limiter. Mais "la configuration des partisans et des adversaires ne permet cependant pas d'envisager son abolition à ce stade", a souligné François Biltgen. Pour lui, le projet de directive tel qu’il fut votée par le Conseil le 16 juin 2008, limite justement l’étendue de l’opt-out, en plafonnant le temps de travail à 60 heures hebdomadaires. "Le texte introduit donc une limite supérieure, qui peut paraître élevée, mais qui n'avait pas existé jusqu'à présent. Le Gouvernement tient donc à souligner qu'il est faux de prétendre que la nouvelle directive augmenterait les limites de la durée de travail à 60 voire 65 heures", a-t-il insisté.

3. Le refus du compromis aurait amené la Commission à retirer sa proposition et à laisser les choses dans l'état insatisfaisant de 1993.

4. Les deux projets directives doivent être approuvés en codécision avec le Parlement européen. Le Parlement Européen actuel veut aller plus loin que le Conseil en matière de fin éventuelle des exceptions au principe des 48 heures.

C’est pourquoi il était important de boucler la première lecture au sein du Conseil, en vue de lancer la deuxième lecture au bout de laquelle Conseil et Parlement devront trouver un compromis. Si compromis il y a avant les élections européennes de 2009, ce compromis pourra se révéler plus avantageux que le compromis du 9 juin 2008. "D'ailleurs, le fait que certains pays"sociaux" se soient abstenus et n'aient pas votés contre l'adoption des deux textes au Conseil s'explique par la volonté commune de remettre le Parlement Européen dans le jeu", explique François Biltgen.

Quels sont les effets des deux directives pour le Luxembourg ?

Pour François Biltgen, les deux projets de directives "travailleurs intérimaires" et "temps de travail" n’auront pas de conséquences sur le droit luxembourgeois, "qui non seulement est conforme au droit communautaire, mais en plus ne veut nullement profiter d'éventuelles possibilités d'allègement du droit du travail actuel". Au contraire, la législation luxembourgeoise sur le travail intérimaire est aux yeux de Biltgen, confortée par la nouvelle directive.

Le ministre a toutefois assuré que, dès l’adoption définitive de la directive, le gouvernement luxembourgeois consultera (conformément à l'article 4 de la directive), les partenaires sociaux, afin de dresser un bilan de la loi "à l’égard du droit communautaire". Il a confirmé plus loin que "le gouvernement n'a toujours pas l'intention d'appliquer les dispositions de l'"opt-out" au Luxembourg".

En ce qui concerne les dispositions "Simap-Jaeger" - par ces deux jurisprudences, la Cour de Justice des Communautés européennes avait exigé que le temps inactif des périodes de garde soit pris en compte comme du temps de travail – le Luxembourg est selon François Biltgen conforme à la jurisprudence européenne. Pour lui, "il n'y a pas lieu de modifier cette situation".

 "Le Luxembourg considère que ce compromis, aussi insatisfaisant soit-il sur un aspect déterminé, (à savoir la perspective de sortie du système de l'"opt-out"), constitue néanmoins une avancée importante pour l'Europe sociale", a conclu le ministre.