Lundi 1er juillet, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker a participé à un débat sur la Présidence française de l’Union européenne sur la station de radio RTL dans le cadre d el'émission "On refait le monde". Lors de cette discussion, il a exposé son point de vue sur des points essentiels de la situation politique actuelle en Europe.
"Le problème polonais est grave", a déclaré Jean-Claude Juncker, "mais le problème polonais n’est pas insoluble. J’ai vu le président polonais il y a deux ou trois semaines. Rien ne laissait présager que son attitude serait celle qu’il a décrite aujourd’hui. Je pars de l’idée qu’il y a un grain de politique intérieure dans son geste d’aujourd’hui et je veux partir de l’idée que la Pologne, qui a été intimement mêlée à la négociation du traité de Lisbonne, finira par le ratifier."
Même si le traité de Maastricht n’a bénéficié que d’un "petit oui" lors du référendum en France en 1992, la mise en œuvre de ce traité a permis à l’Union européenne de créer l’euro, de construire l’Union économique et monétaire. "L’euro aujourd’hui est un grand succès, ce qui m’amène à dire qu’en Europe, même s’il y a des rejets ou des presque rejets, l’aventure continue, le succès s’installe et donc il ne faut baisser les bras ni la garde. Je ne plaiderai jamais pour les Etats-Unis d’Europe mais je m’élève contre cette idée que les États désunis d’Europe seraient une meilleure solution."
Pour Jean-Claude Juncker, "le traité est un instrument, un outil. Aux majorités politiques qui se dégagent dans les différents pays et qui se dégagent lors de l’expression via suffrage universel au moment des élections européennes, à ces majorités-là revient la charge de meubler les traités, de dire ce qu’il faut faire, de plaider pour un projet politique. Le traité nous permet de le réaliser, mais les majorités politiques doivent se former pour pouvoir le réaliser."
Pour Jean-Claude Juncker, qui participe aux affaires européennes en qualité de membre du gouvernement depuis 1983, l’Europe peut aller mal, "mais l’Europe a toujours avancé. Je suis d’accord avec le président Sarkozy pour dire que l’Europe peut aller mieux et donc cette idée de faire l’Europe du concret, l’Europe des résultats, l’Europe des projets palpables, est une bonne approche. Qu’on y arrive en alignant sur une même ligne de départ tous les 27 États membres, cette approche aura toujours ma préférence. Mais si le moment devait arriver, où un certain nombre de pays européens prennent de la distance par rapport aux ambitions européennes qui sont les nôtres (..), je n’exclurais pas l’idée d’une Europe différenciée. Ce n’est pas un rêve, c’est une issue possible pour mettre fin à un immobilisme européen qui n’est pas exclu."
Et d’ajouter : "Je suis d’accord pour l’idée des coopérations renforcées. Il faut savoir que les nouveaux traités, le traité constitutionnel et le traité dit réformateur de Lisbonne, nous permettraient d’élargir le champ d’application des coopérations renforcées et d’en faire le fondement d’une Europe vraiment plus solide. Mais je ne caresse pas trop cette idée, parce qu’en fait l’Europe, c’est quoi ? C’est un traité d’abord, qui est (..) une boîte à outils et c’est aussi et surtout une volonté politique. Peu importe les traités, si les 27 gouvernements, ou plusieurs d’entre eux, si la coopération renforcée peut se faire, sont d’accord sur une ligne à suivre, sur un contenu à avoir, sur un projet à fomenter, nous pouvons le faire. L’Europe est une affaire de volontés, l’Europe n’est pas une affaire de traités seulement."
Pour Jean-Claude Juncker, "les aspects sociaux de la construction européenne (..) sont parmi les plus importants. (..) Tout est affaire de volonté politique. Je plaide depuis 1985 pour la mise en place d’un socle de droits sociaux minimaux pour tous les travailleurs d’Europe. Je dois dire que l’enthousiasme des autres gouvernements, j’admets que les gouvernements français ont toujours approuvé cette idée, n’était pas énorme. Donc tout est affaire de volonté."
Interrogé par Laurent Fabius sur la question de l’extension de la durée de travail de 48 heures à 60 heures, à 65 heures et le vote gouvernement luxembourgeois, Jean-Claude Juncker a répondu: "Mon gouvernement, qui voulait s’abstenir, a finalement voté oui pour que les choses avancent. Pourquoi j’ai dit ça ? Les choses doivent avancer pour que nous ayons cette directive qui porte sur un aspect important de la vie quotidienne des travailleurs et nous verrons lors des différentes lectures au Parlement européen quel en sera le résultat final.(..) Je veux dire par là, la France, le Luxembourg, ne seront aucunement obligés lorsque cette directive, qui sera complétée vertueusement, je l’espère, par le Parlement européen, aura été mise en vigueur, de changer leurs lois nationales. C’est un cadre européen."
Et de continuer : "C’est un cadre, et sans ce cadre, le gouvernement britannique et le patronat britannique pourront faire ce que bon leur semblerait, alors que maintenant ils doivent essayer de faire correspondre leurs actes aux prescriptions de la directive européenne, qui, je le répète, n’obligera nullement la France, le Luxembourg ou la Belgique de changer leurs lois qui portent sur le temps de travail."
Briguer ce poste est pour Jean-Claude Juncker "le moindre de mes soucis à l’heure où nous sommes. Je voudrais que les nouveaux traités entrent en vigueur et je voudrais que nous redevenions fiers de l’Europe. Nous avons fait la paix, nous avons fait l’euro. L’euro a contribué à créer en Europe depuis 10 ans 17 millions d’emplois, le chômage ne fut jamais aussi peu élevé. Nous avons trouvé sur l’orbite mondiale une place que nous n’avions pas avant de faire l’euro. Cessons de dire du mal de l’Europe, tout en la décrivant telle qu’elle est et essayons de l’amender et de l’améliorer."
Jean-Claude Juncker : "J’ai envie de faire un coup de cœur. Je crois que ceux qui en Europe pensent que déjà aujourd’hui nous avons trop d’Europe, se trompent lourdement. Les Européens étaient 20 % de la population mondiale en 1900, nous serons 4 % de la population mondiale à l’aube du 22e siècle et nous perdons en importance démographique, donc nous devons conquérir le monde par la force de nos idées."