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Politique régionale
Réunion Interreg IVB Europe du Nord-Ouest : Le volet "laboratoire des idées" sur l’immigration, la fuite des "cerveaux" et le vieillissement de la population
24-09-2008


Des participants lors d'un workshopLa fonte des régions et la croissance des villes ainsi que les défis qui découlent du vieillissement des populations avaient été les sujets d’ateliers et de conférences interactives au cours des deux jours qu’a duré la rencontre Interreg IVB Europe du Nord-Ouest qui s’est déroulée les 22 et 23 septembre à Luxembourg.

Ateliers d’idées

Plusieurs idées avaient été dégagées de ces ateliers.

  1. Capter le capital humain des personnes qui ont émigré d’une région pour trouver du travail autre part : la fuite des cerveaux de certaines régions dans lesquelles il n’y a, parfois qu’apparemment, plus assez d’opportunités pour les "cerveaux" a été dans ce cadre la principale préoccupation. Etudier les raisons profondes de cette fuite, trouver des moyens de favoriser le retour de ces personnes et identifier les manières de créer des réseaux qui pourraient les retenir étaient les actions vers lesquelles les ateliers ont pointé.
  2. Intégrer la planification du développement territorial et des services au niveau de la région des villes : une des idées dégagées consistait à prôner l’établissement d’une check-list démographique dans les régions affectées par le changement démographique afin que les autorités maintiennent le suivi du problème plutôt que de miser sur le temps qui règlerait les choses.
  3. "La diversité des bénéfices" ou équilibrer les bénéfices des zones urbaines et rurales afin que ces zones soient complémentaires : le renouvellement des villages et la mise en place de services développés dans les zones rurales autour des villes était ici le premier axe de réflexion.
  4. Le transfert de connaissances, de savoir-faire et de l’expérience entre les générations
  5. Maintenir l’activité économique des personnes âgées
  6. Innover dans les services pour les personnes âgées. 

Les conférences interactives

Colloque InterregL’intégration des migrants, les villes adaptées aux personnes âgées ("villes-amies des aînés") et l’évasion des cerveaux en Europe furent ensuite les sujets de trois conférences interactives entre des acteurs sur le terrain et les participants.

L’intégration des migrants

Lors de cette conférence, deux projets se sont présentés, European network of cities for local integration policies for migrants (CLIP) et le Policiy Research Institute on Aging and Ethnicity (PRIAE).

Ayse Özbabacan, de la municipalité de Stuttgart, présenta CLIP, dont la ville de Luxembourg est d’ailleurs membre.

CLIP est un réseau de 30 villes en Europe, qui conjugue de manière structurée deux activités dans le domaine de l’intégration des migrants: l’échange entre autorités publiques actives sur le terrain urbain et la recherche politique sur les actions engagées et à envisager. 

L’objectif de CLIP est de faire l’inventaire des stratégies d’intégration au niveau communal qui innovent. L’échange entre les villes est censé aboutir à l’élaboration de marqueurs qui servent à juger du succès ou de l’échec d’une démarche, l’évaluation des actions se faisant entre pairs. Un autre aspect est l’évaluation du rôle des entreprises, des partenaires sociaux, des confessions religieuses et des ONG dans les politiques d’intégration communales. Un autre aspect est la transposition appropriée d’une expérience réussie d’une ville à une autre. Les résultats de ces échanges peuvent selon Özbabacan contribuer à l’élaboration des lignes de base d’une politique d’intégration européenne.

Les sujets traités par CLIP ont été depuis 2006 le logement (accès au logement par les migrants, lutte contre la ségrégation dans ce domaine, confort et prix du logement), la politique de la diversité et le dialogue interculturel.

Sur la question de l’accès au logement par les migrants, CLIP a déjà produit un rapport qui est disponible sur Internet. En ce qui concerne la politique de la diversité, CLIP produira d’ici peu un rapport tournant autour des politiques de recrutement de personnel des villes, de l’accès à l’emploi et du développement des carrières et des salaires et de la meilleure façon de donner aux migrants l’accès aux services des villes.

Naina Paitel, de PRIAE, a attiré l’attention des participants sur les questions liées aux personnes âgées issues de l’immigration, notamment dans les pays où l’immigration est fortement marquée par les migrants venus de pays non-européens. L’idée que les familles vont s’occuper de ces personnes ou quelles vont retourner dans leur pays est une idée fausse selon Paitel. Elle a qualifié le vieillissement des immigrés de "marché croissant" et qu’il fallait d’ores et déjà préparer avec les parties intéressées des modèles de financement à long terme des soins à prévoir.

Il faut surtout éviter des situations où la personne immigrée est, comme l’a dit une personne ancienne d’origine asiatique en Grande-Bretagne, "traitée comme Britannique quand il s’agit de payer les impôts et comme Asiatique quand il s’agit d’accéder aux services de soins". Il est également important d’adapter certains services aux besoins spécifiques des personnes âgées issues de l’immigration, notamment en matière alimentaire et religieuse. Nena Paitel prône pour les maisons de retraite un modèle multiculturel, un modèle à l’image de la "pomme de grenat" : beaucoup de grains coexistent dans un seul fruit, mais chacun est un peu différent avec des besoins spécifiques. Pour les soins palliatifs, elle recommande également de faire attention à ces différences.

A cette fin, il faut former le personnel aux différences culturelles et aux besoins qu’elles impliquent. Pour mieux le former, il faut recourir à la recherche pour définir les nouveaux types de services qui se dégagent du changement de profil de la population âgée des villes européennes.                   

Villes-amies des aînés

Charles Petitot de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a présenté lors de son intervention le "Guide des villes-amies des aînés", qui est un programme de l’OMS conçu pour permettre aux villes de tous les continents à s’adapter à leur population vieillissante.

Une ville amie des aînés est une ville qui adapte ses structures et ses services de manière à être plus accessible aux personnes âgées. "L’OMS veut promouvoir un vieillissement actif", a avancé le médecin conseil en ajoutant : "Vieillir en restant actif est un processus qui consiste à optimiser les possibilités de bonne santé, de participation et de sécurité afin d’accroître la qualité de la vie pendant la vieillesse". " Le but du programme, c’est de donner aux personnes âgées les moyens de participer le plus possible à la vie urbaine et de les rendre le moins dépendantes possible", a souligné Petitot.

Avant d’élaborer ce guide, une étude préliminaire avait été menée dans 35 villes de tous les continents. Dans chacune des villes, il a été demandé à des personnes âgées ont de décrire les avantages et les inconvénients qu’ils vivent dans leur vie urbaine. Le guide, qui a été élaboré sur base de cette étude et publié en octobre 2007, doit servir de base aux acteurs locaux et régionaux pour réaliser des audits dans leurs villes afin qu’elles deviennent plus accueillantes pour les personnes âgées. "Ce guide n’est pas une bible, il doit plutôt être vu comme une boîte à outils qui doit être adaptée aux contextes spécifiques", a précisé l’officier.

Un bon exemple comment le guide peut servir en tant que base pour une politique du vieillissement est le label français "Bien vieillir, vivre ensemble" que la Direction Générale de l’Action sociale vient de créer pour encourager les villes françaises à mener des auto-appréciations auprès de leur population âgée.

Finalement, Charles Petitot a mentionné les travaux de l’ONG européenne AGE, la Plate-forme européenne des personnes âgées, dans laquelle il est également impliqué. Créée en 2001, AGE s’implique dans des activités politiques et informatives pour mettre les enjeux politiques des populations âgées à l’ordre du jour de l’UE. AGE et l’OMS ont signé une lettre d’entente pour promouvoir le programme "Guide des villes-amies des aînés" en Europe. Selon Petitot, AGE est également responsable pour la coordination des politiques ONU et de l’EU en matière du vieillissement de la population.

La fuite des "cerveaux"

Sarah Box, de l’Organisation pour la coopération et le développement (OCDE) a analysé l’ampleur et les impacts politiques de la mobilité des travailleurs en Europe. Pour ce faire, elle s’est focalisée sur trois domaines : la science, la technologie et l’industrie. Pour la chercheuse, la mobilité des travailleurs est un phénomène qui présente des avantages à la fois pour les pays d’origine et les pays de destination car elle permet de mieux diffuser les flux d’information, de favoriser l’innovation et de promouvoir le capital humain. Le transfert des connaissances se fait selon Sarah Box directement et indirectement et gagne en complexité vu le nombre sans cesse croissant de pays qui y participent.

Dans un deuxième temps, Sarah Box s’est attachée à analyser les politiques qui ont été mises en place par les Etats membres. Le premier constat : même si la plupart des pays accordent beaucoup d’importance à la mobilité et ont développé des offres favorisant la mobilité, rares sont ceux qui ont développé "une véritable stratégie". Elle a également  estimé que les programmes des Etats se caractérisent par une très grande disparité, une approche globale et de grands écarts en ce qui concerne les dépenses affectées à ce domaine. Pour remédier à cette situation, Sarah Box a suggéré aux Etats de déterminer des objectifs plus clairs, de développer de véritables stratégies et d’évaluer régulièrement les politiques en veillant à leur cohérence.

Lothar Kuntz, indépendant de l’INFO-Institut pour  la Grande Région a complété l’exposé de Sarah Box en se focalisant sur la dimension régionale et notamment sur le cas du Luxembourg. En se basant sur une recherche qui a été effectuée pour le sommet de la Grande Région, il a retracé les mutations qui se sont opérées au cours des dernières années sur le territoire de la Grande Région qui englobe une population de "11, 2 millions d’habitants et beaucoup de cultures différentes".

Le marché du travail luxembourgeois se caractérise, selon lui, par une grande dynamique, l’arrivée massive de travailleurs dotés d’un niveau de qualification de plus en plus élevé (entre 1994 et 2004 le nombre de travailleurs avec diplôme supérieur est passé de 28 % à 56 %), et une forte ségrégation, c'est-à-dire la concentration des Luxembourgeois dans l’administration publique et des étrangers dans les secteurs les plus productifs de l’économie. La Grande Région est selon lui confrontée à un double phénomène: la fuite des cerveaux vers le Luxembourg (qui accuse un solde migratoire de 11 000 personnes entre 2007 à 2008) et un recul de la population dans les régions limitrophes du Grand-duché. Parmi les citoyens de la Grande Région, les Lorrains sont selon lui, les plus enclins à se déplacer pour des raisons professionnelles, talonnés par les Wallons et les Allemands de la Rhénanie-Palatinat. La mobilité dans le secteur industriel a également augmenté parmi les Sarrois, qui s’adaptent de par leur contexte plus interculturel plus facilement que d’autres à des situations linguistiques complexes.   

Lothar Kuntz a également observé un nouveau phénomène : "Autrefois, les personnes étrangères qui sont venues au Luxembourg pour y travailler ont également résidé à l’étranger. Aujourd’hui, la flambée des prix dans l’immobilier pousse des Luxembourgeois à aller habiter à l’étranger proche, ce qui fait d’eux "des étrangers dans leur propre pays".