Le 16 octobre 2008 a eu lieu un débat à la Chambre des députés un débat de consultation sur le rapport du Plan national pour l’innovation et le plein emploi, élaboré par le Gouvernement dans le cadre du nouveau cycle triennal de la stratégie de Lisbonne (2008-2010), un document qui sera soumis pour approbation au Conseil de gouvernement le 17 octobre 2008.
Le gouvernement, représenté par le ministre de l’Economie, Jeannot Krecké, en charge de la coordination de la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne au Luxembourg, proposa dès le début du débat de ne pas intervenir par une introduction, dans la mesure où deux auditions avaient déjà eu lieu auparavant, c’est-à-dire le 5 mars et le 10 avril 2008.
Marcel Sauber (CSV), qui passa en revue un document qui n’avait pas été distribué au public, marqua le soutien de son groupe politique au projet, en soulignant particulièrement les mesures de soutien aux PME et à la R&D contenues dans le document.
Claude Meisch (DP) fut d’avis qu’il fallait d’abord privilégier l’emploi et la compétitivité. S’il y a eu un ralentissement de la croissance au Luxembourg, c’est selon le leader du plus grand parti d’opposition parce que le gouvernement n’a pas procédé à des réformes structurelles, dont celle de la réforme de l’Administration de l’Emploi (ADEM). Le Luxembourg crée 12 000 à 14 000 nouveaux emplois par an. Si tant de chômeurs inscrits à l’ADEM n’arrivent pas à occuper un de ces emplois, c’est parce que l’ADEM se contente d’administrer le marché du travail au lieu de prendre des mesures qui permettent aux personnes sans emploi de se qualifier pour ces nouveaux emplois. Il a prôné la flexicurité, le renforcement du pouvoir d’achat, la baisse des frais salariaux et le maintien de l’indexation des salaires. Il a également plaidé pour que l’Etat, par le levier financier que constituent la SNCI, mais aussi les banques Fortis et Dexia dans lesquelles il est entré à cause de la crise financière soutienne les PME qui sont, par leur ancrage régional, des stabilisateurs de l’économie.
Dans un contexte de crise économique, où les Etats membres de l’UE revoient leur performances économiques à la baisse, Alex Bodry du LSAP a estimé que ce serait "un miracle si le Luxembourg pouvait échapper à cette tendance". Le contexte économique tendu l’a également amené à dire "que le Luxembourg entrera dans un nouveau cycle triennal de la stratégie de Lisbonne (2008- 2010) qui s’annoncera beaucoup plus difficile que le premier (2005-2007), qui était surtout caractérisé par une croissance importante et la création d’emplois nouveaux". Pour endiguer la crise, il s’est exprimé contre le "laisser –faire" et en faveur d’une politique volontariste du gouvernement.
Même s’il a estimé que les initiatives qui sont édictées dans le plan national pour l’innovation et l’emploi "vont dans la bonne direction", il a critiqué la lourdeur des charges administratives et la longueur des délais de mise en œuvre.
Le président du LSAP a insisté sur la nécessité de lier le plan national pour l’innovation et le plein emploi à une réflexion plus globale sur le pays, de diversifier davantage l’économie du pays et de faire en sorte que « la composante écologique de la stratégie de Lisbonne ne soit pas perdue ». Parallèlement à ces initiatives, il a prôné une répartition plus égalitaire des richesses du pays et d’impliquer davantage les communes dans le processus de Lisbonne.
Henri Kox, des Verts, a saisi l’occasion pour mentionner l’importance de la crise financière actuelle. Il a appelé les Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, qui se réunissaient ce même jour au Conseil européen, à engager un changement de paradigme et à prévenir la récession qui plane sur l’économie européenne. "Si nous ne réussissons pas à tirer les bonnes conclusions de la crise financière, nous n’aurons plus besoin de discuter de cette stratégie de Lisbonne", a-t-il souligné. Kox a également mis en garde que la crise ne devrait pas être prise comme une excuse pour affaiblir les objectifs de la lutte contre le changement climatique.
Kox a contesté la manière dont le Plan national de réforme luxembourgeois a été élaboré. "Les LDI se lisent bien plus comme une autocensure du gouvernement qu’un papier critique qui traite les questions essentielles", a-t-il fustigé. Le député a également critiqué le fait que les suggestions des associations et des représentants de la société civile, n’aient pas été introduites de manière claire dans le rapport. Ces dernières avaient été invitées à s’exprimer lors de deux auditions publiques. Il a proposé que ces suggestions soient retenues à l’avenir dans un papier de synthèse spécifique.
Jacques-Yves Henckes de l’ADR a plaidé pour une économie de la connaissance. Il a insisté particulièrement sur la nécessité de réformer le système scolaire luxembourgeois. La réforme qui vient d’être entamée, est bonne selon le député, mais il faudrait l’approfondir bien davantage. Plus loin, Henckes a revendiqué l’introduction d’un crédit-impôt recherche pour les petites et moyennes entreprises, afin de favoriser l’innovation et la recherche.
Le gouvernement a répondu dans un premier temps à travers le ministre du Travail et de l’Emploi François Biltgen aux les questions relatives à l’emploi. "Nul ne sait vers où irons sur le marché de l’emploi si la crise actuelle a des répercussions sur le secteur financier et l’économie réelle. Mais nous anticipons et nous misons sur la solidarité des banques." Le ministre veut en tout cas éviter que l’on en vienne à de simples mises à pied comme ce fut le cas lors de la crise financière de 2001.
S’adressant à Claude Meisch (DP), il a expliqué que ses services étaient en train de travailler à une réforme de l’ADEM selon les lignes définies de concert avec l’OCDE. "Mais l’ADEM ne peut pas être la panacée universelle pour tous les problèmes qui se posent sur le marché de l’emploi", s’est exclamé le ministre, qui a parlé notamment des difficultés à arriver à former des chômeurs qui n’ont reçu aucune qualification.
En ce qui concerne la flexicurité, Biltgen s’est exprimé pour un modèle luxembourgeois qui misera sur des contrats collectifs plus extensifs, des mesures de maintien de l’emploi, une formation continue et une sécurisation de ceux qui perdent leur emploi.
Le ministre de l’Economie Jeannot Krecké, le "Monsieur Lisbonne" luxembourgeois, a expliqué dans quelle mesure la stratégie de Lisbonne n’était plus, depuis 2005, une affaire qui relevait avant tout de l’Union européenne, mais bien une affaire dont les Etats membres étaient censés s’approprier. Cela est le cas au Luxembourg, où le gouvernement et la Chambre se la sont appropriée, tout en impliquant les forces vives de la nation et la société civile, notamment à travers les auditions publiques de mars et avril 2008. Krecké a aussi repris la suggestion d’impliquer plus les communes et réfléchira sur la meilleure façon de le faire.
Krecké était d’accord pour admettre que "la stratégie de Lisbonne ne soulève l’enthousiasme de personne, ni à l’intérieur de la Chambre, ni à l’extérieur. Mais nous devons savoir que cette stratégie est pour nous, pas pour l’Union européenne. (..) Elle devrait nous inciter à construire notre futur non sur des niches de souveraineté, mais sur des niches de compétences. Elle s’appuie sur la compétitivité propre d’un pays."
Dans la mise en œuvre de cette stratégie, Krecké plaide pour une meilleure cohésion sociale à travers une distribution équitable du produit national. Pour lui, arriver à plus de compétitivité ne peut pas seulement passer par une action sur la baisse des frais salariaux. S’il faut rendre le pays plus attractif, il faut aussi, selon Krecké, dire clairement que le pays est économiquement sain. C’est ce qui a rendu possible l’intervention du gouvernement sur deux banques systémiques au début de la crise financière. A cause des influences extérieures, des restrictions de crédits, de l’impact des problèmes de ralentissement conjoncturel en Allemagne et en France notamment, des menaces pèsent maintenant sur certains secteurs, dont celui des entreprises qui fabriquent des pièces pour l’industrie automobile, qui sont au nombre d’une trentaine. Pour le futur, Krecké a donc plaidé pour la diversification économique, pour plus d’industries, pour plus d’entreprises artisanales, pour plus de PME.