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Economie, finances et monnaie - Fiscalité
Juncker, Asselborn et Frieden ne sont pas contents que le Luxembourg figure sur la liste grise des paradis fiscaux de l’OCDE
03-04-2009


Jean-Claude Juncker à Prague le 3 avril 2009 (c) eu2009.czLe Luxembourg se retrouve à l’issue du sommet du G20 sur une liste dite "grise" de 38 pays, avec la Suisse, l'Autriche, la Belgique, le Liechtenstein, Andorre, Monaco, les Bermudes ou les îles Caïmans. Selon l'OCDE, qui a établi cette liste, ces Etats se sont certes engagés à respecter les critères internationaux en matière de transparence bancaire et fiscale mais ne les ont pas "substantiellement" appliqués.

Juncker à propos la liste "grise" : "J’ai constaté que certains Etats des Etats-Unis n'y figurent pas"

Le Premier ministre et ministre des Finances, Jean-Claude Juncker, a trouvé "le traitement qui est réservé à certains Etats un peu incompréhensible" et a de nouveau critiqué, comme le mardi 31 mars devant le Parlement européen, le fait que les Américains aient échappés à tout reproche dans ce domaine. Sur les listes de l'OCDE, "j'ai constaté que certains Etats des Etats-Unis n'y figurent pas", a-t-il dit avant une réunion de l'Eurogroupe qui s'est tenue le 3 avril à Prague..

Lors d'une conférence de presse à l’issue de cette réunion de l’Eurogroupe, il a déclaré: "J’ai pris connaissance de cette liste et j’ai constaté, tout comme mes collègues autrichien et belge, que nous y figurons. La partie de la liste publiée par l’OCDE et qui et consacrée à la Belgique, la Suisse, l’Autriche et le Luxembourg est une liste factuelle. Que dit cette liste? Que dit cette énumération? Il s’agit là d’États qui ont accepté la convention-cadre de l’OCDE sur l’échange d’informations sur demande mais qui n’ont pas encore pu l’appliquer parce que l’application passe nécessairement par la conclusion d’accords de non-double imposition. Nous sommes en négociations avec la France et l’Allemagne pour insérer dans les accords de non-double imposition que nous avons les modalités telles que prévues par la convention cadre de l’OCDE. Donc, cette présence sur cette liste ne me gène pas trop puisqu’elle est factuelle. Elle décrit ce que nous avons fait et ce que nous sommes en train de faire mais ce que nous n’avons pas encore pu appliquer avec l’intensité voulue parce qu’on ne peut pas, 3 semaines après avoir accepté les normes de l’OCDE, avoir conclu une vingtaine d’accords de non-double imposition. Les autres États ne travaillent pas avec une célérité telle que nous aurions pu le faire. " Et d'ajouter: "Pour le reste, j’ai beaucoup de raisons de critiquer la gouvernance de l’OCDE, puisque l’OCDE publie une liste sans en référer à ses États membres. Voilà quatre États membres de l’OCDE qui se retrouvent sur une liste de l’OCDE mais le secrétaire général de l’OCDE n’a pas pris soin de contacter les gouvernements de ces quatre pays. Ce sera son problème."

Juncker a néanmoins, en tant que président de l’Eurogroupe, salué les résultats du G20, et demandé au commissaire européen Joaquin Almunia ainsi qu’aux ministres des Finances présents au sommet du G20 de faire un rapport à leurs collègues sur les résultats obtenus à Londres, "qui nous conviennent parfaitement, en ce sens qu’ils sont ambitieux, qu’ils vont loin et qu’ils devraient être de nature à redonner confiance puisque la communauté internationale a pris, d’après nous, de bonnes décisions".

Jean Asselborn, en colère contre une attitude de désolidarisation des grands de l’UE, craint un "directoire des grands"

Le vice-Premier ministre luxembourgeois et ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a été nettement plus virulent. Il ne peut pas comprendre que des territoires comme Guernesey, Jersey ou l’Isle of man sortent blanchis de l’affaire et que des pays sérieux comme la Belgique, l’Autriche ou la Suisse se retrouvent sur la liste "grise".

Il s’en est particulièrement pris, sur les ondes de la Deutschlandfunk et de la station de radio luxembourgeoise 100,7, au président français Sarkozy, "qui mène depuis des mois un jeu au sein de l’UE qui ne tient plus compte que des intérêts des grands, où l’on protège la Chine, de sorte que l’on ne parle pas de Macao ou de Hongkong, où l’on protège le Brésil, mais où on laisse tomber trois Etats membres de l’UE plus la Suisse. Cela est inacceptable, car il s’agit bel et bien d’une désolidarisation". Et d’ajouter que "les marionnettistes ont détrôné les visionnaires dans l’UE". 

Pour Jean Asselborn, "le mécanisme qui est en train de se mettre en place s’approche d’un directoire des grands Etats membres". Jean Asselborn pense que le gouvernement en débattra lors de son prochain Conseil. "En ce qui me concerne", affirme-t-il, "et je pense que le Premier ministre me suivra dans cette direction, d’un point de vue européen, nous ne pourrons pas tout simplement faire comme si de rien n’était", même si le chef de la diplomatie pense que tout ne sera pas tranché sur la place publique.

Luc Frieden s’en prend à l’OCDE qui n’a pas joué son rôle, mais qui a accepté que l’on se serve d’elle contre certains de ses membres

Le ministre du Budget, Luc Frieden, a, quant à lui, exprimé son mécontentement sur RTL en des termes différents. "Cette liste grise est dénuée de toute signification et elle est inutile. Car il s’agit au fond d’une liste de pays qui ont dit d’eux-mêmes qu’ils appliqueraient dans le futur les standards de l’OCDE sur l’échange d’informations sur demande. Nous avons fait cela le 13 mars 2009. Nul besoin de rappeler aux gouvernements luxembourgeois, autrichien, belge ou suisse ce qu’ils venaient juste de déclarer. Ce qui nous importait avant tout les derniers mois, c’était de ne pas figurer sur une liste noire. Ce but, nous l’avons atteint."

Mais, a ajouté Luc Frieden, " nous regrettons profondément la façon dont l’OCDE a accepté que l’on se serve d’elle en la forçant d’établir des listes selon des critères très peu clairs. (..) L’OCDE n’a pas joué son rôle dans cette affaire, car l’OCDE est une organisation qui a des membres et qui devrait d’abord discuter de la chose qui nous préoccupe avec ses membres. Cela n’est pas arrivé. Pour cette raison, il s’agit d’un très mauvais comportement de l’OCDE ."