Quel avenir pour les petites et moyennes entreprises en Grande Région ? C’est à cette question cruciale, et ce particulièrement en cette période crise économique et financière, que se sont appliqués à répondre les nombreux participants de la conférence sur les PME de la Grande Région, organisée par le Comité économique et social de la Grande Région (CESGR), et qui s’est tenue le 2 avril 2009 à la Chambre des Métiers du Grand-Duché de Luxembourg.
Afin de pouvoir établir des éléments de réponse et offrir aux représentants politiques de la Grande Région, qui étaient venus nombreux, un état des lieux de la situation des PME, des ateliers abordaient au cours de la matinée trois problématiques identifiées comme particulièrement prégnantes.
Le premier atelier, introduit par Emmanuelle Mathieu, chargée d’études à l’ADEM, se concentrait sur la pénurie de main d’œuvre qualifiée en Grande Région et tentait d’analyser les facteurs de succès en matière de ressources humaines et de formation permettant de remédier à cette sérieuse problématique.
Plusieurs exemples d’approches stratégiques, mais aussi de pratiques et d’outils déjà développés ont été présentés par Bruno Renders, directeur de l’Institut de Formation Sectoriel du Bâtiment (IFSB), par Christian Neuenfeldt, de la Chambre des Métiers de Trèves, par Matthias Langner, du Centre de Compétences "Zukunftsfähige Arbeit" de Rhénanie-Palatinat et enfin par Bernward Eckgold, directeur général de la Chambre des Métiers de Coblence.
Bruno Renders s’est chargé de présenter les résultats de cet atelier en dressant tout d’abord un constat de la situation. Il existe en effet de nombreux postes à pourvoir, et ce malgré la crise, mais, paradoxalement, le chômage des jeunes est lui en hausse. Parallèlement, les besoins en qualification ont tendance à se faire toujours plus pointus. Pour résoudre ce problème, il convient donc d’adopter une approche stratégique et structurelle et il faut tenir compte des exemples réussis de systèmes innovants permettant d’accompagner les entreprises.
Parmi les points auxquels il faut prêter une attention toute particulière, Bruno Renders a identifié la nécessité de mieux valoriser les métiers techniques ainsi que les métiers de l’artisanat. Par ailleurs, le directeur de l’IFSB a fait part du souhait général que la réalité du monde de l’entreprise soit rendue plus transparente, et ce dès la formation initiale, qui est bien souvent "déconnectée" de cette réalité. Dans le cadre de la Grande Région, c’est tout particulièrement la nécessité de l’équivalence entre les qualifications qui a été jugée indispensable. L’exemple de systèmes de financements pour la prise en charge des frais de formations destinées à certaines catégories de salariés a aussi été relevé.
Les participants à cet atelier ont donc opté pour une conclusion concrète et proposent de passer à l’action plutôt que d’en rester aux déclarations de bonnes intentions. Leur suggestion : monter un projet transfrontalier, qui pourrait être financé dans le cadre du programme INTERREG, ouvert à l’ensemble des partenaires de la Grande-Région. Il aurait un triple objectif, à savoir identifier les bonnes pratiques et les systèmes innovants qui permettent d’accompagner les salariés et les entreprises, en particulier les PME, partager l’information et enfin identifier le potentiel d’implémentation de systèmes identifiés et expérimentés dans d’autres régions.
Le deuxième atelier, introduit par Laurent Grein, du Centre de Recherche public Henri Tudor, abordait la question de l’innovation, et analysait notamment les freins à l’innovation fréquemment rencontrés par les entreprises, l’objectif étant bien entendu de trouver des solutions à ces difficultés.
Après un exercice de définition nécessaire, Christiane Bram, de la Chambre des Métiers luxembourgeoise, et Thomas Weinand, du Centre européen d’innovation de la Chambre des Métiers de Trèves, ont développé la question des freins à l’innovation rencontrés par les PME.
Les conclusions des discussions menées au cours de cet atelier ont été présentées par Christiane Bram et elles étaient aussi nourries des travaux menés par le Comité économique et social de la Grande Région.
Ce sont dans un premier temps les freins à l’innovation qui ont été listés. Le premier d’entre eux est la difficulté qu’éprouvent les chefs d’entreprise de PME à imaginer le futur et ce par manque de temps, de compétence, d’expérience ou encore d’imagination. Par ailleurs une certaine incapacité à gérer l’innovation au sein de l’entreprise a été épinglée, et elle est liée au fait que bien souvent, l’innovation n’est pas ressentie comme un besoin vital par les entrepreneurs. La confiance dans le passé, associée naturellement à une peur de l’inconnu, constitue elle aussi un frein à l’innovation.
En bref, c’est la perception que beaucoup d’entrepreneurs ont de la notion d’innovation qui est en cause, car le concept est trop souvent associé à des aspects purement technologiques. Cette confusion est largement encouragée par des aides des pouvoirs publics qui sont souvent destinées aux activités de recherche et de développement, ce qui a pour conséquence que le potentiel de l’innovation en matière de gestion, d’organisation ou de marketing est souvent méconnu et négligé.
Les PME rencontrent de surcroît des difficultés d’accès aux connaissances et aux compétences nécessaires à l’innovation tandis que l’interaction entre le public et le privé n’est pas assez fréquente. Les PME ont par ailleurs des moyens limités à investir dans l’innovation et il existe un manque de connaissance des mécanismes de financement de l’innovation, qui sont déjà en soi difficiles à identifier. Il n’est pas aisé enfin de sensibiliser les PME à l’innovation et de faire entendre que si les coûts d’investissements peuvent être élevés, les retombées en sont aussi importantes.
Pour limiter ces obstacles, une série de recommandations ont donc été adressées aux représentants politiques présents à la conférence. Il s’agit de développer une offre de support et de soutien à la mise en place de stratégies d’innovation au sein des entreprises, et ce en offrant des outils de veille, de gestion, en apportant des compétences en matière de propriété intellectuelle, ou encore de design. Il est par ailleurs nécessaire de mettre en réseau les entreprises.
La question de la sensibilisation est par ailleurs cruciale et il faut dans ce sens veiller à une meilleure connaissance de la définition de l’innovation, mais aussi valoriser l’apport de compétences externes aux entreprises. Il est important de développer les partenariats et la coopération entre le public et le privé, et ce notamment dans le cadre transfrontalier. Il convient de stimuler la création de clusters d’innovation et il faut coordonner et mieux structurer enfin les différentes aides à l’innovation qui peuvent intéresser les PME et faciliter à ces dernières l’accès à ces financements. Il est indispensable de garantir aussi un accès haut-débit à Internet dans toute la Grande Région.
Le troisième atelier, introduit par Marc Gross, de la Chambre des Métiers de Luxembourg, et par Christina Grewe, de la Chambre de l’Industrie et du Commerce de Trèves, abordait la question des opportunités de marchés dans la Grande Région à la lumière, ou plutôt à l’ombre, des entraves administratives existantes.
Mathis Mellina, de l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines , a donc présenté les procédures administratives en vigueur dans le domaine de la TVA et il a abordé la question de l’immatriculation, de la restitution de la TVA en vertu de la directive 2008/9 qui sera appliquée à partir du 1er janvier 2010, et enfin de l’auto-liquidation, régie par la directive 2006/112/CE.
La question du détachement de salariés dans les régions voisines a ensuite été développée par Raoul Rollinger, du Centre commun de la Sécurité sociale, qui s’est penché notamment sur le détachement du personnel en matière de sécurité sociale, puis par Claude Santini, de l’Inspection du Travail et des Mines. Ce dernier a évoqué le détachement de travailleurs au Luxembourg et Franz Clement, du CEPS/INSTEAD a enfin présenté les chiffres et la problématique du détachement.
Christina Grewe s’est chargé de présenter les conclusions de cet atelier au cours duquel les grands progrès réalisés dans l’intégration des marchés au sein de la Grande-Région depuis les débuts du marché intérieur ont été relevés. L’atelier a cependant montré qu’il restait encore beaucoup à faire en vue de l’application des textes communautaires qui régissent le domaine de la circulation des services.
A ce titre, Christina Grewe a listé les obstacles administratifs qui devraient être levés dans chacune des entités de la Grande-Région. Elle a ensuite expliqué qu’il était nécessaire de sensibiliser les entreprises et les employés à l’usage proactif des réseaux européens comme EEN, SOLVIT ou encore EURES. L’information a été présentée comme un des nerfs de la guerre, et il convient à ce titre de poursuivre les initiatives existantes et d’utiliser tous les moyens possibles pour faciliter la diffusion des informations pratiques et juridiques nécessaires aux PME. Enfin, il a été suggéré de mettre en place une "task-force" qui aurait pour objectif de lever les obstacles existant.