Le 28 avril 2009, le Conseil économique et social de la Grande Région (CESGR) tenait l’assemblée plénière qui devait clôturer les dix-huit mois de la présidence luxembourgeoise du Sommet de la Grande Région. L’occasion pour les membres de cet organe consultatif qui se veut aussi un "organe central du dialogue social", d’adopter des recommandations qui seront présentées en juin aux exécutifs des régions composantes de la Grande Région.
Le 13 mai 2009, les présidents des différents groupes de travail du CESGR ont présenté à la presse les fruits de leurs travaux. Au menu : transports en commun, mobilité des patients, formation professionnelle, emploi et PME. Le tout basé sur le conséquent rapport 2009 sur la situation économique et sociale de la Grande Région que le CESGR a commandité à l’Observatoire interrégional du marché de l’emploi (OIE). Le message que Norbert Greisen, actuel président du CESGR, en tire, est limpide : la Grande Région n’est pas seulement un espace économique commun, mais aussi un espace de vie partagé.
Alexandra Guarda-Rauchs, qui préside le groupe de travail "opportunités et obstacles pour les PME dans la Grande Région" du CESGR, a insisté sur l’importance grandissante des petites et moyennes entreprises en cette période crise économique et financière car ces dernières constituent à ses yeux "l’épine dorsale" de l’économie de la Grande Région.
Il est donc indispensable de les aider à se préparer à la relance que tous espèrent rapide. Une importante tâche consistera ainsi à lever les obstacles administratifs qui subsistent encore et dont un inventaire a été réalisé, et ce en partie lors de la conférence sectorielle organisée le 2 avril 2009 par le CESGR.
Autre nerf de la guerre, l’innovation, que les membres de ce groupe de travail regardent comme un facteur clé de la compétitivité. Ils se sont attachés à analyser les freins à l’innovation qui existent au sein des PME mais aussi dans le cadre du soutien apporté aux PME par les puissances publiques. Une analyse qui a permis de formuler des recommandations visant à limiter l’effet de ces entraves à l’innovation. L’innovation par le biais de la construction durable a aussi été mise en avant par les membres du CESGR.
Adalbert Ewen, président du groupe de travail qui se consacre à l’emploi au sein des PME de la Grande Région, a pour sa part présenté les recommandations formulées dans l’objectif d’une part de promouvoir l’emploi sur le marché du travail de la Grande Région en temps de crise financière et économique, et d’autre part d’empêcher le dumping social et d’augmenter la mobilité grâce à une meilleure coopération.
La première recommandation de ce groupe de travail invite donc à renforcer la coopération des institutions importantes pour le marché du travail dans la Grande Région, à savoir le CESGR lui-même, qui est d’ailleurs prêt à assumer une fonction de coordination, l'OIE et les réseaux EURES des différentes régions. Et ce sans compter la venue prochaine de deux nouvelles entités/outils devenus nécessaires au vu de la croissance continue du marché du travail transfrontalier, à savoir une "task force" qui aura pour tâche de réduire les problèmes juridiques posés par le marché du travail transfrontalier, et un "portail des citoyens", un portail Internet Wiki en accès direct pour tous les citoyens de la Grande Région.
Le CESGR espère par ailleurs que la présidence sarroise accordera une attention particulière à l’examen des effets transfrontaliers de la crise économique et financière sur le marché du travail de la Grande Région. Et il conviendra aussi de suivre avec vigilance les effets transfrontaliers de l’application de la directive services. Celle-ci devrait en effet être en principe transposée en droit national d’ici le 28 décembre 2009 et elle prévoit notamment la mise en place d’un "interlocuteur unique" par l’intermédiaire duquel pourront être réglées toutes les procédures et formalités nécessaires pour entreprendre et exercer une activité de services.
Matthias Schwalbach, qui préside le groupe de travail "transports en commun et infrastructures de transport", a rappelé en quelques traits une situation dans laquelle dominent les transports individuels, ce qui n’est pas sans conséquences souvent pénibles au quotidien, et ce notamment au vu du nombre grandissant de travailleurs frontaliers.
Un des grands défis de la Grande Région reste donc l’amélioration des transports en commun. Même si beaucoup a été réalisé depuis les recommandations faites en ce sens sous présidence wallonne, il est désormais proposé de réaliser une étude de faisabilité pour analyser l’opportunité et les conditions générales requises pour la mise en place d’une structure de transports commune dans la Grande Région. Une demande de financement de ce projet dans le cadre du programme INTERREG IV A devrait être introduite dès septembre 2009 par la communauté de transport luxembourgeoise qui en sera le porteur.
L’extension de l’infrastructure des transports en commun mais aussi des infrastructures routières, ferroviaires et fluviales sont aussi au programme des recommandations du CESGR qui a identifié comme prioritaires un certain nombre de mesures. Mais, comme n’a pas manqué de le rappeler Matthias Schwalbach, il s’agit là de projets qui courront non sur quelques années seulement, mais sur des décennies.
François Engels, président du groupe de travail qui se penche plus spécialement sur les questions ayant trait au secteur de la santé, et ce dans le contexte d’une société vieillissante, a présenté, pour les trois thèmes prioritaires de son mandat, les recommandations formulées par le CESGR.
Après avoir opéré un recensement des prestations proposées de part et d’autre de la frontière et du recours à ces prestations, les membres de ce groupe de travail invitent au renforcement de la coopération entre les acteurs de la santé des régions afin d’améliorer l’exploitation des structures de prise en charge et de soins et de permettre une planification régionale de l’offre de prestations. Une analyse des besoins à moyen et long terme en matière de soins pour personnes âgées au niveau de la Grande Région est par ailleurs nécessaire à leurs yeux. Tout comme d’ailleurs une amélioration de l’information des acteurs de santé et des patients de la Grande Région quant à l’offre de prestations existante ou aux possibilités de recours à des services médicaux transfrontaliers.
François Engels est revenu aussi sur les obstacles à la mobilité identifiés par son groupe de travail. La barrière de la langue en est un de taille, et il convient donc d’y remédier en renforçant, par le biais de la formation continue notamment, les connaissances linguistiques des personnels de santé employés dans la Grande Région.
La question de l’emploi dans le secteur de la santé a aussi fait plancher les membres du groupe du travail qui ont convenu qu’il était nécessaire, pour pallier la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, d’améliorer l’orientation des jeunes de la Grande Région vers les professions de santé, tout en créant une "académie de santé" au sein de la Grande Région, qui serait capable d’offrir, dans le cadre de la formation continue, une offre de perfectionnement plurilingue.
Lothar Kuntz a présenté le rapport 2009 sur la situation économique et sociale de la Grande Région rédigé par le réseau des instituts spécialisés de l’OIE pour le CESGR.
Adalbert Ewen, qui préside aussi le groupe de suivi de ce rapport, a présenté les quatre axes que le CESGR a considérés, à la lecture de ce document, comme déterminants pour le développement économique et social de la Grande Région. Et il a insisté sur les recommandations que le CESGR a formulées pour chacun d’entre eux.
Pour le CESGR, il faut se servir des défis face auxquels nous place la crise actuelle pour fixer un objectif politique commun. Il convient en effet aux yeux de ses membres d’atteindre une dynamique de croissance à long terme qui corresponde au moins à la moyenne de l’UE. Le CESGR recommande par ailleurs de prendre davantage en considération les différences en termes de développement observées au sein de la Grande Région et de profiter conjointement des perspectives de développement. Comme l’a souligné Adalbert Ewen, les possibilités d’action communes concernent notamment les secteurs de la promotion économique, de la création d’entreprises et du tourisme.
Au vu de la crise, la lutte contre le chômage doit être par ailleurs placée au centre des efforts politiques de la Grande Région. Cela vaut en particulier pour la lutte contre le chômage des jeunes et contre le chômage de longue durée. Le CESGR estime qu’il est possible d’agir principalement au niveau de la formation et de la formation continue, notamment en mettant à profit les potentiels transfrontaliers.
Il conviendrait par ailleurs de mieux exploiter qu’auparavant les potentiels des femmes et des séniors en augmentant leurs chances d’être employés. Ce faisant, il y a lieu de considérer le marché de l’emploi de manière plus différenciée en termes de qualité.
Le CESGR recommande de considérer la résolution des problèmes croissants liés à l’augmentation du nombre des frontaliers davantage comme une tâche commune dévolue à la Grande Région. Adalbert Ewen a présenté les propositions de solutions formulées par le CESGR dans ses résolutions
• relatives à l’amélioration de la mobilité au sein de la Grande Région
• relatives au "portail citoyen numérique" destiné à compléter l’offre de conseil à l’intention des frontaliers (potentiels) en exploitant de manière optimale les nouvelles technologies.
• concernant la coopération améliorée entre les institutions importantes pour le marché de l’emploi dans la Grande Région
Le CESGR recommande de faire face à la tendance nette au vieillissement de la population en mettant notamment en place trois stratégies :
• Favoriser la conciliation famille-travail.
• Améliorer les chances d’emploi des séniors.
• La Grande Région devrait viser un rôle de pionnier en matière d’intégration des migrants.
Adalbert Ewen a évoqué lui aussi la nécessité de poursuivre les efforts d’apprentissage de la langue du voisin, en mettant particulièrement l’accent sur les nouvelles formes d’acquisition d’une langue. Il y a lieu ce faisant d’intégrer la dimension interculturelle en tenant compte des besoins concrets des gens. Et il conviendrait aussi d’étudier l’opportunité de créer un Bureau de la jeunesse de la Grande Région afin de renforcer la mobilité transfrontalière, l’accès à l’emploi et les compétences interculturelles.
Le CESGR recommande par ailleurs de profiter du recul du nombre d’élèves pour améliorer la qualité de l’enseignement à tous les échelons. Au niveau transfrontalier, il faudrait favoriser la reconnaissance mutuelle des diplômes de formation et des certificats correspondants.
Le groupe de travail présidé par Adalbert Ewer a insisté sur la nécessité de renforcer l’offre de formation et de formation continue aux travailleurs dans les entreprises.
Pour le CESGR, la Grande Région devrait enfin aspirer à la mise en place de conditions de vie comparables et de haut niveau de part et d’autre des frontières. Afin de pouvoir mettre en place activement ce processus, il est nécessaire de disposer d’une base de données améliorée et actualisée afin de pouvoir réagir aux évolutions le plus rapidement possible.