Les chefs d’Etats et de gouvernements des 27 se réunissent les 18 et 19 juin 2009 à Bruxelles pour ce qui sera le dernier Conseil européen de la Présidence tchèque de l’Union européenne.
A l’ordre du jour, figurent des questions qui soulèvent encore de nombreuses discussions, et qui sont des enjeux de taille pour l’Union européenne. Un accord doit être trouvé sur les garanties données à l’Irlande au sujet du traité de Lisbonne tandis que les propositions de la Commission européenne en matière de surveillance des marchés financiers devraient faire l’objet de vives discussions. A priori, si le sujet est à l’ordre du jour, il est cependant probable que le Conseil repousse au Conseil européen d’octobre 2009 toute décision significative en vue de la Conférence de Copenhague de décembre sur le changement climatique. Autre sujet épineux, la nomination de José Manuel Barroso pour un second mandat à la présidence de la Commission européenne. Une question compliquée par des questions de calendrier liées à l’éventuelle entrée en vigueur du traité de Lisbonne à l’issue du référendum irlandais prévu à l’automne. Enfin, la situation du marché du lait s’invite au Conseil, portée par Angela Merkel et Jean-Claude Juncker au sein du sommet, et défendue par les producteurs de lait venus défiler en tracteur à Bruxelles.
La ratification du traité de Lisbonne par l’Irlande après un second référendum qui devrait avoir lieu en automne suppose un certain nombre de garanties "juridiquement contraignantes" données à l’Irlande. Ces garanties touchent le domaine fiscal, la sécurité et de la politique de défense, notamment la question de la neutralité, ainsi que le droit à la vie, ou en d’autres mots l’avortement, ainsi que la famille et l’éducation. En outre, la grande importance accordée aux questions sociales, y compris à celle des droits des salariés, devrait être confirmée par le biais d’une déclaration conjointe juridiquement non contraignante.
Toute la question est de trouver un moyen pour que ces garanties accordées ne modifient pas le traité de Lisbonne – ce qui supposerait un nouveau processus de ratification - ni qu’elles dépassent le cadre de ce qui a été promis à l’Irlande lors du Conseil européen de décembre 2008.
C’est là aussi la position du Luxembourg. Dans un entretien publié dans le Luxemburger Wort du 18 juin 2009, Jean-Claude Juncker a déclaré que "nous devons procéder à une analyse exacte du texte qui nous a été soumis et aller à l’encontre des Irlandais sans que le traité de Lisbonne soit pour autant rouvert. Que l’UE ne soit pas dotée de compétences supplémentaires dans le domaine de la politique fiscale et que nous en restions dans ce domaine au principe de l’unanimité, est d’ores et déjà prévu par le traité de Lisbonne et a jusque là toujours été approuvé par le Luxembourg."
En ce qui concerne la situation économique, financière et sociale, le Conseil européen fera le bilan de l'efficacité des mesures prises jusqu'à présent en vue de promouvoir la stabilité financière, ainsi que sur les mesures prises pour soutenir l'économie réelle et l'emploi.
Parmi les questions économiques qui seront abordées par les chefs d’Etat et de gouvernement, figurent les déficits budgétaires dans un certain nombre de pays qui dépassent largement les critères de Maastricht et du pacte de stabilité. Les membres du Conseil européen chercheront à établir des règles contraignantes qui leur permettront de sortir de ces déficits en réduisant les frais courants des Etats.
Le Conseil prendra par ailleurs, suite au rapport du groupe d'experts conduit par Jacques de Larosière et aux propositions de la Commission de la fin mai 2009, les premières décisions sur le renforcement de la réglementation et la surveillance du secteur financier. Il marquera aussi son accord sur un programme de travail en vue de l'adoption rapide d'un certain nombre de propositions législatives dans ce domaine.
Un sujet sur lequel Jean-Claude Juncker entend aborder avec sérénité les discussions, car à ses yeux , "les propositions qui tendent à une superstructure européenne de surveillance des marchés financiers vont de toute façon dans la bonne direction".
Les débats s’annoncent cependant assez tendus sur cette question, en raison de la "résistance" de certains Etats, et en particulier du Royaume-Uni, à la proposition faite par la Commission au mois de mai 2009 de créer trois nouvelles autorités paneuropéennes chargées de la surveillance des banques, des assureurs et des marchés financiers. Le désaccord concerne la question de savoir si le nouvel organe de surveillance de la stabilité macroéconomique proposé sera dirigé par la Banque centrale européenne et s’il sera doté de compétences de supervision contraignantes par rapport aux agences de régulation nationales. Et la Commission devrait donc être invitée à tenir compte du document adopté par les ministres des Finances le 9 juin 2009, qui fait état des réserves britanniques.
Quant à la question du changement climatique et du développement durable, le Conseil européen a prévu notamment d’examiner les travaux préparatoires à la conférence de Copenhague sur le changement climatique qui se tiendra du 7 au 8 décembre 2009. Le principal sujet qui devrait être abordé concerne les mécanismes de financement, et ce notamment dans le cadre du soutien prévu aux pays en voie de développement pour leur adaptation au changement climatique.
Pour Jean-Claude Juncker, la préparation de la Conférence de Copenhague ne devrait pas faire l’objet de décisions significatives lors de ce sommet. C’est en effet à ses yeux le Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009, qui se tiendra donc à peine un peu plus d’un mois avant la Conférence de Copenhague, qui devrait être décisif.
Ce délai est loin de réjouir nombre d’ONG en Europe et au Luxembourg, comme en témoignent la lettre ouverte du collectif Votum Klima au Premier ministre, ou encore les déclarations de certains qui, à l’image du directeur du bureau européen du WWF, Tony Long, dénonce des discussions de "marchands de tapis" au cours desquelles "personne ne veut montrer ses cartes, et rien ne bouge".
Les chefs d’Etat et de gouvernement devraient aussi aborder la question de la nomination du futur président de la Commission européenne.
Les dirigeants de l'Union européenne devraient nommer lors du sommet José Manuel Barroso, seul candidat à ce jour, pour un second mandat à la tête de la Commission européenne. La plupart des dirigeants européens lui ont apporté publiquement leur soutien, qu'ils soient conservateurs comme le Finlandais Matti Vanhanen ou le Polonais Donald Tusk ou plus à gauche comme l'Espagnol José Luis Zapatero ou le Britannique Gordon Brown. La chancelière allemande Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy ont également assuré qu'ils soutiendraient José Manuel Barroso "sans ambiguïté".
Les dirigeants de l’UE pourraient alors demander au Parlement européen de se prononcer sur ce choix soit lors de sa session inaugurale en juillet, soit à l’issue des résultats du référendum en Irlande sur la ratification du traité de Lisbonne, qui pourrait être avancé au mois de septembre. En effet, ce n'est qu’à ce moment-là que l'Union européenne saura si ce traité, qui prévoit une réforme de la Commission, va entrer en vigueur.
La décision finale reste de toute façon aux mains du Parlement européen, à qui revient le choix d'entériner la reconduction de José Manuel Barroso. Même si le PPE soutient José Manuel Barroso, beaucoup d'eurodéputés, toutes tendances confondues, préféreraient attendre le référendum avant d’élire le nouveau président de la Commission européenne.
Robert Goebbels (PSE) a expliqué sur la chaîne de télévision RTL, le 17 juin 2009, que, dans ce contexte, José Manuel Barroso ferait mieux d’attendre jusqu’en automne, lorsque tout sera réglé. "S’il insiste, il aura peut-être une majorité, mais une très petite majorité, incluant des eurosceptiques et des fascistes". L’eurodéputé luxembourgeois doute que cela serait une grande aide pour José Manuel Barroso.
A l’instar de Daniel Cohn-Bendit, leader des Verts européens, l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes, interrogé lui aussi par RTL, s’est prononcé "contre une reconduction de José Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne, parce qu’il n’a rien fait pour une Europe plus sociale, ni dans le domaine de la politique environnementale". L’eurodéputé vert a ajouté que "José Manuel Barroso n’a pas non plus défendu le Luxembourg dans la discussion sur la place financière", et c’est pour ces raisons que "les Verts se mobilisent depuis quelques mois contre Monsieur Barroso". Selon Claude Turmes, il y a une majorité au Parlement européen qui serait favorable à un vote en fin d’année, une fois que le traité de Lisbonne sera en vigueur.
Jean–Claude Juncker a déclaré au Wort à cet égard que le PPE, qui a gagné les élections européennes du 7 juin 2009, a le droit de proposer son candidat à la présidence de la Commission européenne. "Le PPE s’est mis d’accord pour nommer José Manuel Barroso comme son candidat officiel", a-t-il souligné, "mais on va voir au cours du sommet s’il va être nommé juridiquement ou s’il va obtenir une nomination politique". Le Premier ministre a d’ailleurs tenu à souligner que les socialistes n’ont pas su trouver un accord sur leur candidat, à cause de divergences internes.
Au vu de la situation sur le marché du lait, des producteurs de lait de plusieurs pays avaient prévu de se rendre à Bruxelles en tracteur afin d’attirer l’attention sur les difficultés qu’ils rencontrent en raison des prix du lait très bas. En fin de compte, Angela Merkel et Jean-Claude Juncker ont réussi à ce que la question de la crise des marchés laitiers soit mise à l’ordre du jour du Conseil européen.
Juncker s’est déclaré "très sensible aux préoccupations des agriculteurs". Il voudrait que sur la question des quotas et des prix laitiers, une solution soit trouvée qui "tienne compte des intérêts des parties prenantes au niveau de toute l’UE". Pour lui, il n’est en tout cas pas question que "les gros se fichent des intérêts des petits".
Le 18 juin 2009, des centaines de tracteurs de producteurs de lait ont convergé vers Bruxelles, bloquant certaines grandes voies d’accès à la ville où se tiendra le Conseil européen. Fredy De Martines, dirigeant du LDB (Lëtzeburger Mëllechbaueren), qui a été à la tête de plusieurs manifestations au Luxembourg, espère que le Conseil européen trouvera un moyen de réduire les quotas et d’aller en direction d’un mécanisme de régulation de la production et donc des prix au niveau européen. Cela empêcherait les grands discounters de pouvoir profiter de la surproduction en Europe pour écraser les prix et détruire la rentabilité du travail des producteurs de lait. „Ce qui nous oppose au Ministère de l’Agriculture est sa façon d’aborder la question. A l’Agriculture, ils veulent surtout que nous augmentions la production au Luxembourg, où, il est vrai, elle est plus basse qu’ailleurs. Mais nous, nous voulons que soit abordée en premier lieu la question des prix. Et ces prix doivent être garantis dans toute l’UE, puisque les marchés sont ouverts et perméables. Pour la production, nous verrons en suite. Cela ne fait en tout cas pas de sens que tout un chacun fasse sa propre popotte en Europe.“