Dans le Tageblatt du 27 juin 2009, le ministre délégué aux Affaires étrangères, Nicolas Schmit, a fait avec le journaliste Guy Kemp le point sur la situation politique et institutionnelle dans l’Union européenne. Le référendum irlandais, les obstacles à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le manque d’enthousiasme pour la candidature de José Manuel Barroso à la présidence de la Commission européenne, l’emprise croissante du Conseil européen, instance intergouvernementale par excellence, sur le devenir de l’Union européenne, le nouveau commissaire européen luxembourgeois, autant de sujets que Nicolas Schmit aborde de front.
Le ministre délégué est d’avis que le deuxième référendum en Irlande sur le traité de Lisbonne aura une issue heureuse. Sachant que le premier a eu lieu avant la crise, le contexte de crise dans lequel se déroulera le référendum d’octobre 2009 devrait conduire les Irlandais à se souvenir cette fois-ci de l’importance de l’effet protecteur de l’Union européenne. Les garanties qui ont été concédées aux Irlandais lors du des Conseils européens de décembre 2008 et de juin 2009 ne changent rien au traité lui-même et répètent en partie des garanties déjà données lors du deuxième référendum sur le traité de Nice.
Reste qu’une issue positive au référendum irlandais ne conduira pas automatiquement à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Pour cela, il faudrait que tous les pays aient achevé leur processus de ratification. Nicolas Schmit cite les présidents polonais et tchèques qui n’ont pas encore signé, ajoutant que "nous savons que toutes les surprises sont possibles avec le président tchèque". Il ne cite pas l’Allemagne, où le président Köhler a dû surseoir à sa signature en attendant l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe qui devrait être rendu public le 30 juin 2009. Il ne pense en revanche pas que les conservateurs britanniques seront en mesure de remettre en cause, comme ils le préconisent, la ratification britannique. Mais si le traité devait ne pas encore être entré en vigueur avant les élections britanniques, "la situation pourrait devenir nettement plus critique". Même si Nicolas Schmit pense que les élections britanniques n’auront pas lieu avant la fin de l’année 2009, il est d’avis que "la victoire des conservateurs britanniques aux élections européennes et ce qui a été annoncé par eux n’augure rien de bon" pour le travail et la solidarité au sein de l’Union européenne.
Bien que les gouvernements des 27 Etats membres de l’Union européenne aient donné leur soutien à la candidature de José Manuel Barroso à la présidence de la Commission européenne, Nicolas Schmit pense qu’elle n’arrive à enthousiasmer personne. Mais en l’absence de toute autre candidature Barroso se verra confier selon toute probabilité un deuxième mandat. "Mais il ferait bien de donner plus de profil à ce deuxième mandat. La Commission souffre dramatiquement de son absence de profil. Pendant les derniers cinq ans, elle a mal exercé sa mission qui est, de par les traités européens, d’être la partie dynamique de l’UE et de recourir pleinement à ses pouvoirs d’initiative". Dans ce sens, Nicolas Schmit est d’accord avec le groupe socialiste au Parlement européen qui n’est pas prêt d’accepter la candidature de Barroso sans conditions. "Sa politique excessive de libéralisation n’a pas rendu l’UE plus populaire auprès des citoyens", ajoute Nicolas Schmit, qui est d’avis qu’il faut donner une nouvelle orientation au projet européen et accentuer sa dimension sociale.
Le fait que le dossier des producteurs de lait ait atterri sur la table de discussion entre les chefs d’Etat et de gouvernement au dernier Conseil européen a "donné l’impression que le Conseil est paralysé" et qu’il se heurte de surcroît à une Commission totalement inflexible dans ses positions radicalement libérales et insensible à la grave crise qui secoue le secteur laitier. Il n’est pas anormal pour Nicolas Schmit qu’en un tel cas, le Conseil européen serve d’instance d’appel, mais il n’empêche qu’une faiblesse croissante du Conseil entraîne une concentration du pouvoir au Conseil européen. La décision du Conseil européen de demander qu’une étude de marché soit faite rapidement aurait très bien pu être prise par le Conseil.
Qui sera le prochain commissaire luxembourgeois ? Réponse de Nicolas Schmit : "Je n’ai pas encore rien entendu d’une candidature formelle. Mais certaines personnes ont fait parler d’elles dans ce contexte. Je pense que tout cela sera aussi un élément des négociations sur la coalition qui sont en cours."