Principaux portails publics  |     | 

Emploi et politique sociale
Journées sociales du Luxembourg 2009 - Le député européen Elmar Brok et Jean-Claude Juncker ont parlé de la signification pour l’Europe et le monde de l’économie sociale de marché et de la doctrine sociale catholique
25-09-2009


La famille sociale-chrétienne dans le sens large du terme - représentants du CSV, du LCGB, de la Caritas et de l’Eglise catholique- se retrouve depuis quatre ans pour des Journées sociales du Luxembourg. Cette année, ce fut pour explorer les chances d’un nouvel ordre social en Europe. L’invité d’honneur de la journée introductive du 25 septembre 2009 fut l’eurodéputé allemand Elmar Brok, une des personnes les plus influentes du Parti Populaire Européen (PPE), qui développa longuement la relation entre les défis économiques et sociaux qui découlent de la crise actuelle, et la doctrine sociale catholique.

Le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker lui enfourcha le pas pour plaider en faveur d’un "revirement complet" en Europe et dans le monde. Juncker a exigé le retour normatif du politique et d’un capitalisme responsable, tout en déclarant que "l’économie sociale de marché reste un sujet d’avenir".

Le discours d’Elmar Brok : "Aucune logique des marchés mondiaux ne doit être entendue comme un appel à déconstruire les droits sociaux ou la dignité humaine"

Elmar BrokLa crise financière et économique globale et l’approche choisie par les dirigeants des grands pays à Pittsburgh montrent pour Elmar Brok avec évidence qu’aucune réponse aux nouveaux défis que le monde doit affronter ne peut être trouvée au niveau des Etats-nations. Ces défis sont aussi d’ordre éthique et touchent directement aux valeurs des sociétés touchées qui sont mis à l’épreuve pratique des nouveaux défis.

La prospérité de l’Europe, qui est due à l’ère industrielle n’est pas pour Elmar Brok une donnée telle quelle et éternelle. Pour assurer sa pérennité, il incombe à l’Etat de poser des limites à l’avidité et à la déraison économique. Il y a un ordre des valeurs en Europe, et une des premières de ces valeurs est la responsabilité que chacun porte pour soi-même. Une autre de ces valeurs est la protection les personnes contre les discriminations. Et ces valeurs sont avant tout à mettre en relation avec l’économie sociale de marché. Car pour Elmar Brok, aucune logique des marchés mondiaux ne doit être entendue comme une incitation à déconstruire les droits sociaux ou la dignité humaine. Et une réforme des systèmes des pensions ne veut en rien dire qu’il faut les démanteler.

La responsabilité pour soi-même implique pour Elmar Brok que chaque personne peut aussi être appelé à répondre de ses actes et qu’elle peut être mesurée à l’aune d’une éthique et de certaines règles communes. L’Etat est ici appelé à être vigilant, mais pas seulement l’Etat. Des règles communes pour le fonctionnement de l’ordre social doivent être trouvées au niveau de l’Union européenne, mais pas seulement. Il faut des solutions globales.

Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la clause sociale poussera, ainsi l’espère Elmar Brok, les sociétés européennes à discuter de la compatibilité sociale des nouveaux projets de directive européenne. L’introduction progressive de standards sociaux minimaux communs conduira progressivement à la disparition des pays à bas salaires. Comme les chrétiens-sociaux luxembourgeois, Elmar Brok s’est prononcé en faveur de l’introduction d’un salaire minimum en Europe, qui en aurait besoin comme élément stabilisateur et ce qui renforcerait le modèle social européen. Ce modèle social, qui reconnaît aussi bien la performance et la concurrence que la solidarité, et où l’Etat entretient une relation particulière avec sa population, a réussi à se manifester dans la position commune de l’UE à Pittsburgh. Encore faudrait-il que maintenant, les décisions du G20 soient suivies d’actes, si l’économie financière ne veut retourner aux règles du casino.

Elmar Brok est ensuite passé à la question de la relation entre la doctrine sociale catholique et les valeurs de l’UE. La dignité et la responsabilité, la liberté et le regard sur l’ensemble sont pour lui tant au centre de la doctrine sociale catholique que des textes constitutifs de l’UE, comme la Charte des droits fondamentaux, qui contient vingt droits sociaux. "Contrairement au concept socialiste de solidarité qui exige que l’Etat s’occupe de tout et n’exige pas assez de participation de la part de l’individu", Elmar Brok plaide pour un concept de solidarité qui place la personne au centre par le regard qu’elle porte sur les autres.

Cette approche, a précisé l’orateur, ne présuppose pas des réponses déjà connues d’avance aux problèmes posés, mais de nouvelles solutions. Cet état d’esprit devrait prendre plus d’importance dans le débat à l’intérieur de l’UE, mais aussi dans les idées que l’UE porte dans les enceintes globales. Car, a-t-il rappelé, même si les citoyens de l’UE ne représentent que 8 % de la population mondiale, et que leur part va en diminuant, l’économie de l’UE représente 31 % du PIB global, et 25 % du commerce et de l’industrie du monde, et "cette importance-là devrait être monnayée en discours politique", c’est-à-dire transformée en règles commerciales, en droits de propriété intellectuelle et en règles écologiques.

C’est avec sa logique d’économie sociale de marché que l’UE contribuera selon Elmar Brok à l’émergence de conditions de vie comparables dans le monde et à la réduction des inégalités, contre les effets migratoires de laquelle la meilleure Frontex ne pourra jamais rien.

Le débat entre Elmar Brok et de jeunes lycéens luxembourgeois

Elmar Brok entama ensuite un débat avec des élèves du Lycée Aline Mayrisch. La souffrance sociale des jeunes Elmar Brok avec les élèves du Lycée Aline-Mayrischqui, sous le coup de la crise, voient leurs projets d’études compromis, l’aveuglement de la classe politique devant la dureté des effets de la crise, les risques que la crise passe sans que le système financier ne soit réformé, le pessimisme d’elmaar Brok à l’encontre d’une possible issue positive de la conférence de Copenhague sur le changement climatique, le soutien de l’UE aux pays en voie de développement touchés par le changement climatique, la peur de perdre ou de ne pas trouver un emploi, les limites de la politique dans la création d’emplois, les obligations sociales des entreprises, la nécessité de rémunérer les managers sur le long et non sur le court terme en fonction des résultats qu’ils obtiennent, la signification de la lettre C comme "chrétien" dans les sigles des partis CSV ou CDU, toutes ces questions reçurent des réponses franches, factuelles, compréhensibles. Du moins c’est ainsi que les jeunes les jugèrent, même si toutes les réponses ne leur ont pas plu.

Le discours de Jean-Claude Juncker : Un salaire minimum dans tous les pays de l’UE qui permette aux travailleurs de vivre dignement par leur travail

Le Premier ministre Jean-Claude Juncker, appelé à dire le dernier mot de la soirée, posa la question s’il fallait un Jean-Claude Junckernouvel ordre social et si l’ancien n’existait plus. Pour lui, la démocratie chrétienne européenne a très vite compris que l’Europe avait certes un modèle social, mais que celui-ci n’était pas seulement d’inspiration européenne, mais était tributaire de la doctrine sociale catholique. Le corpus de textes qui contient cette doctrine est l’ensemble des encycliques papales à sujet social, par définition universelles, qui ont été publiées depuis plus d’une centaine d’années.

Cette doctrine, de laquelle Juncker s’est revendiqué avec emphase, ne se base pas sur l’opposition entre capital et travail, mais sur leur coopération, et non plus sur la lutte des classes, mais sur la solidarité sociale. Mais, a-t-il concédé, "cette façon de voir les choses à été pervertie de manière rampante" par l’emphase mise sur l’idée de liberté économique, de sorte que l’Europe est passée du capitalisme rhénan à l’hyper-capitalisme. Que cela ne peut pas marcher, la crise l’a prouvé suffisamment selon Juncker qui croit que l’efficience de l’économie de marché ne peut aller de pair qu’avec la solidarité sociale.

C’est un "revirement complet" dont l’ordre social a besoin selon le Premier ministre luxembourgeois. Cet ordre passe par la régulation économique des excès des marchés, ainsi que par un socle commun européen de normes sociales. Un salaire minimum dans tous les pays de l’UE qui permette aux travailleurs de vivre dignement par leur travail est une condition sine qua non. Les bonus doivent être régulés, adaptés aux performances et leur ampleur définie sur le long terme. La politique doit intervenir de manière normative. En fait, l’économie sociale de marché reste un sujet d’avenir et l’argent n’est pas tout. Bref, "si la doctrine sociale catholique était appliquée, le monde se porterait mieux", a conclu Juncker en rappelant que "catholique", cela veut dire "universel".