La nouvelle grippe était au centre du débat à la Maison de l’Europe, le 23 septembre 2009, dans le cadre des "Midis de l’Europe", organisés par le Bureau d'information du Parlement européen à Luxembourg, la Représentation de la Commission européenne au Luxembourg, le Mouvement Européen Luxembourg et le Centre européen des consommateurs (CEC).
Antoon Gijsens et Nabil Safrany de la Direction générale de la Santé et des Consommateurs de la Commission européenne et le docteur Robert Goerens, médecin-chef du service de la Médecine du travail auprès du Ministère de la Santé, étaient ainsi invités à intervenir notamment au sujet de l'éventualité d'une épidémie de grippe ou du caractère obligatoire du vaccin. "Y en aura-t-il pour tout le monde ?", "Comment se fera-t-on vacciner?", "Y aura-t-il une mutation du virus ?", telles étaient les questions auxquelles les experts ont essayé d’apporter des éléments de réponses.
En guise d’introduction, Nabil Safrany a fait le récapitulatif de la "grippe pandémique (H1N1) 2009", comme on appelle la nouvelle grippe à la Commission européenne. Le 22 septembre 2009, on comptait 52 929 personnes dans 31 pays (l’Union européenne, les pays de l’AELE et de l’EEE) à avoir contracté le virus de la nouvelle grippe.159 de décès liés à la grippe ont été rapportés.
"Il s’agit donc d’un problème global, même si la majorité des cas sont bénins", a expliqué Nabil Safrany en ajoutant que la majorité des personnes décédées suite à la contraction de la grippe étaient à l’origine souffrantes de problèmes de santé chroniques. "Le taux de mortalité est d’ailleurs similaire à celui de la grippe saisonnière normale", a-t-il tenu à souligner tout en précisant que les pays qui comptent le plus grand nombre de personnes infectées sont le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne et la France.
Nabil Safrany a ensuite abordé les mesures prises par la Commission européenne, qui avait déjà mis en service en 1999 un réseau communautaire de surveillance des maladies transmissibles. Une cellule de gestion des urgences sanitaires de la Commission fonctionne depuis avril 2009. Sa mission est la planification de la préparation à la pandémie grippale, l’évaluation de la situation 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, ainsi que la coordination de la réponse européenne à la grippe. Elle se réunit régulièrement avec des points de contact nationaux, assure la surveillance des cas de contamination, gère les traitements en cas d’infection, coordonne l’information du public et soutient la mise au point d’un vaccin.
Le 15 septembre 2009, la Commission européenne a adopté un document de stratégie contre la grippe, dans lequel elle met en avant une étroite coordination entre les États membres de l’UE dans tous les domaines concernés par la pandémie. Ce document indique les principaux axes stratégiques qui permettront de renforcer la coordination et l’aide aux États membres connaissant une situation plus difficile. Pour la Commission, la vaccination demeure l’un des moyens les plus efficaces pour prévenir la propagation de la pandémie, c’est pourquoi elle s’engage pour la mise au point d’un vaccin, ainsi que pour l’aide à apporter aux États membres pour l’acquisition de vaccins. D’autres priorités sont les stratégies de vaccination, l’achat de vaccins en commun, l’information du public et l’aide aux pays tiers. La stratégie de l’UE sur la grippe constitue la base des discussions de la réunion extraordinaire des ministres de la Santé de l’Union européenne qui se tiendra le 12 octobre 2009.
Le docteur Robert Goerens du Ministère de la Santé s’est ensuite penché sur les mesures prises par le gouvernement luxembourgeois dans la lutte contre la nouvelle grippe. Il a expliqué que le Luxembourg compte actuellement 190 personnes ayant contracté la nouvelle grippe. Une personne, qui souffrait à l’origine de maladies chroniques, est récemment décédée. Robert Goerens a tenu à souligner qu’au Luxembourg, très peu de personnes ont été hospitalisées et que la grande majorité des personnes infectées ont été isolées et traitées à domicile. "Les antiviraux sont réservés aux personnes à risque, parmi lesquelles se trouvent les femmes enceintes, les enfants en-dessous de 2 ans et les patients ayant des pathologies chroniques graves dont notamment des maladies respiratoires ou cardiaques, des maladies rénales ou hépatiques, un déficit immunitaire, des maladies neurologiques ou musculaires ou tout autre condition affectant l’immunité ou la fonction respiratoire, comme l’obésité morbide", a souligné le médecin.
Pendant la campagne de sensibilisation du gouvernement, des affiches sont distribuées à grande échelle, ainsi que des dépliants "Comment se protéger et se comporter en cas de maladie ?". En parallèle, des spots sont diffusés à la radio et à la télé, des annonces sont publiées dans la presse écrite, des actions sont menées dans les établissements scolaires, et le site internet www.grippe.lu a été mis en place.
Robert Goerens a également abordé les mesures non pharmaceutiques, l’organisation du système de santé et la prise en charge hospitalière telles que prévues par le plan d’urgence pandémie grippe. Selon ce plan, 56 % des 9 956 professionnels de la santé résident au Luxembourg. 1 883 personnes qui travaillent dans ce secteur au Luxembourg, résident donc en France, 1 025 en Belgique et 1 487 en Allemagne, ce qui pourrait causer des problèmes en cas de fermeture des frontières due à la grippe. "En cas d’urgence pandémie grippe, le Luxembourg dispose de 14 centres de traitement répartis selon la densité de la population qui sont en charge des visites à domicile, des consultations, de la remise des antiviraux et des masques et des vaccinations", a expliqué Robert Goerens.
En ce qui concerne les vaccinations, le médecin a expliqué qu’elles sont destinées à endiguer la propagation du virus, à protéger la population par une immunité préventive et donc la réduction de la mortalité, et à limiter l’impact de la pandémie sur l’activité économique et sociale du pays. La vaccination proposée à l’ensemble de la population est facultative et gratuite, et une vingtaine de laboratoires travaillent actuellement sur sa production. Ils font des essais cliniques sur son efficacité et sa bonne tolérance selon les différentes catégories de la population. "Une à deux injections sont à prévoir", a expliqué Robert Goerens, "et le Luxembourg a commandé 700 000 doses dont la livraison est prévue en automne 2009". Le vaccin est d’ailleurs soumis à l’autorisation de la mise sur le marché par l’agence européenne des médicaments (EMEA), qu’elle donne en fonction de l’innocuité, de la sécurité et de l’efficacité du produit. Cette autorisation vaut pour les 27 Etats membres de l’Union européenne.
Le 25 août 2009, des experts des 27 Etats membres de l’Union européenne ont fait une recommandation de vaccinations aux personnes à risque ainsi qu’au personnel médical, mais la stratégie de vaccination finale incombe à chaque pays. Et Robert Goerens de conclure : "Une fois que le vaccin sera disponible, le gouvernement luxembourgeois mettra en place un système permettant de vacciner rapidement et efficacement sans mettre en péril le système médical existant".
Interrogé sur la dénomination "grippe porcine", Nabil Safrany a expliqué que cette appellation "n’est pas adéquate parce qu’il y a en effet une combinaison de différentes souches". Selon l’expert de la Commission européenne, il n’y a d’ailleurs "aucun danger de manger du porc s’il est bien préparé".
En réponse à une question sur l’interaction entre le vaccin contre la nouvelle grippe et le vaccin contre la grippe saisonnière, le docteur Robert Goerens a expliqué que les médecins continuent à recommander la vaccination contre la grippe saisonnière aux personnes à risque parce que, "au niveau mondial, le taux de mortalité de celle-ci s’élève de 500 000 à 1 million de personnes par an". Cependant, les deux vaccinations ne peuvent pas être faites en même temps, mais il faut attendre environ 3 semaines entre les deux vaccinations. "En ce qui concerne les effets secondaires du vaccin de la nouvelle grippe, les essais cliniques sont en cours, et si le vaccin n’est pas sûr, il ne va pas être mis sur le marché. Cela compte aussi pour les vaccinations des femmes enceintes, qui font partie des personnes à risque", a estimé le docteur Goerens.
Abordant la possibilité de l’émergence d’une sorte de tourisme de vaccination, Antoon Gijsens de la DG Santé a expliqué que la Commission avait adressé un questionnaire aux Etats membres pour demander s’ils voulaient donner des vaccins aux personnes non-résidentes dans leur pays. La grande majorité des Etats membres avaient déclaré qu’ils avaient l’intention de réserver leurs vaccins à leurs habitants.
Tout en soulignant qu’il ne faut pas paniquer mais qu’il ne faut pas non plus sous-estimer la nouvelle grippe, Frank Goetz, journaliste de RTL et modérateur de la conférence, s’est ensuite interrogé sur la mutation du virus. Nabil Safrany a su calmer les esprits en expliquant que, selon un rapport récent de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le virus n’a pas muté. "Mais personne ne peut prédire ce qui va se passer et cela dépend en effet de nombreux facteurs", a-t-il souligné.
Le docteur Goerens a aussi tenu à souligner que les antiviraux sont destinés aux personnes qui sont vraiment malades, et qu’il ne faut donc pas les prendre de façon préventive. En guise de conclusion, il a abordé le fait que beaucoup de jeunes personnes attrapent la nouvelle grippe. En effet, a-t-il expliqué, les personnes nées avant 1957 sont souvent immunisées parce que le virus de la grippe espagnole – qui faisait aussi partie de la famille (H1N1) - circulait jusqu’en 1957.