Le Deutschlandfunk a mené le 12 novembre 2009 une interview avec le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, Jean Asselborn, sur la question des postes de Président du Conseil européen et de Haut représentant pour la politique étrangère qui sont à pourvoir dans l’UE du Traité de Lisbonne qui entrera en vigueur le 1er décembre 2009.
Pour Jean Asselborn, Jean-Claude Juncker, qui est pour lui toujours en course, présente trois avantages pour devenir président du Conseil européen : "Il connaît mieux que quiconque les arcanes de l’UE, il pense en Européen et il agit comme Européen." Pour Asselborn, l’Europe a moins besoin d’un "phare" que d’un "forgeron", moins de quelqu’un qui brille que de quelqu’un qui sait souder des blocs. Car les phares qui brillent sont pour lui foule en Europe. Les forgerons, aguerris à frapper l’enclume, à souder et à produire des formes nouvelles dans les ateliers de l’Europe, sont par contre rares, surtout quand il faut être inventif dans les domaines financier, économique et social.
Le ministre rappelle que ce sont les pays du Benelux qui ont été les seuls à présenter un papier qui essaie d’esquisser le nouveau mode de fonctionnement de l’UE sous le traité de Lisbonne et le profil du président du Conseil européen. Selon ce papier, ce dernier devrait moins briller que coordonner l’UE de l’intérieur, qui misera sur la solidarité entre les Etats membres, sur des positions communes, sur la participation de tous. Bref, si l’on parlait plus du profil du futur président, ce serait plus facile d’avoir des noms sur les lèvres.
Reste de toute façon selon Jean Asselborn la question si l’UE va être mise sur le rail intergouvernemental, ce qui veut dire que le Président du Conseil européen deviendra le contrepoids, voire l’adversaire du Président de la Commission, ou bien misera-t-on sur la méthode communautaire, ce qui aura pour conséquence que la Commission restera l’organe central de l’UE, dans la mesure où elle est responsable de la défense de l’intérêt de l’UE et non de ceux des Etats membres individuels. C’est pourquoi Jean Asselborn préférerait que le premier président du Conseil européen soit issu d’un petit Etat membre. Un premier président issu d’un grand Etat membre pencherait selon lui plutôt vers l’intergouvernemental. Et puis, rappelle-t-il, le président du Conseil européen n’est pas le président de l’UE.
Réitérant sa position hostile à un Tony Blair à la tête du Conseil européen qu'il avait prise le lendemain du deuxième référendum irlandais, Jean Asselborn a expliqué que ce dernier "n’a pas toujours été un forgeron, n’a pas toujours soudé". Et il a commis "une erreur capitale", de sorte que le lien entre lui et la guerre en Irak et le président Bush restera et "ne pourra pas être écarté d’un souffle, même pas par la génération à venir". Bref, ce n’est pas avec lui et "ce passé-là" que l’UE pourra prendre "un nouveau départ".
A cette question, Jean Asselborn avait sa réponse toute personnelle, et sans vouloir interférer avec les travaux de la Présidence suédoise qui peine à déblayer le terrain. Le candidat idéal pour le poste de Haut représentant aurait été pour Asselborn son ami et ancien chef de la diplomatie allemande Frank-Walter Steinmeier, un social-démocrate comme lui, mais surtout "le représentant du plus grand Etat membre de l’UE, un homme qui a toujours su comment construire sur l’amitié avec les USA, comment s’ouvrir à la Russie et qui a surtout toujours compété jusqu’à 27, et non pas jusqu’à 3 ou à 6, avant de prendre une position. Mais l’Allemagne en a décidé autrement", conclut Asselborn, en faisant allusion à la nomination du ministre-président du Bade-Wurtemberg Oettinger comme commissaire à Bruxelles et en insistant sur le fait que cette nomination est une affaire allemande dont il ne voudrait pas se mêler.
Quant à la candidature en discussion de Massimo d’Alema, ancien premier ministre et ministre des Affaires étrangères italien, Jean Asselborn souligne son excellence et s’inscrit contre les reproches qui lui sont adressés pour avoir fait partie du Parti communiste italien, ce partie n’ayant pas été un fidèle suppôt de la politique soviétique.