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Environnement
Conférence sur le changement climatique : échos luxembourgeois de négociations qui battent leur plein à Copenhague
15-12-2009


Conférence de CopenhagueAlors que les négociations battent leur plein à Copenhague, la lutte contre le changement climatique est omniprésente dans l’espace public luxembourgeois. A la Chambre des députés, le Premier ministre a expliqué le 15 décembre 2009 au député Lucien Lux quelle était la stratégie défendue par l’UE à la Conférence sur le changement climatique. Le même jour, juste avant son retour de Copenhague, où il était présent avec une délégation des Verts, l’eurodéputé Claude Turmes a fait part de ses commentaires au journaliste du Wort Marc Schlammes tandis que sa délégation appelait, dans un communiqué, le gouvernement luxembourgeois à ne pas faire le jeu de la Pologne en acceptant que le "hot air" soit pris en compte dans les 30 % de réduction des émissions. Astrid Lulling, qui siège à Strasbourg où se tient cette semaine une session plénière du Parlement européen, a déclaré pour sa part au journaliste Jakub Adamowicz, du Wort, que l’UE ne doit pas "se laisser prendre en otage dans les négociations pour devoir payer ensuite le prix de sa rançon par le sacrifice d’une grande partie de son économie". C'est à Strasbourg aussi que l'eurodéputé Charles Goerens, qui juge la conférence de Copenhague "décisive pour l’avenir de l’humanité", a demandé des précisions sur le caractère additionnel de l’aide rapide de 7,2 milliards d’euros décidée par le Conseil européen. Enfin, l’ASTI avait appelé, dans un communiqué daté du 14 décembre 2009, à ne pas oublier les réfugiés climatiques dans les négociations.

Luxembourg : Le Premier ministre Jean-Claude Juncker explique devant la Chambre la stratégie de l’UE à Copenhague où il se rendra le 17 décembre 2009

Le 15 décembre 2009, lors d’une heure de questions au gouvernement, le député Lucien Lux (LSAP) s’interrogeait sur le rôle et la stratégie de l’Union européenne pour trouver un accord contraignant à la Conférence de Copenhague sur le changement climatique.

Dans sa réponse, le Premier ministre Jean-Claude Juncker, qui se déplacera le 17 décembre à Copenhague, a Jean-Claude Junckerexpliqué que "le gouvernement luxembourgeois et l’UE s’engagent pour aboutir à un accord contraignant qui permette d'éviter un réchauffement climatique dépassant de 2° C la température moyenne à l'époque préindustrielle", un objectif qui a d’ailleurs "été défini pour la première fois en 2005 sous la Présidence luxembourgeoise de l’UE dans le cadre de la révision de la stratégie de Lisbonne".

Jean-Claude Juncker a également rappelé que l'UE s'est fixé l’objectif de réduction des gaz à effet de serre de 20 % d'ici 2020 (30 % en cas d'accord) par rapport à celle de 1990. Mais il pense que les dirigeants de l'UE, qui se rencontrent dans la nuit du 17 au 18 décembre, devraient annoncer unilatéralement un objectif de réduction de 30 % dans l’espoir de donner un nouvel élan aux négociations et, surtout, d'inviter la Chine et les Etats-Unis à suivre cet exemple dont il a jugé les contributions actuelles "insuffisantes". Le Premier ministre pense que si cette manœuvre ne réussit pas, l’UE peut toujours revenir sur son objectif initial de 20 %.

"La catastrophe climatique est inscrite de manière immuable dans l'histoire de l'humanité et si nous ne faisons rien, nous laisserons aux générations futures un monde ingérable", a encore souligné Jean-Claude Juncker, d'où l'importance d'aboutir à un accord, "malgré la crise économique ou plutôt à cause de la crise économique" et malgré les conséquences que cela peut avoir pour le Grand-Duché.

Le Premier ministre a par ailleurs exprimé son incompréhension face à certaines "forces obscures" qui se manifestent ces derniers temps contre le catastrophisme climatique. Il a déclaré que, si les scientifiques et les hommes politiques tendent certes à exagérer, "la moitié de ce que les chercheurs climatiques nous racontent serait déjà une raison suffisante pour agir". 

Jean-Claude Juncker a par ailleurs expliqué que l'UE mettra à disposition 7,2 milliards d'euros d'ici 2012 pour l'aide accordée aux pays pauvres, auxquels le Luxembourg participera à hauteur de 9 millions d'euros. Et de conclure que s'il se déplacera à Copenhague c'est surtout pour éviter qu'il ne se crée un fossé politique entre "le monde en voie de développement et l’Europe".

Copenhague : Claude Turmes et la délégation des Gréng appellent le Luxembourg à ne pas faire le jeu de la Pologne en acceptant que le "hot air" soit pris en compte dans les 30 % de réduction des émissions

De son côté, l’eurodéputé vert Claude Turmes, s’il ne compte pas parmi la délégation officielle du Parlement européen présidée par Jo Leinen, a suivi ces derniers jours de près les négociations puisqu’il se trouvait à Copenhague du 12 au 15 décembre 2009. Et c’est donc de la capitale danoise qu’il a pu faire part de ses commentaires au journaliste du Wort Marc Schlammes.

Claude Turmes sur le live blog des Verts sur la Conférence de CopenhaguePour Claude Turmes, les pays en voie de développement ont commis un "geste de désespoir" en quittant lundi 14 décembre brièvement la table des négociations. Une preuve que leurs revendications sont sérieuses car ils craignent d’avoir à payer ensuite le prix d’un accord faible comme l’explique Claude Turmes. Quant à l’UE, dont les chefs d’Etat et de gouvernement se sont mis d’accord le 11 décembre sur l’octroi d’une aide rapide de 7,2 milliards d’euros, elle reste, selon Claude Turmes, en dessous de ses possibilités. Car au-delà de 2012, on ne sait toujours pas à quoi ressemblera l’aide climatique de l’UE. En effet, si les 27 avaient convenu d’une aide de 100 milliards d’euros d’ici 2020 lors du Conseil européen d’octobre 2009, Claude Turmes rappelle que "l’UE n’a pas encore de position pour ce qui est de la répartition de cette somme".

Un autre point sur lequel l’eurodéputé vert fait part de son scepticisme, c’est la question de ce qu’on appelle le "hot air", un terme qui désigne les réserves d’émission dont disposent certains pays, notamment parmi les nouveaux Etats membres de l’UE, du fait du fort ralentissement de leurs économies - et non à cause de mesures de réduction des émissions. Ces pays pourraient ainsi disposer de fortes quantités de crédits de réduction d’émission à vendre à un prix très bas. Et ce commerce là, qui n’aurait aucun effet réel en matière de réduction d’émission de CO2, n’est pas au goût de Claude Turmes.

L’eurodéputé ne comprend d’ailleurs pas que le Grand Duché veuille participer à ce commerce. Il critique ainsi le fait qu’on défende une baisse de 30 % des émissions alors qu’on entend le faire en acquérant cet "hot air", un raisonnement qu’il attribue à la pression de la Fedil. Pour Claude Turmes, l’hot air, qui représente 8 % des émissions de l’UE, ne saurait être considéré comme un instrument de la politique climatique, mais plutôt comme "une astuce de prestidigitateur".

La délégation des Gréng avec laquelle est parti Claude Turmes à Copenhague a d’ailleurs appelé le Luxembourg à ne pas faire le jeu de la Pologne sur cette question. Dans un communiqué daté du 15 décembre 2009, Camille Gira, Claude Turmes, Nuria Garcia, Jan Guth et Phillippe Schockweiler expliquent que le Luxembourg compte, avec la Pologne et l’Italie, parmi les pays qui empêchent l’UE de s’engager dans une position forte.

Selon les membres de la délégation, le Luxembourg soutiendrait en effet la Pologne dans sa volonté d’inclure dans l’accord les fameux 8 % de "hot air", ce qui ferait que l’objectif d’une réduction de 30 % proposé, sous condition, par l’UE, ne reviendrait finalement qu’à 22 % de réduction réelle des émissions. Et pour les Verts, c’est là une réduction bien insuffisante. Cela n’aurait qui plus est pas d’effet incitatif sur les politiques industrielles.

Le gouvernement luxembourgeois est donc prié par les Verts de mettre fin à sa "position de blocage" au sein de l’UE en rejoignant les rangs des Etats membres de l’UE qui s’engagent, comme l’Allemagne ou le Danemark, pour un accord climatique concret et efficace.

Strasbourg : Astrid Lulling estime que l’UE ne doit pas "se laisser prendre en otage dans les négociations pour devoir payer ensuite le prix de sa rançon par le sacrifice d’une grande partie de son économie"

C’est depuis Strasbourg, où le Parlement européen est réuni en plénière que l’eurodéputée Astrid Lulling a quant à elle accordé un entretien au journaliste Jakub Adamowicz. Dans cet article paru dans le Wort du 16 décembre 2009, Astrid Lulling se réjouit du fait que les chefs d’Etat et de gouvernement n’aient pas décidé, lors du Conseil européen des 10 et 11 décembre 2009, de réduire les émissions de l’UE de 30 % d’ici à 2020. Cette décision de maintenir l’objectif de réduction à 20 %, l’eurodéputée luxembourgeoise l’attribue à "la clairvoyance de la chancelière allemande Angela Merkel et du Premier ministre polonais Donald Tusk".

Astrid Lulling explique sa réaction par le fait que "l’objectif de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 donne déjà du fil à retordre au Luxembourg". Et elle ajoute que "20 % d’émissions en moins de la part de l’UE, cela ne fait que 2 % des émissions globales".

Si Astrid Lulling est "fière que l’UE ait été jusqu’ici la seule partie à s’être lancée dans les négociations de Copenhague avec pour objectif un accord contraignant", elle appelle les 27 à ne pas "se laisser prendre en otage dans les négociations pour devoir payer ensuite le prix de leur rançon par le sacrifice d’une grande partie de leur économie". Et de citer pour exemple la rude concurrence à laquelle se livrent d’ores et déjà la Chine et l’UE pour ce qui est de la production de cellules solaires.

Pour Astrid Lulling, l’enjeu de Copenhague, c’est que les pays en voie de développement acceptent des objectifs d’émission contraignants et acceptables. Car si l’UE devait encore se fixer unilatéralement des objectifs encore plus ambitieux, ce serait aux yeux de l’eurodéputé comme "sauter dans le vide en espérant que quelqu’un vous rattrape". Cela aurait pour conséquence, selon elle, la perte d’innombrables emplois dans l’UE et la délocalisation dans des pays tiers des industries les plus gourmandes en énergie.

Strasbourg : Charles Goerens, qui juge la conférence de Copenhague "décisive pour l’avenir de l’humanité", veut des précisions sur le caractère additionnel de l’aide rapide de 7,2 milliards d’euros

L’eurodéputé Charles Goerens s’est pour sa part exprimé à Strasbourg en séance plénière le 16 décembre 2009 au sujet de l’aide rapide sur laquelle se sont mis d’accord les chefs d’Etat et de Gouvernement le 11 décembre 2009. S’il salue cette décision, Charles Goerens tient cependant à préciser que ces 7,2 milliards d’euros sur 3 ans devraient "constituer de l'argent additionnel par rapport à l'aide au développement que l'UE s'est engagée à porter à 0,7% du revenu national brut d'ici l'an 2015".

"Pourquoi ?", a lancé l’eurodéputé libéral, en poursuivant, "admettons que les 7,2 milliards émanent de l'enveloppe d'ores et déjà allouée au titre d'aide publique au développement, c'est autant d'argent qui manquera à financer les Objectifs du Millénaire pour le Développement". Pour Charles Goerens, "cela reviendrait à déshabiller Pierre pour habiller Paul".

Charles Goerens attend donc des "précisions du Conseil européen et de la Commission à ce propos". Car "toute ambiguïté sur le caractère additionnel du montant annoncé par le Conseil européen des 10 et 11 décembre serait de nature à entamer la crédibilité de l'UE dans le cadre de la conférence de Copenhague". Et Charles Goerens n’a pas hésité à qualifier cette conférence de "décisive pour l'avenir de l'humanité".

Luxembourg : l’ASTI appelle à ne pas oublier les réfugiés climatiques dans les négociations

Et c’est finalement depuis Luxembourg que l’ASTI a lancé, dans un communique daté du 14 décembre 2009, un appel à ne pas oublier les réfugiés climatiques dans les négociations qui sont menées à Copenhague.

L’association explique notamment qu’il ne faut pas "perdre de vue que le changement climatique induit d'ores et déjà des luttes, des guerres et produit de nouvelles migrations, des réfugiés climatiques. Ne pas agir contre le changement climatique revient à entraîner la construction de nouvelles forteresses. L'Union européenne est perçue par les ressortissants de pays tiers comme une forteresse, y aura-t-il d'autres forteresses augmentant le clivage entre riches et pauvres?  La clôture de la conférence coïncidera le 18 décembre avec la journée internationale des migrants et de leurs familles."

Dans ce contexte, l'ASTI tient à souligner "ce volet dans le débat actuel sur le climat : les réfugiés climatiques souffrent d'ores et déjà - et demain en plus grand nombre encore - des effets d'une politique privilégiant le profit au détriment des hommes". L'association se demandent quelle réponse auront les pays développés "qui sont essentiellement à l'origine des dégâts écologiques" : "de nouvelles frontières ou de nouvelles solidarités ?"