Le 30 novembre 2009, à l’occasion du Conseil JAI, Jean-Marie Halsdorf, le ministre de l’Intérieur et à la Grande Région, a approuvé un accord intérimaire avec les États-Unis sur le traitement et le transfert de données de messagerie financière aux fins du programme de surveillance du financement du terrorisme. Cet accord signé au nom de l’UE prévoit, à des fins de lutte contre le terrorisme, l’accès des autorités américaines aux données de la base SWIFT dans le cas de transferts d’argent entre l’UE et les pays tiers.
Cet "accord SWIFT" soulève depuis plusieurs mois de nombreux désaccords, comme en ont témoigné la polémique qui a suivi la décision du CAGRE du 23 juillet 2009 ou encore la question parlementaire que le député Claude Meisch (DP) avait adressée au ministre des Affaires étrangères le 30 juillet 2009. Le DP et les jeunes démocrates avaient d’ailleurs réagi sans tarder à cette décision du Conseil JAI.
Alors que se préfigurait la signature de ce projet d’accord, le député Gilles Roth (CSV), adressait dès le 12 novembre 2009 une question parlementaire au ministre de la Justice au sujet d’un projet d'accord avec les Etats-Unis "permettant aux autorités américaines un accès quasi illimité aux virements bancaires nationaux et transfrontaliers effectués à l'intérieur de l'UE afin de prévenir et de combattre le terrorisme et son financement". Le sujet était déjà à l’ordre du jour du Conseil JAI des 30 novembre et 1er décembre 2009, et le député soulignait que l’accord serait probablement adopté "avant l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne".
Gilles Roth voulait donc avoir confirmation de ces informations, savoir ce que disait, "en l’état", ce qui était alors encore un projet d’accord, et enfin connaître la position du gouvernement par rapport à ce projet d’accord.
Le député Xavier Bettel (DP) a pour sa part adressé le jour même de l’adoption de l’accord, le 30 novembre 2009, une question parlementaire qu’il a adressée au ministre de l’Intérieur qui représentait le Luxembourg au Conseil JAI. Le député libéral souhaitait tout d’abord savoir si le Luxembourg avait voté en faveur de l'accord. Dans l’affirmative, le député libéral demandait à ce que le ministre lui précise "si la position du Gouvernement était conforme à la législation financière du Luxembourg, notamment en matière de secret bancaire" et il souhaitait être "renseigné sur les effets de cet accord sur le secret bancaire luxembourgeois". Enfin, Xavier Bettel voulait connaître "les raisons qui ont amené les ministres de l'Intérieur à prendre cette décision au lendemain de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne et en contournant ainsi le Parlement européen, qui s'était opposé à un tel accord dans le passé".
Les ministres de la Justice et de l’Intérieur, François Biltgen et Jean-Marie Halsdorf, ont adressé aux deux députés une réponse commune datée du 8 décembre 2009, dans laquelle ils font tout d’abord référence à la réponse apportée par les ministres des Affaires étrangères et des Finances en septembre 2009 à la question parlementaire du député Claude Meisch.
A cet égard, ils tiennent à rappeler que "l'accord négocié entre l'Union européenne et les Etats-Unis d'Amérique ne vise ni à mettre en place un programme nouveau, ni à donner aux autorités américaines un nouvel accès à des données européennes. Au contraire, le projet d'accord vise uniquement à assurer que le statu quo soit maintenu en ce qui concerne la continuité du programme américain de traçage des transactions financières aux fins de lutte contre le terrorisme (TFTP), tout en améliorant les garanties".
Les deux ministres soulignent, comme ils l’ont expliqué dans la réponse à cette question parlementaire, que "l'objectif de l’accord est de rendre compte d'un ajustement technique dans le flux des données". Et ils ne manquent pas de préciser que "rien ne change donc non plus par rapport au respect du secret bancaire".
Les deux ministres font ensuite le récit circonstancié de la procédure suivie depuis que mandat a été donné à la présidence par le Conseil de l'Union en date du 27 juillet 2009, précisant pour les différentes étapes la position luxembourgeoise.
"Plusieurs rounds de négociation ont eu lieu. Les délégations des Etats membres ont été tenues régulièrement informées des progrès et ont ainsi su influencer ces négociations, en particulier en vue d'assurer un haut niveau de protection des données individuelles.
Au cours du mois de novembre, les négociations ont pu être menées à bien, à la satisfaction de toutes les parties. Il nous importe de relever en particulier que le président de la Commission des Libertés civiles, de la Justice et des Affaires intérieures du Parlement européen a estimé dans une lettre adressée à la présidence que l'accord était en ligne avec la résolution adoptée à ce sujet par le Parlement européen. A la demande entre autres du Parlement européen, le nouvel accord n'a qu'un caractère intérimaire et sa durée est limitée à 9 mois, cette période devant servir à la négociation d'un accord définitif. Conformément au Traité de Lisbonne, le Parlement européen y sera pleinement associé.
Le Conseil a adopté lors de sa session du 30 novembre 2009 une décision autorisant la présidence à signer l'accord. Au cours de la discussion, le Luxembourg a indiqué partager les préoccupations exprimées par d'autres Etats membres, tels l'Allemagne ou l'Autriche. Nous avons exprimé le souhait que tout soit mis en œuvre pour qu'en ce qui concerne l'accord définitif une discussion rapide ait lieu au Conseil sur base des directives de négociations à présenter sous le régime de Lisbonne et ce, afin de garantir une implication accrue du Parlement européen. Le Luxembourg souhaite que de nouvelles garanties fassent partie des directives de négociations, notamment en ce qui concerne les recours.
Après avoir entendu les déclarations de la Présidence et de la Commission, notamment sur la nature intérimaire de l'accord, sur les garanties nouvelles apportées par ce dernier par rapport à la situation actuelle et sur le fait que le Parlement Européen sera appelé à donner son approbation au présent accord intérimaire, le Luxembourg s'est rallié à la majorité.
Au-delà de la date du 30 novembre, du fait de l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le mandat donné à la présidence aurait été juridiquement obsolète. Si la décision autorisant la signature n'avait pu intervenir au plus tard à cette date, il aurait fallu recommencer le processus à zéro, en commençant par la présentation de recommandations de négociations par la Commission et l'adoption d'un nouveau mandat de négociation par le Conseil. Il va sans dire qu'un tel retard aurait mis grandement en péril la continuité du TFTP et par voie de conséquence la lutte contre le terrorisme.
Contrairement à ce qui a pu être dit par certains, le calendrier choisi n'a pas comme effet d'empiéter sur les compétences du Parlement européen. En effet, concernant la phase qui a été menée à bien hier, c'est-à-dire celle de la signature de l'accord, le Traité de Lisbonne n'aurait pas apporté de changements majeurs par rapport à la procédure ancienne. Les innovations que le Traité de Lisbonne apporte concernent la phase de la conclusion de l'accord. Or, avec une signature le 30 novembre cette phase sera justement régie par les règles telles qu'elles résultent du nouveau Traité. En conséquence, l'accord ne pourra être conclu par le Conseil qu'après approbation par le Parlement européen. Le Parlement aura donc, comme cela est prévu par le Traité de Lisbonne, la possibilité d'approuver ou de rejeter définitivement cet accord intermédiaire."