Les ministres des Finances de la zone Euro, réunis sous la présidence de Jean-Claude Juncker quelques jours à peine après le Conseil européen informel du 11 février, se sont penchés, le 15 février 2010, au chevet de la Grèce dont la situation financière continue d’inquiéter. Ils ont préparé le terrain pour les décisions des ministres des Finances des 27 réunis, le 16 février 2010, dans le cadre du Conseil Ecofin.
Les ministres, qui ont discuté plus généralement de la situation dans la zone euro, ont aussi désigné pour la candidature du président de la banque centrale portugaise, Vitor Constancio, au poste de vice-président de la Banque centrale européenne. Ce qui implique que le candidat luxembourgeois à ce même poste, Yves Mersch, est désormais écarté.
A l’issue de la réunion de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker a estimé que la croissance de la zone euro, qui est "en voie de s'affirmer", serait "fragile, modérée" en 2010. mais qu’elle devrait rester "positive", "autour de 1%".
Les chiffres publiés par Eurostat le 12 février 2010 révèlent que la zone euro, et l’UE dans son ensemble, ont connu en 2009 un recul record de leur Produit intérieur brut : il a reculé de 4 % pour la zone euro et de 4,1 % pour l’UE. Au cours du quatrième trimestre 2009, le PIB de la zone euro et celui de l’UE ont augmenté de 0,1 % par rapport au trimestre précédent. Au cours du troisième trimestre 2009, le taux de croissance avait été respectivement de + 0,4 % et + 0,3 %.
Les ministres des Finances ont réaffirmé lors de leur réunion le soutien politique à la Grèce exprimé au cours du Conseil européen informel du 11 février. Mais ils ont aussi appelé la Grèce à envisager des mesures complémentaires si les mesures déjà annoncées devaient s’avérer insuffisantes pour "atteindre les objectifs annoncés". "Nous sommes convaincus que le plan grec est ambitieux et conduira à de bons résultats" a déclaré Jean-Claude Juncker à l’issue de la réunion de l’Eurogroupe, ajoutant que "si tel n'était pas le cas, le gouvernement grec s'était déclaré d'accord pour prendre des mesures complémentaires".
Un premier bilan d’étape prévue pour le 16 mars permettra d’établir si de nouvelles mesures seront nécessaires en vue d’une baisse du déficit grec, qui atteint aujourd’hui 12,7 % de son PIB, de 4 % en 2010. Ces nouvelles mesures "pourraient se concentrer sur des coupes dans les dépenses" mais "également inclure des mesures pour augmenter les recettes, comme par exemple des hausses de TVA et des taxes supplémentaires sur les produits de luxe", a expliqué Jean-Claude Juncker.
D’ici à cette date butoir, la Commission européenne sera sur le terrain à Athènes, ainsi que l’a annoncé Olli Rehn, commissaire européen en charge des Affaires économiques et financières, à l’issue du Conseil Ecofin. Il s’agira, avec le soutien des experts de la BCE et de délégués du FMI, de veiller à la mise en œuvre du programme de stabilité proposé par le gouvernement grec. La Grèce va devoir réduire son déficit mais aussi procéder à des ajustements structurels concernant les salaires, les retraites, la santé ou encore l’administration publique. C’est sur la base de cette première évaluation que décision sera prise de mettre en œuvre des mesures supplémentaires.
Les ministres n’ont pas tenu à présenter le détail des mesures qui seraient prises dans le cadre de l’aide coordonnée annoncée lors du conseil informel. "Nous n'avons pas voulu nous exprimer aujourd'hui publiquement sur les mesures que nous mettrons en branle", a ainsi précisé Jean-Claude Juncker, qui estime qu’il ne serait pas "sage de discuter publiquement de ces instruments". Le président de l’Eurogroupe a cependant assuré que "si instruments il doit y avoir (...), instruments nous aurons".
Interrogé pour savoir si les marchés n'allaient pas réagir négativement à cette absence de détails, Jean-Claude Juncker a vivement critiqué leur "voracité", et il les a mis en garde. "Les marchés financiers se trompent lourdement s'ils pensent qu'ils peuvent mettre en pièces la Grèce", a déclaré le président de l’Eurogroupe qui reste personnellement convaincu qu’ils ont " tort de continuer à attaquer la Grèce car elle s'est engagée à prendre toutes les mesures qu'elle-même et que nous-mêmes nous jugeons nécessaires".
La question des statistiques fournies par les Etats membres à Eurostat, qui apparaît comme essentielle dans l’affaire du déficit grec, a été par ailleurs prise à bras le corps par la Commission européenne qui a présenté le 15 février 2010 une proposition de règlement visant à mieux contrôler la fiabilité des statistiques économiques nationales fournies par les pays de l'UE.
Les ministres des Finances de la zone euro ont finalement désigné Vitor Constancio, le président de la banque centrale portugaise, pour devenir vice-président de la Banque centrale européenne (BCE). Il devrait donc remplacer à partir de début juin Lucas Papademos, dont le mandat arrivera alors à échéance. Une nomination entérinée sans surprise le 16 février par le Conseil Ecofin.
Parmi les candidats en lice, le Luxembourgeois Yves Mersch, qui bénéficiait du soutien appuyé de Jean-Claude Juncker, a fait pendant quelques temps figure de favori. Pour Jean-Claude Juncker le choix qui s’est porté sur Vitor Constancio est le fruit d’une "lutte pour le pouvoir" ainsi qu’il l’a déclaré sur les ondes de RTL Radio le 16 février 2010, et Yves Mersch se retrouve ainsi victime de "réflexions stratégiques".
Sur cette question, les commentaires semblent d’ailleurs concorder. L’enjeu va en effet au-delà de l’attribution de ce poste lui-même car beaucoup pensent déjà à la succession au poste de président de la BCE. Le mandat de Jean-Claude Trichet va arriver à échéance fin octobre 2011. Or, la tradition veut qu’un équilibre soit respecté entre pays du Nord et pays su Sud dans l’attribution de tels postes. Le choix du Portugais Vitor Constancio semble donc ouvrir la voie à Axel Weber, le président de la banque centrale allemande, qui briguerait la présidence de la BCE.
Sur cette future candidature, Jean-Claude Juncker, dénonçant des calculs politiques "de courte vue", a déclaré sur les ondes de la Deutschlandrundfunk qu’il ne "plaiderai[t] pas à tout prix pour que l'Allemagne obtienne le poste de président de la BCE". Le Premier ministre luxembourgeois qui fustige "les Berlinois qui se trompent souvent quand il est question de perspectives européennes à long terme" n’a pas manqué de rappeler que si la BCE a son siège à Francfort, c’est le fruit d’un "compromis politique". Car, "ce qu’on ignore en Allemagne, c’est que d’après les traités, la BCE aurait dû avoir son siège à Luxembourg". Jean-Claude Juncker souligne en effet que les traités européens indiquent clairement que toutes les institutions financières devaient revenir au Luxembourg.