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Economie, finances et monnaie
Jean-Claude Juncker a déclaré devant la Commission "Affaires économiques et monétaires" du Parlement européen qu’il n’excluait pas le recours conjoint à des aides des pays européens et du FMI pour la Grèce
22-03-2010


Jean-Claude JunckerLe Premier ministre Jean-Claude Juncker a, en sa qualité de président de l’Eurogroupe, participé à l’échange de vues semestriel entre les membres de la commission Affaires économiques et monétaires (ECON) du Parlement européen et le président de l’Eurogroupe qui a eu lieu le 22 mars 2010 à Bruxelles.

Coordination des politiques budgétaires et économiques

Dans son intervention, le président de l’Eurogroupe a rappelé les grandes lignes de son programme de travail qu’il avait soumis aux membres de l’Eurogroupe au moment de sa réélection à la tête de l’Eurogroupe pour un mandat de deux ans et demi, le 18 janvier 2010. Dans ce contexte, Jean-Claude Juncker a mis en exergue la nécessité d’une "mise en œuvre rigoureuse, cohérente et crédible de notre coordination des politiques budgétaires" ainsi que d’une définition intelligente des stratégies de sortie des paquets conjoncturels tant au niveau budgétaire et fiscal qu’au niveau des interventions de soutien au secteur financier. Il faudra également "que nous retirions les mesures de soutien au niveau du marché du travail et des produits", mais en veillant à trouver le "moment judicieux" pour ce faire de manière graduelle et adaptée aux spécificités nationales. Pour Jean-Claude Juncker, il s’agira avant tout de ramener, à terme, les États membres dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, notamment en ce qui concerne le respect des objectifs de réduction de la dette à moyen terme, garant, selon lui, de la durabilité des finances publiques.

En vue de la gestion plus solidaire de la monnaie unique, Jean-Claude Juncker préconise d’étendre "le champ d’application de la coordination de nos politiques économiques", notamment en incluant dans la coordination les divergences de compétitivité au niveau de la zone euro. Il veut par ailleurs "accorder une attention accrue aux déséquilibres macroéconomiques qui se sont élargis depuis la création de l’euro (…) et commencent à poser de plus en plus de problèmes". Ceci surtout au niveau du potentiel de croissance qui, à la sortie de la crise financière et économique, restera bien en deçà de ce qui sera nécessaire pour le "maintien à long terme du modèle social européen".

Au niveau des procédures et toujours dans le cadre de la coordination des politiques budgétaires et économiques, Jean-Claude Juncker a souligné que l’Eurogroupe encourage la Commission européenne à faire des propositions sur base de l’article 121 pour instaurer une surveillance accrue d’un État membre, comme elle l’a fait d’ailleurs dans le cas de la Grèce, et de l’article 136 du traité afin d’approfondir la coordination et la surveillance économique dans la zone euro. L’Eurogroupe veillera en outre à ce que "les règles du pacte de stabilité et de croissance ne soient pas diluées par une application parallèle d’autres procédures" comme celles qui seront définies dans le cadre de l’agenda UE 2020.

Le président de l’Eurogroupe a réitéré que "la représentation extérieure de la zone euro dans les structures des organisations financières internationales mérite d’être rationalisée et que la visibilité de la zone euro en sortira grandie".

Dans le cadre des futurs élargissements de la zone euro, l’Eurogroupe a, selon les dires de son président, décidé "de se consacrer de temps à autre à un examen détaillé de la situation de convergence dans les pays qui ont exprimé le souhait de rejoindre la zone euro".

Situation budgétaire de la Grèce

Concernant la situation budgétaire de la Grèce, Jean-Claude Juncker a répété que la "situation dans laquelle se trouve la Grèce est largement due à une perte de la compétitivité de la Grèce depuis son entrée dans la zone euro". Or, comme le problème concerne avant tout les finances publiques grecques, l’Eurogroupe dispose avec le pacte de stabilité et de croissance d’un instrument adéquat pour y faire face, notamment en exigeant de la Grèce la mise en œuvre de mesures supplémentaires pour réduire son déficit. Jean-Claude Juncker se dit d’ailleurs "très impressionné par le courage avec lequel le gouvernement grec a pris ces mesures" qui lui permettront d’atteindre les objectifs que l’Eurogroupe et le gouvernement grec se sont fixés et qu’ils continuent à surveiller de près.

Si par contre, les réactions des marchés financiers, par de la "spéculation malsaine", ne devaient pas permettre à la Grèce de poursuivre son redressement, le président de l’Eurogroupe est clair: "La Grèce ne sera pas laissée seule, s’il devait s’avérer que la Grèce aura besoin de l’aide de l’Eurogroupe. Il n’est pas question de laisser tomber la Grèce". Pour ce faire, Jean-Claude Juncker a identifié un instrument principal "qui sera disponible le jour où il faudra que nous l’ayons à notre disposition" et qui sera décidé par les chefs d’État et de gouvernement après la mise en place des modalités techniques par les ministres des Finances : "il ne sera pas absolument nécessaire que le Conseil européen des 25 et 26 mars se mette d’accord sur cet instrument, mais il doit être clair que les travaux techniques doivent être continués pour que, le jour venu, nous ayons cet instrument à notre disposition". Pour le président de l’Eurogroupe, cet instrument consistera surtout en des "aides bilatérales qui seraient mises à disposition de la Grèce étant entendu que nous n’avons pas encore pu régler tous les détails de ces aides, par exemple la rémunération qui accompagnerait des prêts bilatéraux de ce type".

Une aide financière conjointe de la zone euro et du FMI

Concernant la provenance de ses aides, Jean-Claude Juncker a déclaré : "Je ne suis pas en faveur d'un recours au Fonds monétaire international. Mais il n'est pas aberrant tout de même de considérer que nous pourrions avoir recours à deux sortes d'instruments: des aides bilatérales à la Grèce et une dose de FMI plus importante que la seule expertise technique". Le président de l’Eurogroupe a pourtant assuré qu’il était "trop tôt pour se prononcer d'une façon définitive sur ce point", mais que sa "position personnelle" était "de dire que mieux vaut une solution qui n'aura pas une partie Fonds monétaire international" car "la zone euro devrait être à même de résoudre elle-même tous les problèmes qui se posent en son sein".

Jean-Claude Juncker s'est par ailleurs dit "opposé" à l'idée de prévoir à l'avenir un mécanisme permettant d'exclure de la zone euro un pays jugé trop laxiste en matière budgétaire. "Toute idée d'exclure un pays de la zone euro ne me semble pas frappée du bon sens", a-t-il dit. "J'y suis opposé. Et si on prévoit un mécanisme permettant d'exclure quelqu'un, il faudra aussi prévoir un mécanisme qui permettra à un membre de quitter la zone euro. Et cette double innovation (...) déstabilisera la zone monétaire dans son ensemble et sur la durée", a-t-il jugé.

Jean Asselborn veut convaincre l’Allemagne d’approuver un plan d’aide pour la Grèce

En marge du Conseil des ministres européens des Affaires étrangères du 22 mars 2010, Jean Asselborn s’est également exprimé sur la situation budgétaire de la Grèce. Il a déclaré qu’il faudrait convaincre l’Allemagne d’approuver un plan d’aide pour la Grèce. Certes, le ministre comprend les réticences de Berlin qui, en contrepartie à l’abandon du D-Mark, avait insisté sur des conditions strictes pour l’euro dans le pacte de stabilité. "Mais si on laisse exploser la Grèce, cela aura des conséquences catastrophiques pour les pays de la zone euro, notamment parce que l’Europe est une union politique et parce que les pays de la zone euro forment une union", a-t-il déclaré, cité par le Tageblatt du 23 mars 2010. Par ailleurs, il a souligné que la population grecque, qui se trouve actuellement dans une situation économique et sociale difficile, ne devrait pas être abandonnée aux spéculateurs. Le ministre s’est montré persuadé que le Conseil européen trouvera une solution qui évitera que la Grèce soit brisée.

Astrid Lulling regrette la cacophonie en matière financière

L’eurodéputée Astrid Lulling, membre de la commission parlementaire ECON, a pour sa part regretté "la cacophonie ambiante, avec son lot de démenti, de contradictions qui ont de quoi inquiéter les esprits les plus placides, qu'il s'agisse des décideurs politiques ou des acteurs des marchés, de l'opinion publique ou des banquiers centraux". Dans un communiquée de presse du 22 mars 2010, elle a déclaré avoir interrogé Jean-Claude Juncker sur les modalités techniques de l'aide qui se dessine pour la Grèce. Celui-ci aurait alors "confirmé que deux ou trois Etats membres refusaient la perspective d'une garantie bancaire apportée par l'Union européenne dans son ensemble". Et l’eurodéputée d’ajouter : "Ne faisant pas mystère de son regret, il a ajouté qu'en cas de besoin ce serait un recours à des prêts bilatéraux qui tenait la corde."

Astrid Lulling a par ailleurs déclaré que Christine Lagarde, ministre française de l’Economie, "vient de jeter involontairement un pavé dans la mare en critiquant la politique économique allemande ou plutôt en disant que ce modèle ne pouvait être appliqué par les autres Etats en Europe." Selon Astrid Lulling, "ce commentaire n’a pas du tout plu en Allemagne, parce qu’on a eu l’impression que c’est le mauvais élève qui critique le bon élève qui a fait correctement ses devoirs. D’un autre côté bon nombre d’économistes et pas seulement français soulignent en effet que l’Allemagne profite du pouvoir d’achat que confère l’euro à ses voisins et qu’une croissance tirée par les exportations ne peut être le modèle à suivre par l'Union européenne." D’après l’eurodéputée du PPE, Christine Lagarde "aurait donc loin d’avoir tort, mais elle ne serait pas en position idéale pour le dire".

Astrid Lulling a demandé à Jean-Claude Juncker ce qu’il avait à dire "dans un débat qui n’est pas anodin, puisqu’il y a de l’orientation fondamentale de l’union monétaire". Le président de l’Eurogroupe a répondu que l'Union économique et monétaire était effectivement soumise à un certain nombre de déséquilibres, que la politique de compétitivité poursuivie par l'Allemagne ne posait pas de difficultés immédiates mais que cette politique soulevait cependant des questions de soutenabilité à terme. "Je voudrais d'abord que les Etats membres de la zone euro qui ont perdu en compétitivité et qui ont des balances de paiement en déficit structurel et chronique essaient d'améliorer leur compétitivité, avant que nous ne passions au problème qui pourrait être causé par l'Allemagne. Tout en disant que le problème posé par l'Allemagne est un problème sérieux, dont il faudra que nous nous occupions", a déclaré Jean-Claude Juncker.