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Economie, finances et monnaie - Traités et Affaires institutionnelles
Angela Merkel et Jean-Claude Juncker ont discuté de l'Europe et de la restauration du primat de la politique sur les marchés financiers
Les grands sujets : la politique économique européenne, la crise grecque, l’initiative pour limiter la spéculation contre les Etats et la création d’un Fonds monétaire européen
09-03-2010


Angela Merkel et Jean-Claude Juncker (c) SIP/Charles CaratiniLa chancelière de la République fédérale d'Allemagne, Angela Merkel, a effectué le 9 mars 2010 sa première visite officielle au Luxembourg. Elle a eu avec le Premier ministre Jean-Claude Juncker un entretien qui a porté essentiellement sur les grands dossiers de l'actualité politique et économique européenne. Les dossiers de la connexion ferroviaire Luxembourg-Trêves-Coblence et la possibilité d'investissements luxembourgeois dans des projets énergétiques en mer du Nord relatifs aux objectifs de Kyoto étaient abordés dans le cadre des relations bilatérales.

La veille de la visite de la chancelière, son porte-parole, Ulrich Wilhelm, avait révélé que la chancelière Angela Merkel, le président français Nicolas Sarkozy et le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker travaillaient à des propositions communes pour encadrer la spéculation sur les produits dérivés financiers, notamment les "credit default swaps" (CDS)* et que celles-ci seraient présentées à la Commission européenne. Le premier objectif de cette initiative : "limiter la spéculation contre les Etats". La crise grecque et l’initiative franco-germano-luxembourgeoise furent donc, avec l’idée d’un Fonds monétaire européen un des sujets principaux de la conférence de presse des deux chefs de gouvernement.

Crise grecque, politique économique européenne, lutte contre la spéculation contre les Etats

"La situation est telle que dans le domaine de l’euro, des défis très sérieux se présentent que nous devons maîtriser en commun", a déclaré la chancelière allemande. Elle a salué le programme d’austérité du Premier ministre grec, qui exigera surtout "un immense effort de politique intérieure pour lequel Georges Papandréou aura notre entier soutien".

Angela Merkel et Jean-Claude Juncker (c) SIP/Charles CaratiniLa question que l’UE doit affronter maintenant est selon la chancelière "une politique économique plus cohérente". La stratégie Europe 2020 est un début et sera un sujet de discussions lors des prochains Conseils européens de mars et de juin. La chancelière voudrait également qu'Eurostat ait un meilleur accès aux chiffres statistiques des Etats membres afin de les vérifier, un changement de position important, puisque l’Allemagne y était encore de son propre aveu opposée en 2005.

La chancelière a souligné que tous les Etats membres de la zone euro ont une responsabilité pour sa stabilité, et que la stabilité financière était une condition pour gagner la confiance des marchés, ce que la Grèce venait par ailleurs de réussir au vu de la manière dont ses obligations émises dans le cadre de son programme d’austérité se sont placées sur les marchés.

La charge de travail ne risque pas de diminuer pour les responsables européens, a-t-elle constaté, en évoquant l’initiative franco-germano-luxembourgeoise, à laquelle la Grèce s’est jointe, qui vise à endiguer les spéculations sur le marché des CDS, sans que l’instrument financier soit pour autant détruit. Pour que cette initiative aboutisse, la Commission doit agir, car il s’agit de changer une directive qui concerne les CDS. 

Quel type de Fonds monétaire européen ?

Répondant à une question sur le Fonds monétaire européen (FME) qui pourrait être créé afin d’aider les pays européens en difficulté, Jean-Claude Juncker a insisté sur le fait que ce fonds n’est pas une solution pour la crise grecque et dépasse de loin les enjeux actuels autour de la Grèce. Il s’agirait plutôt de créer une institution de l’euro qui constituerait "un pilier supplémentaire" pour venir en aide à des pays en panne de crédits et à les associer aux modalités de cette aide. "Mais il y a encore mille questions qu’il faudra clarifier", a ajouté Jean-Claude Juncker, pour qui il est clair que "le projet que nous poursuivons sous l’intitulé de 'Fonds monétaire européen' ne doit pas être pensé par les Etats membres comme une possibilité principielle de pouvoir s’asseoir confortablement dans son fauteuil et de flancher avec ses propres efforts" selon les critères du pacte de croissance et de stabilité.

"La création d’un Fonds monétaire européen exige un changement du traité européen", a signalé Angela Merkel, "et ce changement ne se fera que selon les principes du pacte de croissance et de stabilité, qu’il ne s’agit pas de diluer, mais d’aiguiser". Il interviendra selon elle en dernier recours. Par ailleurs, il devrait "y avoir des sanctions" contre les pays qui afficheraient des déficits budgétaires trop importants, au sein d'un éventuel système d'entraide financière de ce type de la zone euro. Et le pays concerné ne pourrait alors pas participer à la décision de ses pairs.

Un tel fonds européen sera selon elle également nécessaire, parce que "le Fonds monétaire international (FMI) n’est pas en mesure de répondre à tous les cas de figure". D’autre part, une réaction de l’UE en tant que telle comme dans le cas de la Grèce n’est pas prévue. La mise en place d’un FME ne rendra pas le FMI superflu. Au contraire, il rendra nécessaire une présence plus cohérente de l’UE au sein du FMI. D’autre part, un tel FME pourra être utile à des pays comme la Hongrie ou la Lettonie, qui sont entrés dans de grandes difficultés, en sachant bien qu’au sein de l’UE, le pacte de stabilité et de croissance ne vaut pas seulement pour les pays de la zone euro, mais bien pour tous les autres Etats membres.   

Angela Merkel et Jean-Claude Juncker (c) SIP/Charles CaratiniRestaurer la primauté de la politique sur les marchés financiers

Jean-Claude Juncker a résumé la discussion actuelle. Une intervention directe des pays de la zone euro en faveur de la Grèce est hypothétique. Les propositions grecques pourront être efficaces. Il faut "mettre fin aux spéculations malsaines". D’où l’initiative de l’Allemagne, de la France, de la Grèce et du Luxembourg sur la question des CDS. La discussion sur un Fonds monétaire européen se fait dans le cadre des critères du pacte de stabilité et de croissance. Angela Merkel rajouta que la stabilité financière en Europe passe par le respect par tous les Etats membres de leurs engagements et que la lutte contre les spéculations passe par la mise en œuvre globale des décisions du G20 sur les marchés financiers. "Il s’agit de rétablir la primauté de la politique sur les marchés financiers", voilà bien l'enjeu.

Le bilatéral au-delà des frontières

Les questions bilatérales évoquées entre les deux chefs de gouvernement avaient toutes traits à des dossiers transfrontaliers. Un premier dossier a été la connexion ferroviaire Luxembourg-Trêves-Coblence, qui n’est pas satisfaisant, mais qui tarde à être amélioré pour des raisons budgétaires. Angela Merkel a accepté que quelque chose soit fait "que les gens puissent bien percevoir". Les ministres des Transports des deux pays ont été chargés de réexaminer la question. Le Luxembourg désirerait ensuite participer à des investissements allemands dans des installations d’éoliennes en mer du Nord, ce qui lui permettrait d’être plus conforme avec les objectifs du protocole de Kyoto. Les deux pays nommeront chacun un fonctionnaire qui veilleront ensemble à ce que d’ici six mois, des solutions à ces deux dossiers soient trouvées. Finalement, Angela Merkel s’est réjouie de la création à Luxembourg d’une filiale du Max-Planck-Institut dédiée à l’étude des procédures judiciaires européennes.                

*Les CDS, ou "credit default swaps", permettent à des détenteurs de dette de se prémunir contre le défaut de paiement de l'émetteur. Dans leur forme originale, les CDS permettent de se couvrir contre le risque d'insolvabilité, et ont à ce titre leur utilité. Ils font l'objet d'un énorme marché, fortement spéculatif et déconnecté de la possession des titres qu'ils sont censés couvrir. Ils sont notamment mis en cause dans la crise que traverse actuellement la Grèce fortement endettée, ce qui a conduit plusieurs pays à se prononcer ces dernières semaines pour une meilleure régulation de ce marché très opaque. La Commission européenne s'intéresse déjà de près à la question.