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Fiscalité - Télécommunications
François Biltgen et Jeannot Krecké détaillent les éléments qui pourraient permettre au Luxembourg de conserver sa place de centre d'excellence dans le secteur des nouvelles technologies en Europe après 2015
16-04-2010


Dans une question urgente adressée le 8 avril 2010 aux ministres de l'Economie et du Commerce extérieur et des Communications et des Médias, les députés Marc Lies et Christine Doemer (CSV) souhaitaient savoir quels arguments le gouvernement entendait faire valoir pour contrecarrer les dires du rapport présenté le 7 avril dernier au Sénat français au sujet du commerce électronique en Europe.

Le ministre des Finances Luc Frieden avait déjà réagi le 13 avril, dans un entretien à la Tribune, aux propos que le sénateur Jean Arthuis, qui préside la commission des Finances du Sénat français, avaient tenus dans ce même journal quelques jours auparavant en faisant référence à ce rapport.

Selon ce document, le manque à gagner de l’Etat français en matière de TVA atteindrait, en 2014, un milliard d’euros du fait que les entreprises du secteur sont souvent basées dans des pays européens où la fiscalité est plus avantageuse. Le sénateur Jean Arthuis avait dénoncé une forme de "dumping fiscal" et il avait cité pour exemple le Luxembourg, allant jusqu’à l’accuser de "nous faire les poches".

Dans leur réponse commune,  François Biltgen et Jeannot Krecké s’attachent à montrer que, si la fiscalité joue certes un rôle important dans la décision d’une entreprise de s’implanter quelque part, "le rapport en question sous-estime la complexité de la décision qui amène une entreprise à choisir le pays à partir duquel elle opère ses activités en Europe".

Ainsi, leur réponse "n'entend pas s'attarder sur le redressement de certaines affirmations contenues dans le rapport ou sur le ton de certains propos exprimés à l'occasion de sa présentation, ni même sur l'élaboration par rapport à des questions fiscales ne relevant pas directement de la compétence des deux ministres soussignés".

Les deux ministres s’attachent à "remettre la fiscalité - en l'occurrence l'avantage compétitif spécifique que le Luxembourg peut tirer de son taux de TVA normal le plus faible de l'UE (15%) - dans un contexte plus global".

L'argumentaire des ministres François Biltgen et Jeannot Krecké

"Il est indéniable que la fiscalité joue un rôle important, voire crucial, dans tout processus décisionnel d'une entreprise ou d'un grand groupe", reconnaissent les ministres qui soulignent toutefois que l’expérience du gouvernement luxembourgeois, qui s’attèle à diversifier son économie et à développer le secteur du commerce électronique et des nouvelles technologies depuis les six ou sept dernières années, lui a montré qu'une entreprise, et surtout les grandes sociétés, base en général sa décision d'implantation de son quartier général européen sur l'analyse minutieuse de cinq volets différents.

1. L'environnement réglementaire général d'un pays doit faciliter l'exercice et le développement de l'activité spécifique de l'entreprise.

C'est pourquoi le Luxembourg, par un dialogue constant avec les acteurs, une facilité d'accès inégalée aux décideurs politiques et des prises de décision souvent très rapides, veille à assurer un cadre législatif clair, sûr et pragmatique, pouvant s'adapter aux défis de l'innovation.

Ainsi, on peut constater que le Luxembourg a souvent réussi à accommoder des technologies ou des business models innovants, tels que la radiodiffusion paneuropéenne (CLT-UFA, maintenant RTL Group), le satellite (SES ASTRA) ou encore la téléphonie vocale par Internet (Skype).

2. Pour pouvoir réellement développer le secteur du commerce électronique et des nouvelles technologies, il est indispensable de disposer d'infrastructures technologiques de pointe (centres de données performants, excellentes connexions nationales et internationales aux autoroutes de l'information).

C'est ce que le Gouvernement a dû constater lorsque, vers 2003, les premières grandes entreprises à s'établir au Luxembourg n'ont à l'époque pas trouvé les infrastructures nécessaires à accommoder leurs besoins technologiques.

Depuis lors, la situation a évolué de manière impressionnante: grâce à une politique pro active du Gouvernement (e.a. création de Luxconnect; déploiement de Teralink par l'EPT, stratégie pour l'introduction de l'ultra-haut-débit annoncée récemment) et des investissements considérables et continus tant. du secteur public que du secteur privé, le Luxembourg s'est hissé, en quelques années seulement, vers le peloton de tête des pays au niveau des infrastructures, ce qu'attestent de nombreux benchmarks internationaux

3. Le cadre fiscal doit être compétitif et attractif pour les sociétés innovantes du commerce électronique et des TIC qui veulent s'implanter dans le pays.

Contrairement à ce que semble indiquer le rapport en question, s'il s'agit là peut-être d'une condition sine qua non, cette prémisse n'est certainement pas suffisante à développer à elle seule un nouveau secteur, réel et durable, tel qu'il commence à se profiler au Luxembourg.

L'avantage compétitif dont dispose actuellement le Luxembourg au niveau du taux de TVA a certes permis d'attirer l'attention des premiers grands noms du secteur vers le Luxembourg (notamment AOL), à une époque où le Luxembourg n'était pas encore associé à un centre d'excellence pour de nouveaux services électroniques.

La fenêtre dont nous bénéficions jusqu'en 2015 nous permet de continuer de bénéficier de cette visibilité, le temps de parfaire les quatre autres volets sur lesquels un pays est jugé, afin qu'en 2015, la perte de cet avantage spécifique ne soit plus un problème pour le Luxembourg.

4. Un autre facteur essentiel analysé par les entreprises est la présence d'un centre de compétences au niveau des ressources humaines.

Là encore, le Luxembourg bénéficie d'avantages considérables par rapport à bon nombre d'autres pays européens. De par son secteur financier, très 'lourd' en besoins informatiques, le Luxembourg disposait déjà d'un vivier important de compétences IT pointues, multilingue de surcroît, ainsi que les compétences financières et juridiques indispensables à toute entreprise.

5. Finalement, tout choix d'une entreprise de venir s'établir dans un pays ne se limite au bout du compte jamais à ces quatre facteurs objectifs, mais reste toujours un choix de personnes, notamment de personnes amenées à vivre dans ce pays, à y amener leur conjoint, à y scolariser leurs enfants, à y accéder et à y voyager, etc. Ce que les ministres appellent "l’environnement social général".

Aussi le Luxembourg, par sa qualité de vie, son accès facile au cœur de l'Europe, son offre culturelle, sa spécificité internationale et multilingue, ses écoles internationales ou encore son attrait de sécurité, ne devrait rougir à rivaliser avec d'autres Etats qui ont les mêmes ambitions dans ce secteur que nous.

La conclusion des ministres

Le rapport en question sous-estime la complexité de la décision qui amène une entreprise à choisir le pays à partir duquel elle opère ses activités en Europe.

Le Gouvernement est conscient qu'il serait simpliste et fatal de ne miser que sur la fiscalité pour espérer développer un nouveau secteur, que ce soit celui du commerce électronique ou un autre. C'est pourquoi il a concentré ces dernières années ses efforts sur l'amélioration de ces autres facteurs déterminants. Ceci a dores et déjà produit ses effets, a attiré bon nombre d'entreprises importantes à venir s'installer au Luxembourg et fera en sorte qu'en 2015, le Luxembourg aura su convaincre par d'autres arguments qu'il mérite bien sa place comme centre d'excellence dans le secteur des nouvelles technologies en Europe.