Le 16 juin 2010, le Parlement européen a rejeté à une large majorité la proposition de la Commission visant à modifier la directive 2002/15/CE qui régit le temps de travail dans le secteur du transport routier. La proposition de révision présentée par la Commission européenne en octobre 2008 visait à exclure du champ de la directive les conducteurs ayant le statut de travailleurs indépendants.
L’eurodéputé Georges Bach (PPE) déclarait quelques jours avant le vote en attendre le résultat avec quelque inquiétude. En effet, bien que la proposition de la Commission européenne ait été rejetée en commission, Georges Bach expliquait que les jeux n’étaient pas encore faits.
Georges Bach annonçait cependant qu’il continuerait pour sa part à défendre jusqu’au bout le refus de ce texte "antisocial" afin d’éviter que les chauffeurs routiers ne puissent travailler jusqu’à 86 heures par semaine. "La sécurité routière doit avoir la priorité absolue", déclarait en effet l’ancien cheminot qui soulignait que cette proposition aurait conduit à une distorsion de la concurrence au détriment des petites et moyennes entreprises.
Au cours de son intervention dans le débat qui a précédé le vote, l’eurodéputé luxembourgeois a repris ces arguments, insistant sur l’importance de la protection sociale des conducteurs routiers, de la sécurité routière ainsi que de la libre concurrence. Mais il a rappelé que ces arguments étaient aussi ceux de la Commission européenne lors de l’entrée en vigueur, le 23 mars 2005, de la directive qu’elle entend désormais réviser.
Georges Bach a donc manifesté devant ses pairs réunis en plénière son incompréhension face à cette "volte-face" de la Commission qui a entre-temps décidé d’exclure les indépendants du champ d’application de la directive en tentant de la réviser.
Pour l’eurodéputé, cette volte-face témoigne de l’incapacité à faire de la politique européenne. "Malgré un rejet à deux reprises par la commission Emploi et Affaires sociales, malgré un rejet en plénière, la directive est tout simplement révisée de façon à prendre uniquement en compte les intérêts économiques", regrettait l’eurodéputé qui s’en référait aussi à la jurisprudence de la Cour de Justice pour souligner son incompréhension.
Finalement, 368 députés ont rejeté la proposition de révision de la Commission, parmi lesquels Georges Bach, Robert Goebbels (S&D), Charles Goerens (ALDE) et Claude Turmes (Verts-ALE). L'eurodéputé socialiste et son confrère des Verts s’étaient déjà prononcés sur cette question.
Frank Engel (PPE), qui considère que les indépendants doivent pouvoir organiser leur temps de travail à leur guise, et Astrid Lulling (PPE) comptent pour leur part parmi les 301 eurodéputés qui se sont opposés au rejet de la proposition.
Claude Turmes a salué la "large majorité" qui a rejeté la proposition de la Commission et il s’est félicité que le Parlement européen ait "remis à sa place la Commission" qui n’a pas pu expliquer si elle voulait oui ou non retirer la directive.
Aux yeux de l’eurodéputé vert, "cette proposition aurait aggravé la situation juridique actuelle et aurait eu pour conséquence de laisser des chauffeurs routiers épuisés continuer à présenter un danger public pour tous les usagers de la route. Elle aurait qui plus est conduit à une distorsion de la concurrence en encourageant les entreprises de transport routier à forcer leurs chauffeurs à travailler en tant que faux indépendants afin de limiter leurs charges".
"J’appelle la Commission européenne à respecter de façon définitive le vote du Parlement européen", a-t-il par ailleurs déclaré, par voie de communiqué. "Les Etats membres qui ont tardé à le faire doivent désormais transposer au plus vite dans leur droit national la directive afin que les conducteurs routiers puissent, indépendamment de leur statut, être protégés par cette directive", a-t-il poursuivi.
Claude Turmes s’est félicité du fait que ce vote ait mis "clairement en minorité les eurodéputés CSV qui luttent en faveur des intérêts des entreprises sans le moindre égard pour la protection sociale et la sécurité routière". Il a salué le "signal social" fort donné à la Commission.
Après ce vote, la Commission européenne a annoncé qu'elle analyserait "toutes les options possibles, y compris le retrait de la proposition". Quant à la directive actuelle, qui est en vigueur, elle prévoit l'inclusion des conducteurs indépendants depuis le 23 mars 2009.
La confédération syndicale européenne du transport ETF et les syndicats nationaux, dont l’OGBL-ACAL et le LCGB-Transport, avaient organisé une large campagne d’information et de sensibilisation à ce sujet. A l’issue du vote au Parlement européen, les syndicats, qui avaient rencontré les eurodéputés luxembourgeois Robert Goebbels, Claude Turmes et Georges Bach qui ont tous voté contre la proposition de la Commission, se sont montrés satisfaits "qu’avec leurs voix, une régression sociale peut être évitée au niveau européen". Et d’ajouter que "ceci constitue une victoire majeure des syndicats européens qui se sont mobilisés contre ces modifications, dénonçant une concurrence déloyale, l'opportunité d'un développement des ‘faux indépendants’, mais aussi la mise en péril des conditions de sécurité du secteur."