Lors de la conférence de presse qui a suivi le conseil de gouvernement du 17 septembre 2010, le Premier ministre Jean-Claude Juncker a longuement commenté les revendications de la manifestation du 16 septembre contre la loi sur l’aide financière aux étudiants et les critiques formulées à l’égard des conséquences de cette loi pour les travailleurs frontaliers.
Son premier constat est que la loi en question change le paradigme qui attribue des subsides aux étudiants. Le Luxembourg est selon Jean-Claude Juncker un des seuls pays qui découple les subsides et aides financières aux étudiants des revenus des parents et où ils les reçoivent en toute autonomie en leur nom personnel, pour ainsi dire en partie "comme un salaire".
Pour agir ainsi, le gouvernement a d’abord une raison européenne : la stratégie Europe 2020 qui a fixé pour objectif que 40 % des jeunes d’une génération disposent d’un diplôme universitaire. Or, au Luxembourg, seuls 30 % des jeunes disposent d’une telle formation, alors que la plupart des emplois à haute valeur ajoutée sur le marché du travail luxembourgeois exigent au minimum une formation Bac +2.
Non seulement les aides nouvelles sont plus élevées que les précédentes, mais elles sont aussi, selon le Premier ministre, conformes au droit communautaire. Pour lui, il faut retenir qu’aucun pays n’exporte des aides aux étudiants, et dans aucun autre pays que le Luxembourg, les étudiants ne sont considérés comme indépendants de leurs parents.
Au niveau européen, Jean-Claude Juncker a souligné que le Luxembourg, "conformément à son engagement pour une dimension sociale de l’UE", voudrait que les bourses et autres aides financières que les Etats membres prévoient pour leurs étudiants deviennent portables et puissent être octroyées indépendamment du pays où l’étudiant fait ses études, comme c’est le cas pour les subsides et aides luxembourgeois, mais pas en Belgique. Un étudiant belge qui étudie au Grand-Duché ne reçoit pas d’aide, a-t-il affirmé pour lancer : "Parlons-en en Europe, ou du moins entre le Luxembourg et ses trois pays voisins".
Le Premier ministre a ensuite souligné que tout le monde pouvait venir étudier à l’Université du Luxembourg, mais que tous les étudiants luxembourgeois ne pouvaient pas aller étudier dans toutes les universités belges, qui font la distinction, elles, entre candidats à l’inscription résidents et non-résidents, les derniers étant tirés au sort.
Jean-Claude Juncker a ensuite argué qu’avec l’ancien système, c’étaient en fait les Luxembourgeois et les résidents au Luxembourg qui étaient discriminés par rapport aux frontaliers. Son argument : l’étudiant luxembourgeois ou résident voyait le montant de son aide financière bourse diminué du montant de son allocation familiale, alors que l’étudiant issu d’une famille de frontaliers recevait pleinement son allocation familiale et pleinement la bourse de son pays.
En supprimant le paiement d’une allocation familiale pour les enfants à partir de 18 ans, le Luxembourg n’a fait qu’imiter selon Jean-Claude Juncker la majorité des Etats membres de l’UE. Il n’a en cas voulu entamer le droit communautaire. Invoquer l’arrêt Meeusen, comme l’ont fait les syndicats, ne lui semble pas indiqué, car cet arrêt s’attaquait selon lui au fait que des conditions de résidence étaient imposées aux Pays-Bas aux autres ressortissants de l’UE, alors que les Néerlandais n’étaient pas soumis à des conditions de résidence. Or, au Luxembourg, la nouvelle loi impose des conditions de résidence à tous, ressortissants luxembourgeois et de l’UE. "Il n’y a donc pas de discrimination des frontaliers", a conclu le Premier ministre, qui n’a pas exclu des modifications techniques de la loi après un premier bilan, tout en excluant toute modification sur les questions soulevées par la manifestation du 16 septembre, "car les aides financières aux étudiants ne sont pas exportables".
Quant à la plainte déposée auprès de la Commission européenne, il a pensé que la sénatrice belge qui participe au mouvement contre la nouvelle loi luxembourgeoise devrait d’abord s’engager pour que les bourses belges deviennent portables et que les règles en vigueur en Belgique permettent aussi à un étudiant issu d’une famille qui perçoit "un de ces salaires comme on en gagne au Luxembourg" d’accéder à des aides aux études universitaires. Et si la Cour de Justice des Communautés européennes devait donner tort au Luxembourg, le Luxembourg adapterait bien sûr sa loi, mais dans ce cas, il faudrait également que la CJCE se penche sur la situation dans les 26 autres Etats membres.
Finalement, le Premier ministre a confié qu’il avait "un problème au niveau de ses sentiments que des personnes dont nous avons besoin aient le sentiment qu’on veuille les défavoriser" et qu’il regrettait fortement "ce malentendu". Mais, a-t-il ajouté : "Les règles sont les règles."