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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Justice, liberté, sécurité et immigration
Les expulsions de Roms en France ont suscité de vives réactions en Europe et un débat au Parlement européen
La commissaire Viviane Reding, plaidant pour que les Etats membres prennent leurs responsabilités en matière d’intégration, a mis en avant le respect du droit européen et de la Charte des droits fondamentaux
07-09-2010


Plus de 8 000 Roms ont été expulsés de France vers la Roumanie et la Bulgarie depuis le mois de janvier 2010. Les mesures prises par le gouvernement français sont critiquées dans toute l’Europe tant du point de vue de la liberté de mouvement en Europe que des droits fondamentaux. La France a-t-elle violé le droit européen ? Les députés européens en ont débattu le mardi 7 septembre 2010.

Les Roms en Europe : difficultés et droits

Pour situer le problème, il faut savoir que les Roms sont entre 10 et 12 millions en Europe. Bien plus que le reste de la population, ils souffrent de discrimination, de la violence, du chômage, de la pauvreté… Pourtant, ils sont des citoyens européens comme les autres.

Ils bénéficient donc du droit à résider où ils le souhaitent en Europe. Certaines conditions sont cependant à respecter. Pour résider plus de trois mois dans un autre Etat européen que le sien, il faut avoir un travail ou des ressources suffisantes.

Les expulsions sont possibles en cas d'atteinte à l'ordre public ou si une personne pèse sur les finances publiques. Néanmoins, les Etats membres doivent respecter le principe de proportionnalité dans leurs décisions.

Viviane Reding : "Personne ne peut faire l’objet de mesures par le simple fait qu’il appartient à une minorité, car cela est contraire à la Charte des droits fondamentaux"

La commissaire à la justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté, la Luxembourgeoise Viviane Reding, a ouvert le débat avec une déclaration qui devait répondre à un certain nombre de questions soulevées par les expulsions de France des derniers mois. 

Elle a fait plusieurs constats concernant les valeurs et règles de droit fondamentales en vigueur dans l’Union :

  • Les Etats membres sont responsables de leur ordre public.
  • La liberté de circulation n’exclut pas que les Etats membres prennent des mesures contre des personnes qui ne respectent pas la loi.
  • Des renvois de personnes sont donc possibles, mais le principe de proportionnalité doit être respecté.
  • Personne ne peut faire l’objet de mesures par le simple fait qu’il appartient à une minorité, car cela est contraire à la Charte des droits fondamentaux.
  • Aucune sanction ne peut être collective et aucun groupe ethnique ne peut être stigmatisé.

La commissaire a ensuite rappelé qu’avec 12 millions de personnes, les Roms sont la plus grande minorité de l’UE et que leur intégration socio-économique représente un défi majeur pour les 27, qu’ils soient pays d’origine ou pays d’accueil. Il faut leur garantir l’accès au logement, aux soins de santé, à l’emploi. Des stratégies existent pour aider les Etats membres à travers les fonds structurels comme le FSE et le FEDER, notamment pour le logement.

Viviane Reding a insisté sur le fait que la Commission ne travaille pas sur le dossier des Roms depuis le mois d’août, date d’une première déclaration, mais depuis des années. Elle a signalé que la Commission avait publié le 7 avril 2010 une communication sur l’intégration des Roms et qu’une réunion ministérielle avait eu lieu à Cordoue à laquelle seulement 3 ministres avaient assisté. 

Le 7 septembre, la Commission a adopté au sujet des questions politiques soulevées par les événements en France une note. Celle-ci retient qu’une évolution se dessine : la France déclare explicitement qu’elle ne cible pas les Roms, et dit elle-même que ce serait contraire au droit européen. Le fait que le ministre français de l’Immigration ait assuré en public que tous les citoyens de l’UE seraient traités de la même manière est qualifié de "signe très prometteur".

Néanmoins, les services de la Commission continuent de travailler avec les autorités françaises pour vérifier sur le terrain que ce qui est déclaré reflète bien la réalité. Des informations supplémentaires seront éventuellement demandées. La Commission est prête à aider les Etats membres pour que le droit communautaire soit entièrement respecté. En ce qui concerne la France, la Commission demande très clairement une transposition complète de la directive sur la libre circulation, notamment des clauses de sauvegarde, qui donnera plus de sécurité juridique dans des situations comme celles vécues en ce moment.

En guise de "leçon de l’été", cinq mesures ont été décidées par la Commission :

  1. elle veillera à la conformité des mesures des Etats membres à l’égard des Roms avec le droit européen et la Charte des droits fondamentaux.
  2. un groupe de travail de haut niveau verra si les Etats membres suivent les orientations de la communication du 7 avril et que l’efficacité de l’utilisation des fonds européens pour intégration des Roms est donnée, ce qui permettra de mettre en évidence des lacunes.
  3. un Conseil "Jumbo" des Affaires Sociales et de la Sécurité analysera une meilleure utilisation des fonds. "Les  Etats membres n’assument pas leurs responsabilités. Il faut les pousser à agir."
  4. Il faudra s’attaquer à la mise en œuvre d’une feuille de route sous Présidence hongroise au cours du premier semestre 2011.
  5. La traite des êtres humains dont sont victimes de nombreux Roms devrait être abordé avec Europol et Eurojust. 

Le débat qui suivit fut l’occasion pour les porte-paroles des groupes libéral, socialiste, vert et de la gauche unitaire de critiquer de manière très véhémente la position de la Commission, et d’exprimer leur crainte que d’autres pays, comme l’Italie et la Hongrie, ne s’apprêtent à présider à de expulsions collectives. Un projet de résolution commune  a été présenté.

Claude Turmes : "La Commission doit intervenir"

L’eurodéputé luxembourgeois vert Claude Turmes a réagi par communiqué au débat. Pour lui, la question des Roms touche au noyau de ce qu’est l’Union, qui n’est pas seulement un marché unique, mais aussi une communauté de valeurs."Il est scandaleux que les droits des Roms soient foulés aux pieds dans plusieurs Etats de l’UE, que des punitions collectives soient décrétées contre les Roms et qu’ils soient expulsés du pays".

Il mentionne la France qui a expulsé une vingtaine de milliers de personnes entre 2009 et 2010, et l’Allemagne, qui s’apprêterait à expulser 12 000 Roms, "dont la moitié sont des enfants qui sont nés en Allemagne et qui y sont scolarisés".

Le député est très ferme dans son discours : "Ces mesures draconiennes violent clairement le principe de l’UE de la libre circulation des personnes, et de la Charte des droits fondamentaux. Ni l’expulsion sans examen individuel d’un cas, ni le refus de la rentrée sur le territoire ne concordent avec le droit européen. Si cette injustice est tolérée, la voie est libre dans l’UE pour toutes sortes de mesures punitives contre des personnes à cause de leur origine ethnique".

Pour le député européen, la Commission doit donc intervenir et les Etats membres aborder le défi de l’intégration des Roms. Et contrairement aux membres de son groupe politique qui avaient violemment attaqué la commissaire, Claude Turmes a déclaré : "Dans ce sens, je salue de manière expresse l’attitude courageuse et droite de la commissaire Viviane Reding".

Et puis ce coup de semonce à l’attention du gouvernement luxembourgeois : "Le gouvernement luxembourgeois, qui a adopté une remarquable retenue face à ces violations massives des droits fondamentaux, devra également se consacrer à l’intégration des Roms. En 2012, les restrictions concernant la libre circulation des citoyens bulgares er roumains expireront. Les Roms pourront alors aussi circuler librement au Luxembourg, comme cela devrait être la normalité pour tous les citoyens de l’UE. Le Luxembourg ne pourra plus traiter les Roms comme des citoyens de seconde zone et les expulser en vitesse."