Les députés ont approuvé le 16 février 2011 une nouvelle législation visant à empêcher les médicaments falsifiés de pénétrer dans la chaîne d'approvisionnement légale. Les ventes sur Internet seront couvertes par la nouvelle législation qui introduit aussi de nouvelles mesures de sécurité et de traçabilité ainsi que des sanctions à l'encontre des faussaires, en vue d'empêcher la vente de faux médicaments aux citoyens de l'UE.
Le projet de directive, qui a fait l’objet d’un accord entre Parlement et Conseil dès le stade de la première lecture, a été adopté par 569 voix pour, 12 voix contre et 7 abstentions.
"Les médicaments falsifiés sont des tueurs silencieux, parce qu'ils sont dépourvus d'effet ou contiennent des substances toxiques qui peuvent nuire ou même tuer ceux qui les prennent", a plaidé en plénière l’eurodéputée portugaise Marisa Matias (GUE/NGL). Soulignant la forte croissance de la contrefaçon de médicaments – les saisies de faux médicaments ont connu une envolée de l’ordre de 400 % depuis 2005 –, l’eurodéputée qui a suivi le dossier au Parlement estime que "l'absence de cadre juridique encourage la contrefaçon, un crime organisé". "Protéger la sécurité des patients est l'objectif central de la présente directive", a expliqué Marisa Matias.
"Il ne s’agit pas là d’un problème marginal", souligne lui aussi l’eurodéputé luxembourgeois Georges Bach (PPE), comme le rapporte Guy Kemp dans un article du Tageblatt daté du 17 février 2011.
Selon les estimations, 1 % des médicaments actuellement vendus au public européen par la chaîne d'approvisionnement légale seraient falsifiés et ce pourcentage serait en augmentation. Dans d'autres parties du monde, plus de 30 % des médicaments disponibles à la vente pourraient s'avérer falsifiés. En outre, de plus en plus de médicaments innovants et salvateurs - qui permettent notamment de soigner les cancers ou les affections cardiaques - sont des contrefaçons.
Les médicaments falsifiés sont de faux médicaments que l'on fait passer pour des médicaments authentiques et autorisés.
Ils peuvent contenir des composants, y compris des principes actifs, de mauvaise qualité ou mal dosés. Ces médicaments n’ayant pas été soumis aux procédures d’évaluation de la qualité, de la sécurité et de l’efficacité requises par la législation de l'UE, ils peuvent représenter un risque grave pour la santé.
La production et la vente de médicaments falsifiés constituent un commerce illégal d'envergure mondiale en pleine croissance. À titre d’exemple, selon les statistiques établies par les douanes de l’UE, le nombre de médicaments saisis aux frontières extérieures de l’UE (à l’exclusion des problèmes de brevets) a triplé entre 2006 et 2009, et s’élève à environ 7,5 millions d’articles.
En outre, si ce problème de falsification était autrefois principalement limité à la médecine de confort, les médicaments innovants et vitaux, contre les maladies cardiovasculaires par exemple, sont de plus en plus touchés. Il est inquiétant de constater que ces produits parviennent à intégrer la chaîne d’approvisionnement légale dans l’Union. Cela signifie que la vente de médicaments falsifiés n’est pas limitée aux réseaux de distribution illégaux, en ligne par exemple.
Il ne faut pas confondre les médicaments falsifiés et les médicaments contrefaits, qui désignent les médicaments non conformes à la législation de l’UE en matière de droits de propriété intellectuelle et industrielle, notamment les marques déposées et les brevets. La directive sur les médicaments falsifiés n’aborde pas cet aspect.
La directive vise, au moyen de mesures de contrôle et de sécurité harmonisées et paneuropéennes, à empêcher que les médicaments falsifiés n'arrivent jusqu'aux patients. Ces mesures permettront de faciliter la détection des médicaments falsifiés et d'améliorer la qualité des vérifications et des contrôles aux frontières et au sein de l’UE.
Les députés ont jugé nécessaire de réglementer la vente des produits pharmaceutiques via Internet car les ventes en ligne sont l'une des principales portes d'entrée des médicaments falsifiés sur le marché de l'UE.
Lorsque la législation nationale autorise la vente de médicaments sur Internet, les organismes la pratiquant doivent être autorisés à délivrer des médicaments au public, également à distance.
Les sites porteront un logo commun, reconnaissable dans l'ensemble de l'UE afin d'aider le public à identifier s'ils sont liés à une pharmacie autorisée. Toutes les pharmacies sur Internet devraient comporter un lien renvoyant au site web de l'autorité nationale compétente. Les différents sites nationaux seront reliés à un site web européen. Les citoyens devront également être informés des risques liés à l'achat de médicaments provenant de sources illégales via Internet.
Le projet de loi met à jour les règles actuelles et introduit des dispositifs de sécurité devant figurer sur l'emballage des médicaments afin de garantir l'authenticité et l'identification des emballages individuels, ainsi que de vérifier si l'emballage extérieur a été falsifié. Un dispositif de sécurité - qui doit encore être mis au point par la Commission européenne - pourrait par exemple prévoir un certain nombre de sérialisations pouvant être "lues" par la pharmacie pour déterminer l'authenticité du paquet.
En règle générale, ces caractéristiques s'appliquent à tous les médicaments prescrits sur ordonnance, à moins qu'il n'existe, manifestement, aucun risque. Elles s'appliqueraient aux médicaments sans ordonnance uniquement dans des cas exceptionnels, lorsqu'un risque de falsification existe. Dans le cas de ré-emballage, des mesures de sécurité doivent être remplacées par des dispositifs de sécurité équivalents.
En outre, les États membres doivent mettre en place un système visant à empêcher les médicaments dangereux (falsifiés ou présentant des défauts de qualité) d'atteindre le patient. Le système doit également permettre des retraits, y compris auprès des patients.
Si le médicament est soupçonné de présenter un risque grave pour la santé publique, tous les acteurs de la chaîne d'approvisionnement et tous les autres États membres doivent être rapidement alertés. S'il apparaît que les médicaments falsifiés ont été délivrés aux patients, l'alerte doit intervenir dans les 24 heures, de manière à pouvoir procéder au rappel des médicaments.
La mention d’authenticité est élément d'identification unique présent sur l’emballage extérieur qui permet de vérifier l’authenticité du médicament.
Jusqu’à présent, les mentions d’authenticité sur les médicaments étaient réglementées par les États membres. La directive aborde cet aspect au niveau de l’Union européenne. Elle fournit une base juridique pour la spécification de ces dispositifs de sécurité et l'établissement des modalités de contrôle y afférentes dans la chaîne de distribution.
L'obligation d'apposer une mention d'authenticité s’applique à tous les médicaments délivrés sur ordonnance, sauf si une évaluation des risques a permis de démontrer l'innocuité des produits en question. Elle exclut normalement les médicaments en vente libre, car ils ne sont pas la cible privilégiée des falsificateurs. Toutefois, cette obligation peut exceptionnellement s’appliquer à ces médicaments si une évaluation des risques le justifie.
Les principes actifs pharmaceutiques (PAP) constituent l’élément central d’un médicament; la directive introduit des mesures visant à garantir leur authenticité et leur qualité.
Aujourd’hui, la plupart des PAP sont fabriqués hors de l’UE. La directive se fonde sur une collaboration internationale renforcée entre la Commission européenne, le réseau des autorités nationales européennes chargées des médicaments, l’Agence européenne des médicaments et les autorités dans les pays tiers, pour assurer le contrôle des fabricants de PAP au sein et hors de l’UE.
Le réseau de distribution actuel des médicaments est de plus en plus complexe et implique non seulement les distributeurs, qui sont déjà couverts par la législation existante, mais aussi les courtiers de médicaments. A la demande des députés, les personnes exerçant le courtage de médicaments devront à l'avenir être enregistrées afin de pouvoir être rayées de ce registre au cas où elles ne se conformeraient pas aux nouvelles règles.
Les députés voulaient mieux réglementer non seulement l'importation mais aussi l'exportation de médicaments vers les pays tiers. A leur demande, les règles pertinentes en matière d'information s'appliqueront également à la fourniture de médicaments aux personnes autorisées dans les pays tiers.
Enfin, la nouvelle directive prévoit des sanctions pour les infractions à la directive qui ne seront pas "inférieures à celles applicables à des infractions au droit national d'une nature et d'une importance similaires".
Le texte approuvé par les députés est le résultat d'un accord conclu avec le Conseil qui doit également donner son accord formel. Une fois promulgué, les États membres auront 24 mois pour apporter des modifications à leur législation nationale.
Toutefois, pour certaines mesures comme celles liées au dispositif de sécurité, les États membres disposent d’un délai pouvant aller jusqu’à cinq ou six ans environ, compte tenu des adaptations techniques requises.