La réunion informelle du 11 mars 2011 des chefs d’État et de gouvernement des 17 pays membres de la zone Euro consacrée à l’examen des travaux en cours en vue du renforcement de la gouvernance économique dans la zone Euro ainsi qu’à la formulation d’une réponse globale pour le maintien de la stabilité de la zone Euro a duré jusqu’au petit matin du 12 mars.
Les dirigeants de la zone euro ont pris plusieurs décisions pour défendre leur zone monétaire.
Le Fonds de soutien aux pays en difficulté sera renforcé, passant de 250 milliards effectifs à 440 milliards réels. Le problème a été que l’EFSF, le dispositif de sauvetage actuel est déjà sur le papier doté de 440 milliards d'euros de garanties des pays de la zone euro. Mais il ne peut dans les faits prêter que 250 milliards d'euros car il doit conserver le reste en réserve. Le mécanisme permanent de crise qui lui succèdera à partir de mi-2013 sera doté de 500 milliards d'euros. Cette décision avait déja été préparée par les délibérations des ministres européens des Finances.
Ce qui est nouveau, c’est que l’EFSF et le mécanisme permanent de crise auront le droit d'acheter directement de la dette publique émise par les Etats sur le marché primaire obligataire. Mais ils n’ont pas le droit d’acheter des titres sur le marché secondaire, quand les titres sont négociés entre investisseurs.
Les conditions du plan de sauvetage pour la Grèce seront assouplies. Le taux d’intérêt de sa dette dans le cadre du plan de sauvetage a été baissé de 1 %, passant de 5,2 % à 4,2 %. Le délai de remboursement de cette dette a été porté de 3 ans à 7 ans.
Jean-Claude Juncker s’est déclaré satisfait de cette mesure, "parce que nous avons su vaincre les réticences de l’Allemagne et des Pays-Bas par exemple et pu réduire d’un pourcent le taux d’intérêt de la dette grecque, ce qui rend celle-ci plus soutenable sans qu’un effort exagéré ne soit exigé des autres Etats membres. Les marchés financiers devraient comprendre que l’UE fait face à l’ensemble des problèmes qui se posent."
Les conditions de remboursement ne seront pas assouplies pour l’Irlande, qui s’est opposée à la discussion sur une assiette commune de la fiscalité des entreprises qui pourrait entraîner une hausse de sa fiscalité sur les sociétés.
Les mesures d'austérité budgétaire supplémentaires annoncées par le Portugal, autre pays en grande difficulté et dont les marchés attendent qu’il fasse appel à l’aide de ses pairs, ont été saluées.
Ces décisions étaient liées à une contrepartie demandée par l’Allemagne, la France et d’autres pays réticents face aux mesures de sauvetage : un "pacte pour l'euro". Ce pacte est destiné à renforcer la coordination politique en matière de compétitivité et de convergence. A travers lui, les pays de la zone euro s'engagent à limiter leurs déficits et leur dette publique en misant sur la modération salariale dans le secteur public, la réforme des systèmes de pensions, un renforcement de l’investissement dans la R&D et de la formation continue.
Jean-Claude Juncker s’est montré satisfait du résultat du sommet et que les Etats de la zone euro puissent décider eux-mêmes dans le cadre de ce pacte des mesures à prendre pour que ses objectifs soient atteints.
L’abolition de l’indexation des salaires, qui avait soulevé de vifs émois dans le pays, "n’est pas passée comme la France et l’Allemagne l’avaient voulu au début", a expliqué le Premier ministre. "Là où cela s’avérerait nécessaire, des systèmes d’indexation, et pas les systèmes d’indexations, devraient être réexaminés." Cela signifie pour le Luxembourg qu’il n’a pas besoin de changer son système, "puisque notre réglementation et notre pratique prévoient que si des problèmes apparaissent, des modulations des tranches indiciaires peuvent être décidées". Et comme le pacte le prévoit, les salaires se développeront de pair avec la productivité.
La réforme des systèmes de pensions sont également un chantier où il y a accord au sein du gouvernement. La formation continue, plus de ressources pour la R&D, sont des choses dont il a déjà été question.
S’il y a "valeur ajoutée", du pacte pour l’euro, "c’est que les chefs de gouvernements s’occuperont eux-mêmes de ces dossiers et accéléreront peut-être le rythme des réformes structurelles", a expliqué le Premier ministre. "Mais je ne mettrais pas ma main au feu pour cela », a-t-il ajouté le doyen des dirigeants européens. Autre aspect qui lui donne satisfaction : le pouvoir de la Commission pour prendre des sanctions a été renforcé, et pas celui des gouvernements, comme le voulaient la France et l’Allemagne.
L’adoption définitive de ce paquet global est prévue pour la prochaine réunion ordinaire du Conseil européen, les 24 et 25 mars 2011 à Bruxelles.
Pour la CES, qui "souhaite une Europe “coopérative", équitable, et non pas un pacte de compétitivité basé sur le "nivellement vers le bas", les Chefs d’État et de gouvernement de la zone euro "vont dans la mauvaise direction". Le pacte pour l’euro "concerne fondamentalement l’exportation à l’ensemble de la zone euro du modèle de modération salariale suivi par le noyau dur de la zone euro cette dernière décennie."
Pour la CES, "ce pacte, avec sa comparaison stricte des coûts unitaires de la main-d’œuvre, forcera les Etats membres à entrer dans une spirale compétitive vers le bas en matière de salaires et de conditions de travail. Ceci risque d’enfoncer encore davantage l’économie dans la déflation et la dépression. Pendant ce temps, les bénéfices, les bonus et les dividendes explosent, notamment pour nombre de ceux dont les actions ont été à l’origine de la crise."
La CES préférait "la mobilisation de nouvelles sources de financement en introduisant une taxe sur les transactions financières", "des eurobonds pour montrer aux marchés financiers que l’Europe est déterminée à faire bloc pour traverser les crises", " un vaste programme d’investissements s’élevant à 1 % du PIB européen afin de s’attaquer au chômage, en particulier au chômage des jeunes, pour améliorer les structures industrielles et les infrastructures et offrir aux pays en difficultés la possibilité de relancer leur économie en vue de sortir de l’endettement", "la réduction significative des secteurs des bas salaires de l’économie en fixant des seuils de salaires minima en dessous desquels les salaires ne pourront pas descendre, tout en incitant les institutions à étendre la couverture des négociations collectives" et "la réglementation effective des marchés financiers".
La CES organisera en marge du Conseil, européen qui décidera du paquet global le 24 mars 2011 un rassemblement à Bruxelles "pour dire 'non' à la destruction des standards sociaux et aux mesures d’austérité qui étranglent le pouvoir d’achat et touchent les travailleurs et non les spéculateurs."