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Economie, finances et monnaie
De la gouvernance économique et budgétaire à la fiscalité de l’épargne, les ministres des Finances ont eu un ordre du jour pour le moins chargé lors de l’Ecofin
16-02-2011


Les ministres des Finances de l’UE se sont réunis le 15 février 2011 à Bruxelles à l’occasion d’un Conseil "Affaires économiques et financières". Luc Frieden y représentait le Luxembourg.

Gouvernance économique et pacte de stabilité au menu des ministres des Finances : un accord devrait se dessiner le 15 mars prochain

Parmi les sujets à l’ordre du jour, les ministres ont eu à se pencher sur le paquet de propositions législatives faites par la Commission européenne en matière de gouvernance économique et ils ont débattus de ces six textes qui ont pour objectif de renforcer la discipline budgétaire dans les Etats membres et d’élargir la surveillance de leurs politiques économiques.Luc Frieden, Wolfgang Schäuble et Elena Salgado s'entretiennent à Bruxelles lors de l'Ecofin du 15 février 2011 (c) Le Conseil de l'UE

Avant même que les discussions ne commencent sur ces textes qui impliquent une réforme du pacte de stabilité et de croissance, Luc Frieden annonçait la couleur : "les pays doivent surtout prendre en main leurs budgets", estimait le ministre qui plaide pour des règles strictes en la matière. Pour lui, cet Ecofin était donc de la plus grande importance.

Comme le rapporte le Tageblatt dans son édition du 16 février 2011, le Luxembourg plaide selon le ministre Frieden pour la mise en place de règles déterminant la hauteur des dépenses publiques annuelles, et ce en se basant sur la croissance économique à moyen terme. "De telles règles devront sans doute être introduites à l’avenir dans les législations nationales", explique Luc Frieden qui tient en tous les cas à ce que l’on ne prenne pas seulement compte du déficit des Etats mais à ce que l’on veille aussi à leur endettement global.

La Présidence entend parvenir à se fixer sur une "approche générale" sur les six propositions de la Commission à l’occasion du prochain Conseil des ministres qui aura lieu le 15 mars 2011.

En vue du Conseil européen des 24 et 25 mars, les ministres des Finances ont aussi préparé leurs conclusions concernant l’établissement de lignes directrices macroéconomiques et budgétaires au cours du semestre européen, permettant un guidage précoce des États membres pour l’établissement de leurs programmes de réformes nationaux et de leurs programmes de stabilité ou de convergence.

Mécanisme permanent de stabilité et pacte de compétitivité franco-allemand ont aussi été discutés par les ministres

En ce qui concerne les discussions entamées la veille à l’Eurogroupe au sujet du futur mécanisme permanent de stabilité, l’ESM, elles se sont poursuivies.

Luc Frieden n’a pas exclu que l’ESM puisse acheter, selon des conditions strictes, les obligations d’Etats endettés de la zone euro. En tant que "fonds de crise permanent", l’ESM devrait offrir à ses yeux "autant de possibilités qu’il est possible d’en concevoir théoriquement". Le ministre luxembourgeois a insisté cependant sur le caractère primordial de la conditionnalité de l’ESM : il ne va pas s’agir simplement de prêter de l’argent ou d’acheter des Wolfgang Schäuble, Klaus Regling et Luc Frieden en discussion lors de l'Ecofin du 15 février 2011 (c) Ministère des Financesobligations d’Etat, mais les pays devront surtout maîtriser leurs budgets.

Luc Frieden a expliqué aussi que les pays notés d’un triple A devaient se tenir prêts à se porter garants de l’ESM. Il a cependant bien insisté sur le fait que tous les Etats membres étaient appelés à une contribution solidaire dans ce cadre.

Quant au pacte de compétitivité franco-allemand qui apparaît depuis le Conseil européen du 4 février en filigrane des discussions européennes, le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, a donné quelques détails à ses pairs.

Le Tageblatt rapporte que, selon Luc Frieden, le ministre allemand a évoqué quatre pistes de discussions à mener en Europe en vue d’une meilleure compétitivité. Il s’agit en premier lieu d’établir un lien entre le financement des retraites et l’évolution démographique, de fixer ensuite l’assiette d’imposition des sociétés, de garantir une reconnaissance réciproque des diplômes et enfin de discuter de l’idée d’un frein à la dette à l’allemande.

L’éventuelle remise en question de l’indexation des salaires à laquelle s’était farouchement opposé Jean-Claude Juncker le 4 février dernier n’aurait donc pas été évoquée par le ministre allemand lors de cet Ecofin. "Je ne sais pas s’il y a d’autres pistes, mais je sais que Monsieur Schäuble a dit que l’Allemagne encouragerait les autres pays à soumettre leurs propres propositions", a déclaré Luc Frieden.

"Nous devrions voir l’ensemble de la directive sur la fiscalité de l’épargne sous un nouveau jour", a plaidé Luc Frieden devant ses pairs

Les ministres ont par ailleurs procédé à un débat d’orientation sur la directive "fiscalité de l’épargne" ainsi que sur l’accord anti-fraude avec les pays tiers. La tentative de la Présidence hongroise de dissocier la question de l’élargissement du champ d’application de la directive sur la fiscalité de l’épargne afin d’avancer sur le dossier a tourné court face à la franche opposition de l’Autriche et du Luxembourg.

Les deux pays font front commun pour que le paquet fiscal soit discuté dans sa globalité et tienne compte des évolutions internationales en la matière.

La donne a changé du fait des négociations bilatérales menées par l’Allemagne et le Royaume-Uni avec la Suisse a expliqué Luc Frieden qui plaide pour un nouveau départ dans les discussions comme le rapportent Marianne Truttmann et Pierre Leyers dans un article paru dans le Luxemburger Wort du 16 février 2011. Quand des accords bilatéraux qui incluent des clauses sur le prélèvement à la source sont négociés, cela a aussi une dimension européenne aux yeux du ministre luxembourgeois.

"Nous devrions voir l’ensemble de la directive sur la fiscalité de l’épargne sous un nouveau jour", a déclaré le ministre à l’issue des discussions. Il affirme que le Luxembourg est prêt à un débat fiscal plus large, la base des discussions étant actuellement trop restreinte à ses yeux.

L’Autriche et le Luxembourg n’ont de problème ni sur le principe d’élargir le champ de la directive aux fondations ou encore aux assurances, ni sur les standards de l’OCDE. Les deux pays veulent éviter de devoir passer à l’échange automatique d’informations, comme c’est prévu dans la directive car cela fausserait selon Luc Frieden la concurrence avec les places financières importantes. "Les pays de l’UE ne peuvent pas être traités plus mal que les pays tiers", clame le ministre luxembourgeois.

Luc Frieden a confié aux journalistes du Wort avoir ressenti que la pression sur le Luxembourg s’était faite plus faible au cours des discussions menées le 15 février, même si bien sûr le Luxembourg n’a pas gagné d’applaudissements par ses arguments. Il estime que la Présidence hongroise a revu ses ambitions et a compris qu’il ne serait pas possible d’avoir un accord avec le Luxembourg sur la base des textes mis sur la table. Le ministre luxembourgeois estime ainsi que la question ne devrait pas être à l’ordre du jour du prochain Ecofin. Wolfgang Schäuble a lui-même reconnu que "rien ne devrait bouger dans l’UE" en la matière tant que ne seront pas connus les résultats des négociations bilatérales que mènent l’Allemagne et la Grande-Bretagne avec la Suisse.

Luc Frieden imagine mal que la présidence de la BCE revienne à un Luxembourgeois – Yves Mersch - alors que c’est un Luxembourgeois – Jean-Claude Juncker - qui préside l’Eurogroupe

Alors que les ministres des Finances de l’UE validaient la décision prise au cours de la réunion de l’Eurogroupe la veille de nomme le Belge Peter Braet au directoire de la BCE en remplacement de Gertrude Tumpel-Gugerell, dont le mandat expire à la fin du mois de mai, les rumeurs vont bon train quant à la succession du Président de la BCE, Jean-Claude Trichet. Ce dernier voit son mandat expirer fin octobre et la récente démission d’Axel Weber de son poste de président de la Bundesbank, alors qu’il était pressenti par beaucoup pour lui succéder, provoque une certaine agitation.

Dans un article publié le jour même du Conseil Ecofin, Luc Frieden confiait à La Stampa que le gouverneur de la Banque d’Italie, Mario Draghi, avait, s’il devait se porter candidat, ses chances. 

"Je connais Mario Draghi depuis longtemps, je l'ai toujours trouvé impressionnant et intelligent", déclarait Luc Frieden qui rappelait que si Mario Draghi est président du Conseil de Stabilité Financière c'est qu'il "connaît bien le métier". Le 11 février, Giulio Tremonti avait appuyé la candidature de Mario Draghi tandis qu’apparaissent aussi dans les colonnes des journaux les noms de Klaus Regling, d’Erkki Liikanen ou encore d’Yves Mersch.

"Ne me demandez pas toutefois si je voterais pour [Mario Draghi]", a prévenu Luc Frieden qui veut "d'abord évaluer les autres noms".

Quant à la probabilité qu’Yves Mersch soit choisi, Luc Frieden a déclaré à l’issue du Conseil "ne pas être en connaissance d’une candidature luxembourgeoise". Le Wort rapporte ainsi que Luc Frieden a du mal à imaginer que la zone euro ait en même temps un président de la BCE luxembourgeois et un président luxembourgeois de l’Eurogroupe. "La probabilité que tous les pays nous soutiennent pour que les deux postes-clefs de la zone euro soient occupés par des Luxembourgeois me semble presque nulle", a expliqué Luc Frieden. Et il n’a pas manqué d’ajouter que le fait que le Premier ministre soit président de l’Eurogroupe est "déjà une grande chance pour le Luxembourg".

Pour Luc Frieden, le temps presse, car toute hésitation pourrait causer de l’instabilité à ses yeux. Peut-être en saurons-nous plus pour Pâques ?