Dans un entretien accordé au journaliste Frank Kuffer et diffusé sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg le 28 juin 2011, le ministre luxembourgeois des Finances, Luc Frieden, revient sur plusieurs dossiers qui font l’actualité européenne.
A commencer par la Grèce, au sujet de laquelle il rappelle que le Luxembourg a accordé, comme les autres pays, des prêts bilatéraux dans le cadre du plan d’aide validé au printemps 2010. Ainsi, ce sont pour l’instant près de 100 millions d’euros qui ont été prêtés, et qui ont déjà rapporté au Luxembourg 2,2 millions d’euros d’intérêt.
L’idée avancée par l’ancien ministre allemand des Affaires étrangères, Frank Walter Steinmeier, de créer un poste de ministre européen des Finances, est reçue avec prudence par le ministre luxembourgeois qui souligne que créer une fonction qui n’est pas dotée de pouvoirs ne peut fonctionner.
Prenant l’exemple des postes de président du Conseil et de ministre européen des Affaires étrangères qui "ont certes été créés+, Luc Frieden observe que "quand il s’agit de passer aux choses sérieuses, dans le cas de la crise libyenne par exemple, on voit peu ces nouvelles personnalités européennes, parce qu’elles n’ont pas été pourvues de pouvoirs".
A ses yeux l’idée de créer un poste de ministre européen des Finances ne ferait donc sens que s’il existait aussi "une politique budgétaire et financière européenne". "Pour le moment, nous ne l’avons pas", souligne le ministre qui trouve donc l’idée "sympathique", mais ne la juge pas pertinente "s’il s’agit juste de donner un titre à quelqu’un". Luc Frieden appelle pourtant de ses vœux "une politique économique mieux coordonnée" qui serait la condition préalable à la création d’un tel poste.
Luc Frieden note en effet avec un regard critique "un manque d’intégration de la politique européenne" : "je suis d’avis que toutes les grandes questions qui se posent en matière de finances, d’énergie, de sécurité, ne peuvent être résolues par les Etats nationaux seuls, qu’une politique européenne est nécessaire pour y arriver", lance le ministre des Finances qui conclut sa profession de foi européenne en soulignant la nécessité, pour faire face à ces défis, "d’exercer ensemble notre souveraineté nationale".
Abordant la question de la retenue à la source sur les revenus de l’épargne, Luc Frieden rappelle que l’augmentation de cet impôt, qui va passer à 35 % le 1er juillet 2011, concerne les non-résidents, et qu’elle est prévue et annoncée depuis 10 ans. "Les clients y sont préparés", déclare le ministre pour qui une telle hausse ne devrait pas avoir une grande incidence sur le secteur de la banque privée au Luxembourg.
"Je pense qu’il est toujours intéressant d’investir au Luxembourg", répond donc Luc Frieden au journaliste. Le ministre précise en effet que la retenue à la source ne concerne pas tous les produits financiers, et il souligne que les investisseurs ont par ailleurs le choix de se soumettre à la retenue à la source au Luxembourg, ce qui leur garantit une certaine confidentialité, ou bien de transmettre à leur pays de résidence les informations sur leurs revenus.
Certes, reconnaît le ministre, la somme globale de l’argent versé par le Luxembourg aux autres pays de l’UE au titre de cet impôt a reculé, passant de 122 millions d’euros en 2009 à 98 millions en 2009. Un phénomène que Luc Frieden explique principalement par le fait que les taux ont baissé, diminuant d’autant les revenus de l’épargne qui sont imposés. "Sans doute certains petits clients sont aussi revenus dans leur pays de résidence", concède le ministre. Mais il assure que le secteur de la banque privée a, du fait de la qualité des services qu’il propose, du fait des produits internationaux qu’il met à disposition, un grand avenir au Luxembourg. La somme de 98 millions reste tout de même "considérable"… Sans compter qu’en plus de cet argent reversé aux pays de résidence des investisseurs, 41 millions d’euros provenant de la retenue à la source sur les revenus de l’épargne des non-résidents sont restés au Luxembourg, provisionnant d’autant le budget de l’Etat.
Les négociations sur la réforme de la directive sur la fiscalité de l’épargne durent depuis longtemps, rappelle par ailleurs le ministre. Le Luxembourg a dans ce cadre posé comme condition à son accord sur l’élargissement de son champ d’application le fait que les pays tiers en relation directe avec l’UE acceptent le même champ d’application de la directive. Luc Frieden annonce donc d’ores et déjà que des négociations entre l’UE, la Suisse, le Liechtenstein et d’autres pays seront lancées dans les prochains mois pour voir si ces pays seraient d’accord avec un tel élargissement.
Mais pour Luc Frieden, la confidentialité concernant certaines informations, notamment financières, est loin d’être sans importance. Le ministre défend donc, face aux accusations lancées au Luxembourg qui serait un paradis fiscal, le modèle de la retenue à la source : ce dernier garantit que l’impôt est payé tout en préservant une certaine confidentialité. Cette confidentialité ne devrait pas être "simplement supprimée à la légère", mais il convient, selon Luc Frieden, de s’assurer que l’impôt est payé et que les instruments de coopération existent en cas de fraude grave.