Réunis en Conseil Ecofin au lendemain de réunions qui ont abouti à un accord sur le plan d’aide financière au Portugal et sur le choix de Mario Draghi pour succéder à Jean-Claude Trichet au poste de président de la BCE, les ministres des Finances de l’UE ont poursuivi leurs discussions le 17 mai 2011, abordant nombre de sujets, comme le suivi du paquet sur la gouvernance économique, au sujet duquel les négociations sont en cours avec le Parlement européen, ou encore la proposition de budget de l’UE pour 2012 faite par la Commission.
Le ministre des Finances Luc Frieden, qui représentait le Luxembourg, a souligné à l’issue de la réunion qui a permis de valider le plan d’aide au Portugal discuté la veille sous la présidence de Jean-Claude Juncker, que "les contribuables luxembourgeois n’auraient rien à débourser, le financement se faisant par des instruments européens (le mécanisme européen de stabilité financière, EFSM, et le fonds européen de stabilité financière, EFSF, ndlr.) auxquels le Luxembourg contribue par des garanties".
Selon la décision des ministres des Finances, l'UE accordera des prêts jusqu'à concurrence de 52 milliards d'euros dans le cadre d'une enveloppe de 78 milliards d'euros d'assistance financière ; la part de l'UE comprenant 26 milliards d'euros au titre du Mécanisme européen de stabilisation financière et un montant identique au titre du Fonds européen de stabilité financière. La contribution du FMI s'élèvera à 26 milliards d'euros au titre d'un mécanisme élargi de crédit.
L'assistance de l'UE sera décaissée en 14 tranches au plus. L'échéance moyenne des prêts accordés n'excédera pas sept ans et demi et les marges s'élèveront à 215 points de base en plus du coût du financement apporté par l'UE, ce qui correspond aux conditions d'aide du FMI.
L'assistance est accordée sur la base d'un programme de trois ans couvrant la période allant jusque mi-2014, qui a été négocié avec les autorités portugaises par la Commission et le Fonds monétaire international, en liaison avec la Banque centrale européenne.
Le programme prévoit un dispositif de soutien aux banques d'un montant maximal de 12 milliards d'euros afin de mettre à disposition des capitaux suffisants au cas où des solutions fondées sur le marché ne seraient pas trouvées.
Les ministres ont aussi trouvé un accord de compromis sur l’approche générale d’un projet de règlement sur les ventes à découvert et les "Credit default swap", CDS.
Un investisseur vend "à découvert" un titre qu'il a emprunté, voire qu’il n'a pas en sa possession, dans le cas des ventes à découvert dites "à nu", avec l'espoir de pouvoir se le procurer à un prix moins élevé au moment de le rendre à celui qui l'a prêté ou de le livrer à son client. Il empoche ainsi la différence.
Cette pratique peut être "utile pour la liquidité" du marché, mais aussi "amplifier les effets d'une crise", ainsi que l’a souligné le commissaire européen chargé des services financiers, Michel Barnier.
Concrètement, les ministres ont accepté d'imposer des exigences de transparence aux investisseurs pratiquant des ventes à découvert, et qui dans certains cas devront communiquer leurs positions aux régulateurs, voire publiquement.
Ainsi, en cas de vente à nu, les investisseurs devront s'être assurés de la disponibilité des titres concernés au moment où ils boucleront leur vente. Cette obligation ne s'appliquera toutefois pas à certains titres liés à la dette des Etats.
Les ministres sont également d'accord pour qu'en cas de graves turbulences, la nouvelle autorité européenne de supervision des marchés financiers (ESMA) puisse intervenir pour coordonner les réactions des différents Etats, voire pour imposer des restrictions ou une interdiction pour certaines ventes à découvert. L'idée est d'éviter des réponses désordonnées, comme pendant la crise financière où seulement certains pays les avaient interdites.
Les Britanniques ont toutefois obtenu que l'ESMA ne puisse interdire les ventes à découvert de titres souverains qu'avec le consentement du régulateur national du pays concerné.
Au cours du débat sur ce sujet, Luc Frieden a tenu à glisser un commentaire de nature politique, rappelant notamment le contexte dans lequel les discussions sur ce sujet ont commencé, à savoir celui d’une crise financière à laquelle les politiques se sont efforcés d’apporter une réponse par une meilleure réglementation.
Pour Luc Frieden, il importait donc avant tout d’avancer sur ce sujet au nom de "la crédibilité des réponses politiques à la crise". S’il a apporté par conséquent le soutien du Luxembourg à la présidence, il a souligné qu’il fallait "plus de transparence et de compétence de la part des autorités de surveillance".
Le Parlement européen s’était prononcé pour une interdiction pure et simple de certaines pratiques très spéculatives. Le rapporteur parlementaire, Pascal Canfin, a jugé "paradoxale" l'approche des ministres. "Alors que le texte initial visait à limiter la spéculation sur les dettes souveraines, notamment en cas de crise", ils ont accepté "un relâchement des règles dans certains cas", a-t-il dénoncé.
Les ministres ont ensuite eu un débat d’orientation sur la réforme de la directive sur la fiscalité de l’épargne. Un sujet qui occupe les ministres des Finances depuis maintenant plusieurs années. Mais la date du 17 mai 2011 marque cependant un pas important dans la mesure où l’Autriche et le Luxembourg ont levé leurs réserves et on fait preuve d’un "esprit de compromis" dont la présidence hongroise n’a pu que se féliciter.
Luc Frieden a en effet salué au cours du débat le fait que la Présidence ait tenu compte des remarques du Luxembourg pour accorder toute son importance à la dimension "pays-tiers" de la refonte de la directive. La Présidence hongroise a en effet proposé que l'élargissement de la directive européenne sur la fiscalité de l'épargne soit négocié avec cinq pays non membres de l'Union.
"Je suis heureux de constater que notre thèse porte ses fruits", a déclaré le ministre luxembourgeois, comme le rapporte La Voix dans son édition du 18 mai 2011. "Notre thèse veut que la directive puisse être élargie à des pays tiers à condition que ses dispositions soient appliquées par ces pays".
Seul obstacle désormais, la position italienne, défendue avec vigueur par le ministre Giulio Tremonti. Pour lui la directive en question a été "écrite par la Suisse", et il dénonce l’absence de sanctions à l’encontre des opérateurs ou des Etats membres ne respectant pas ce texte dont il regrette qu’il soit "systématiquement violé". Le ministre attend que la Commission présente son rapport sur l’application de cette directive.
Luc Frieden constate donc "un blocage", mais il souligne que "la dimension pays tiers reste prévue". Pour le ministre luxembourgeois, qui est cité par le Luxemburger Wort et par le Tageblatt dans leur édition du 18 mai 2011, le contrôle du respect de la directive par tous les Etats est important, mais les sanctions que demande Giulio Tremonti ne sont pas nécessaires au vu des possibilités offertes par les traités.
Le ministre luxembourgeois a bon espoir que la Présidence et la Commission trouvent une solution avec l’Italie d’ici à la prochaine réunion des ministres des Finances qui aura lieu en juin à Luxembourg. Et il espère aussi que le Conseil donnera vite mandat à la Commission pour négocier avec les pays tiers concernés l’élargissement de la directive.