Le 28 juin 2011, la Commission Agriculture et développement rural (AGRI) du Parlement européen a modifié une proposition de règlement de l'UE sur les relations contractuelles dans le secteur du lait. En gros, ce nouveau règlement de l’UE incite les producteurs de lait, s’ils veulent disposer d'une capacité de négociation accrue et parvenir à des prix plus équitables, à rejoindre des associations de producteurs. Il exige également que l'établissement du prix du lait soit plus clair dans la chaîne de distribution, et que les laiteries rendent compte, chaque mois, de leurs achats, ainsi que l’ont indiqué les membres de la commission de l'agriculture.
Pour combler le déséquilibre au niveau du pouvoir de négociation entre les producteurs laitiers et la laiterie, les producteurs laitiers doivent pouvoir rejoindre des associations de producteurs capables de négocier la livraison de lait cru et de leur assurer une part plus équitable dans le prix payé par le consommateur, notamment pour couvrir l'augmentation des coûts de production, indiquent les membres de la commission de l'agriculture.
Un autre aspect est la lutte contre les "ententes". À cette fin, le volume total de lait cru faisant l’objet des négociations menées par une association de producteurs, produit ou livré dans chaque État membre, ne peut excéder 40 % de la production nationale totale de l'État membre – soit 7 % de plus que la proposition originale de la Commission – et 3,5 % de la production totale de l'UE. Par ailleurs, pour éviter toute distorsion de la concurrence, une autorité nationale de concurrence ou – lorsque les négociations couvrent plus d'un État membre – la Commission européenne, pourra estimer qu'une renégociation de l'accord est nécessaire ou qu'il ne doit pas être mis en œuvre.
Selon le nouveau règlement, toute livraison de lait cru d'un producteur à un transformateur de lait cru devra faire l'objet d'un contrat écrit entre les parties. Si la livraison est effectuée par un ou plusieurs collecteurs, il appartiendra à l'État membre concerné de préciser l'étape à couvrir par le contrat, indique un amendement déposé par les députés.
Les contrats doivent être conclus avant la livraison avec indication du prix du lait pour une durée non inférieure à un an. Aujourd'hui, les prix du lait ne sont souvent fixés qu'après la livraison, en fonction des gains réalisés par la laiterie, ce qui revient, pour les exploitants, à vendre leur lait sans en connaître préalablement le prix.
Les volumes de lait cru et les prix moyens payés devront être déclarés mensuellement par le premier acquéreur, précise un amendement approuvé en commission.
Les députés demandent également la mise en place d'une agence de surveillance du marché chargée de collecter et de diffuser une série de données relatives à la production et à l'approvisionnement afin de garantir un système d'alerte rapide en cas d'éventuel déséquilibre du marché.
Pour améliorer le fonctionnement du marché des produits laitiers commercialisés sous une appellation d'origine protégée (AOP) ou une indication géographique protégée (IGP), les députés ont proposé des systèmes de gestion de l'offre pouvant être mis en place par les États membres. Toutefois, ces systèmes ne peuvent en aucun cas affecter la concurrence au sein du marché unique, ni affecter négativement les petits producteurs, soulignent les députés.
Selon les députés, les nouvelles règles pourraient s'avérer insuffisantes pour surmonter toutes les difficultés rencontrées par les producteurs laitiers, en particulier dans le cas des petits troupeaux ou des régions éloignées. C'est pourquoi les députés demandent à la Commission de présenter des mesures supplémentaires pour les producteurs dans le cadre de sa proposition législative, qui devrait voir le jour à la fin de l'automne 2011, dans la perspective de la prochaine réforme de la politique agricole commune.
Le rapport établi par James Nicholson (ECR) a été approuvé par 34 voix pour et 3 voix contre.
Le rapport sera soumis au vote du Parlement dans son ensemble fin 2011. Entretemps, les députés mèneront un trilogue informel avec la Commission et le Conseil en vue de parvenir à un accord en première lecture avant le vote en plénière. Les nouvelles dispositions, qui seront mises en œuvre après les votes prescrit et leur publication dans le Journal officiel de l’UE, sont censées rester en vigueur jusqu’au 30 juin 2020, et être réexaminées en 2014 et 2018.
Le président de l’European Milk Board (EMB), Romuald Schaber, qui était le 29 juin 2011 à Luxembourg pour une conférence de presse conjointe avec Fredy de Martines du Luxembourg Dairy Board (LDB), qui regroupe 300 producteurs de lait luxembourgeois, a porté un jugement mitigé sur ce nouveau développement.
Pour l’EMB, le rapport "présente des graves lacunes, mais il est également évident que le travail politique de l’EMB a porté des fruits." Pour les producteurs de lait, "l’obligation des contrats de livraison partout dans l’UE, et l’introduction d’un système de transmission des données de livraison "sont des lueurs d’espoir". Mais il reste "extrêmement problématique que les coopératives soient exemptées des régulations importantes et que des formules de prix nébuleuses pour des contrats entre producteurs et transformateurs soient autorisées". Bref, "le résultat final du vote de la Commission AGRI du Parlement européen n’est pas propre à faire face aux défis du marché laitier. Ces décisions ne peuvent pas empêcher la prochaine crise."
L’introduction d’un système de transmission des données sur les volumes et les prix des achats de lait aux institutions nationales est jugée de manière positive, car elle "permet la surveillance du marché et il est indispensable d’élargir ce système afin d’établir une agence européenne de régulation", dit Romuald Schaber. L’agence de régulation prévue est aussi saluée.
L’EMB salue également le fait que le Parlement européen ait voulu rendre les contrats obligatoires et valables dans toute l’UE. Cela renforce "le marché commun (...) par des règles communes et des conditions similaires qui s’appliquent à tous les producteurs » et « réduit le risque de monter les producteurs les uns contre les autres".
Le fait que la Commission AGRI ait relevé les limites nationales de regroupement pour des organisations de producteurs de 33 % - la proposition initiale de la Commission européenne - à 40 % est aussi bien accueilli, et l’EMB s’en attribue le mérite. La limite de 3,5 % de la production laitière de l’UE pour les regroupements de producteurs à l’échelle européenne par contre ne correspond pas pour les producteurs de lait aux conditions réelles sur le marché. Dans un contexte de grandes fusions des laiteries, cette limite empêche les producteurs de négocier à pied d’égalité avec leurs clients.
Pour l’EMB, "la décision d’exempter des coopératives de l’obligation de fixer des prix avec leurs producteurs est extrêmement insatisfaisante", car elle favorise selon l’association des prix plus bas. Les conditions des contrats définies par la Commission AGRI et ses formules sont jugées "nébuleuses" et affaiblissent la position des producteurs sur le marché. Par ailleurs, les organisations interprofessionnelles sont considérées comme "un tigre en papier sans compétences".
Des propos de Fredy de Martines, il est ressorti que le prix actuel du lait qui tourne autour de 30 cents le litre ne suffit pas à la rentabilité des exploitations, et cela est d’autant plus vrai que le prix des fourrages a augmenté de 30 à 35 %, notamment à cause de la sécheresse. L’aide publique pallie à l’urgence du moment, mais l’objectif, c’est d’arriver à un prix du lait qui permette aux exploitations de redevenir rentables. Et cette rentabilité passe par un prix de 40 cents le litre.