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Economie, finances et monnaie
Le Parlement européen entend limiter la spéculation sur les marchés financiers : en matière de produits dérivés et de ventes à découvert, les députés reportent le vote pour laisser ouverte la porte à des négociations avec le Conseil
05-07-2011


Trois propositions, instaurant un marché des dérivés moins volatil, réduisant les pratiques spéculatives liées aux ventes à découvert et réduisant les délais pour la mise en place de systèmes d'indemnisation aux investisseurs, ont reçu le soutien du Parlement le 5 juillet 2011, en vue des négociations avec les États membres.Les parlementaires réunis dans l'hémicycle pour la session de votes du 5 juillet 2011 (c) Parlement européen

Des écarts significatifs devraient distinguer la position du Parlement et, une fois adoptée, celle des États membres sur la directive concernant les systèmes d'indemnisation des investisseurs et les députés ont décidé de clore la procédure en première lecture. Dans le cas des deux textes sur les produits dérivés et la vente à découvert, le vote en plénière a permis de recueillir des majorités importantes qui devraient renforcer la position des négociateurs dans les discussions en cours avec les États membres. Le Parlement partage les pouvoirs de codécision avec les États membres pour les trois textes.

Le rapport sur les systèmes d'indemnisation a été adopté par 566 voix pour, 17 voix contre et 88 abstentions, alors que les amendements sur les produits dérivés et sur la vente à découvert ont été adoptés à main levée. Les votes finaux de ces deux rapports ont été reportés pour laisser la porte ouverte à la négociation avec le Conseil.

Capitalisation accélérée des systèmes d'indemnisation et "mauvais conseil" comme motif de plainte

Le texte adopté concernant les systèmes d'indemnisation – préparé par Olle Schmidt (ADLE) – vise à mieux protéger les investisseurs privés contre les pratiques frauduleuses et les entreprises d'investissement défaillantes, notamment en ajoutant l'argument du "mauvais conseil" comme élément suffisant pour l'introduction d'une demande d'indemnisation.

Olle Schmidt (c) Parlement européen 2011Les nouvelles règles réduisent également de moitié le délai de capitalisation des systèmes d'indemnisation nationaux – soit 5 années au lieu de 10 – et devraient permettre aux autorités locales, aux ONG et aux privés, de déposer des demandes d'indemnisation.

Le texte adopté impose également plus d'harmonisation au niveau de la conception des systèmes ainsi que des contributions financières plus importantes de la part des entreprises d'investissement qui prennent des risques plus importants.

Les députés n'ont toutefois pas soutenu la proposition de la Commission des affaires économiques visant à porter le montant minimum de l'indemnisation à 100 000 euros.

"Je crois à la liberté sur le marché et au droit de choisir", a plaidé le rapporteur, mais, a-t-il souligné aussi, "le droit à la protection est également essentiel".

Restreindre la vente à découvert à nu et la négociation des contrats d'échange sur défaut (CDS)

Les contrats d'échange sur défaut (CDS ou credit default swap) sont des sortes d'assurances, des titres qui  permettent normalement de se couvrir contre le non-remboursement d'obligations  émises par des Etats ou des entreprises. Mais certains acteurs du marché en achètent à "nu", sans détenir les obligations correspondantes, et les utilisent pour faire de la spéculation.

Le rapport élaboré par Pascal Canfin(Verts/ALE) sur la vente à découvert contient deux innovations importantes.Pascal Canfin (c) Parlement européen 2011

Tout d'abord, il demande aux opérateurs d'établir leurs positions courtes non couvertes à la fin de chaque journée de négociation.

Ensuite, il limite la négociation des CDS aux détenteurs des obligations d'État connexes ou de participations dont la performance est liée à ces obligations, par exemple des obligations bancaires grecques étroitement liées aux obligations souveraines.

"Il faut empêcher un investisseur d'acheter un CDS sur la dette grecque s'il n'est pas exposé au risque grec", a fait valoir le rapporteur Pascal Canfin. "Le fait d'acheter des CDS sur une obligation accroît la perception du risque, ce qui fait augmenter les taux d'intérêt", a-t-il dénoncé.

Certains pays sont contre une interdiction des ventes à découvert de CDS parce qu’ils craignent, comme se plaisent à leur faire croire les marchés, que cela n’ait pour conséquence une réduction des liquidités sur les marchés, déplore l’eurodéputé luxembourgeois Robert Goebbels (S&D). "On propose maintenant comme compromis aux Etats membres qu'ils puissent exclure de l’interdiction leurs propres obligations", a-t-il précisé au journaliste Guy Kemp qui rapporte dans le Tageblatt daté du 6 juillet 2011 la mise en garde de l’eurodéputé : "Mais ils vont devoir expliquer à leurs citoyens pourquoi ils se placent sous la coupe des spéculateurs".

Le Conseil était arrivé à un accord sur son approche générale au sujet de la proposition de la Commission en mai dernier.

Si Pascal Canfin avait pour ambition d’interdire aussi les ventes à découvert de CDS portant sur des actions (autres que les obligations souveraines), il a renoncé à son projet, obtenant un accord du Parlement européen sur un encadrement plus strict des ventes à découvert à nu sur les actions.

Sécurité, stabilité et transparence sur le marché de gré à gré

Le rapport sur les produits dérivés négociés de gré à gré, les contreparties centrales de compensation et les référentiels centraux – élaboré par Werner Langen (PPE) – vise à accroître la sécurité, la transparence et la stabilité du marché des produits dérivés négociés de gré à gré, évalué à quelque 425 000 milliards d'euros en 2009.

Werner Langen (c) Parlement européenLe recours à une contrepartie centrale de compensation pour les contrats de produits dérivés de gré à gré permettra de diminuer l'exposition au risque de crédit de la contrepartie, notamment le risque de défaillance d'une des contreparties à la transaction. Un rôle clé de surveillance est également envisagé pour la nouvelle Autorité européenne des marchés financiers (AEMF).

"Ce sujet revêt une grande importance", a souligné le rapporteur, "notamment parce que la négociation des OTC n'est soumise à aucune contrainte juridique, si ce n'est le contrat signé entre les parties".

Aux yeux de Robert Goebbels, la réglementation de ces instruments financiers n’est pas importante seulement du fait qu’ils étaient au cœur des problèmes rencontrés au plus fort de la crise financière, mais aussi parce que la valeur des volumes échangées était évaluée en 2008 à 12 fois le produit mondial brut ! Pour lui, il convient par conséquent que les dérivés soient enregistrés à l’avenir auprès des autorités de surveillance nationales et européennes.