Réunis en plénière pour leur session de rentrée, les eurodéputés ont eu le 14 septembre 2011 un débat sur la crise économique et l’euro. Un débat auquel étaient conviés le ministre polonais des Finances, Jan Vincent-Rostowski, José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, et Olli Rehn, membre de la Commission en charge des Affaires économiques et monétaires. Le débat a fait largement écho à celui qui avait eu lieu en commission le 29 août 2011.
Le ministre polonais, Jan Vincent-Rostowski, a ouvert le débat en dépeignant un portrait pour le moins inquiétant de la situation : "Pas de doute, l'Europe est en danger", a-t-il martelé. Au nom du Conseil, il a loué, comme il l’avait fait à la fin du mois d’août, les interventions de la Banque centrale européenne pour stabiliser les marchés. "Si la zone euro s'effondre, l'UE ne lui survivra pas longtemps", a-t-il mis en garde. Il a encouragé une fois de plus le Parlement à adopter le paquet législatif sur la gouvernance économique, qui est actuellement en négociations avec le Conseil, le plus vite possible.
Le président de la Commission européenne, qui a appelé de ses vœux un "nouveau moment fédérateur" à ses yeux indispensable pour relever "le défi le plus grave d’une génération" dans lequel se joue "l’avenir et économique de l’Europe", a aussi rappelé les actions jugées nécessaires par l’institution qu’il préside. Et de redire dans son discours la nécessité d’une mise en œuvre rapide de l’accord du 21 juillet 2011 et d’un accord rapide sur le paquet sur la gouvernance économique – le fameux "six-pack" sur lequel achoppent encore les négociations entre Parlement européen et Conseil. José Manuel Barroso a par ailleurs annoncé la présentation prochaine de deux propositions attendues : l’une concernant l’introduction d’obligations européennes, l’autre la mise en place d’une taxe sur les transactions financières.
Les parlementaires se sont eux fait l’écho de l’inquiétude des citoyens. Ils ont appelé à une réponse "véritablement européenne" à la crise, les appels au respect de la méthode communautaire se sont poursuivis, comme à la fin du mois d’août dernier. Olli Rehn a d’ailleurs reconnu lui-même un "excès d’inter-gouvernementalisme". Les charges contre la Commission ont été fortes, venant des Verts, mais aussi du PPE, à l’exemple de l’influent député Werner Langen.
Une charge qu’a reprise l’eurodéputée luxembourgeoise Astrid Lulling dans une prise de position diffusée à l’issue du débat et intitulée "quand la Commission se réveillera-t-elle ?". Comme elle le rappelle, la Commission dispose du "monopole de la proposition législative" et elle se demande si José Manuel Barroso n’a "toujours pas pris la mesure de la crise" ou si "la répétition de ses discours verbeux ne cache pas son impuissance".
Si elle dit regretter "bien des initiatives récentes ou des dérives vers le fonctionnement intergouvernemental, sous le leadership du tandem Merkel-Sarkozy", Astrid Lulling constate cependant que "la nature a horreur du vide". "Comment reprocher au président de la République française ou à la chancelière allemande de tirer un peu trop la couverture à soi, lorsque les institutions communautaires, la Commission européenne en tête, n’existent pas ou si peu?", s’interroge donc, non sans amertume, l’eurodéputée. Le bilan du mandat de José Manuel Barroso est à ses yeux "plus que terne" et "n’augure rien de bon".
"La crise de l’euro, ou celle de la dette de la zone euro, est telle que plus rien ne sera plus comme en avant". Tel est le constat d’Astrid Lulling pour qui il convient de "dessiner une nouvelle architecture pour l’union monétaire" dont les défauts sont "patents". Pour autant, l’eurodéputée juge vain "d’avancer des solutions toutes faites, comme par exemple les eurobonds, et de les présenter comme une panacée réglant tous les problèmes". "Oui, l’idée de mutualiser les dettes devrait trouver sa concrétisation à moyen terme", lance-t-elle, ajoutant cependant qu’il convient de mesurer leur implication, à savoir une mise sous tutelle budgétaire plus ou moins rigoureuse des Etats membres. "Nous en sommes encore loin, même si nous devons aller dans cette direction", estime Astrid Lulling.
L’eurodéputée luxembourgeoise plaide pour que l’on parte de ce qui existe à l’heure actuelle, en premier lieu, le fonds européen de stabilité qui deviendra le mécanisme européen de stabilité. Ce dernier "obéira à un fonctionnement strictement intergouvernemental", regrette Astrid Lulling qui estime que "ce n’est pas son objet". "La politique monétaire est complètement intégrée, le fonds de défense de l’euro est intergouvernemental", constate-t-elle, concluant que "cela ne peut marcher à terme".
Astrid Lulling plaide donc pour "un véritable fonds monétaire européen, avec une garantie commune des prêts aux Etats en difficulté au lieu de garanties individuelles", un instrument qui devrait devenir "pleinement communautaire".
Le paquet sur la gouvernance économique, sur lequel un accord est espéré de toutes parts avec une certaine impatience, suscite chez les eurodéputés luxembourgeois des commentaires pour le moins variés.
Pour Frank Engel (PPE), le blocage réside dans le fait que les Etats n’ont au fond, pas la moindre envie de renoncer à un iota de leur souveraineté budgétaire et fiscale. C’est ce que rapporte RTL.lu. Le jeune eurodéputé luxembourgeois plaide pour un "changement de paradigme de premier ordre", les Etats devant selon lui se faire à l’idée de devoir renoncer à une part substantielle de leur souveraineté. Un point sur lequel le Luxembourg ne fait, à ses yeux pas exception. Le parlementaire se prononce clairement comme la majorité de ses pairs : "pour une politique économique européenne plus forte".
Une vision que ne partage pas le socialiste Robert Goebbels. Le journaliste Guy Kemp rapporte en effet dans le Tageblatt daté du 15 septembre 2011 que l’eurodéputé luxembourgeois se range lui dans le camp du Conseil. Selon Robert Goebbels la décision d’engager une procédure de déficit et de prononcer des sanctions contre une Etat membre de la zone euro doit continuer de relever de l’appréciation des politiques élus. A ses yeux, les Etats membres devraient avoir le droit de défendre leurs intérêts en ayant la possibilité d’expliquer selon les circonstances comment ils en sont arrivés à un déficit excessif. "Les sanctions quasi automatiques exigées par une majorité d’eurodéputés conduiraient à ce que les fonctionnaires se contentent à Bruxelles d’appliquer aveuglément les textes", craint en effet Robert Goebbels.