Alors que l’été touche à sa fin, la commission des Affaires économiques et monétaires(ECON) du Parlement européen a tenu à organiser dès le 29 août 2011 un débat visant à faire le point sur la situation économique et financière et à voir comment y faire face.
Jean-Claude Trichet, président de la BCE, Jacek Rostowski, ministre des Finances de la Pologne, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE, Jean-Claude Juncker, président de l’Eurogroupe et Premier ministre du Luxembourg, et Olli Rehn, commissaire européen en charge des Affaires économiques et financières, ont donc répondu présents à une invitation lancée par l’eurodéputée Sharon Bowles qui a présidé les débats.
"Sauver l’Euro ne doit pas se faire au détriment de l’UE", a mis en garde l’eurodéputée libérale britannique en guise d’introduction à un débat au cours duquel se sont exprimées nombre d’inquiétudes. Les actions de rachat lancées par la BCE pendant le mois d’août ont été largement saluées par les eurodéputés qui ont été nombreux aussi à lancer un appel pour défendre la méthode communautaire. L’eurodéputée luxembourgeoise Astrid Lulling (PPE) a d’ailleurs plaidé pour faire entrer l’EFSF dans le giron communautaire.
Les appels à une meilleure régulation des marchés ont trouvé un écho dans le débat. L’eurodéputé luxembourgeois Robert Goebbels (S&D) a par exemple plaidé pour l’établissement d’une durée minimale de détention d’une obligation, une forme de "limitation de vitesse pour casse-cous de la finance" en quelque sorte.
Le débat intense sur l’introduction d’euro-obligations qui a couru les colonnes de la presse européenne pendant l’été s’est poursuivi au Parlement, le commissaire Olli Rehn expliquant que la Commission entendait mener une étude sur ce sujet, laissant cependant clairement entendre qu’un débat de fonds serait nécessaire pour avancer sur une idée qui crée de fortes attentes mais qui doit être accompagnée d’un renforcement de la surveillance budgétaire et de la coordination dans la mesure où un tel pas aurait des implications sur la souveraineté budgétaire des Etats.
De toutes parts, la nécessité d’une action visant le long terme est apparue dans les discussions.
Dans ce débat au cours duquel l’importance de trouver un accord rapidement sur le paquet sur la gouvernance économique (appelé "Six Pack" dans les rangs du Parlement) a été sans cesse rappelée, tant par les parlementaires que par la Commission ou le Conseil, Jean-Claude Juncker a rappelé qu’il était sur la ligne du Parlement européen, exprimant sa confiance à l’égard du ministre polonais pour résoudre ce problème. "Nous laissons toujours traîner les choses alors que nous avons tous les éléments sur la table", a regretté dans ce contexte Jean-Claude Juncker.
Un des grands messages émergeant des discussions, c’est l’appel unanime à une mise en œuvre rapide des décisions prises par les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro le 21 juillet dernier. C’est d’ailleurs par là qu’a commencé Jean-Claude Juncker, estimant qu'il fallait "tout faire pour traduire dans les faits les décisions du 21 juillet", plutôt que de "lancer chaque jour de nouvelles idées irréfléchies, parfois immatures, qui donnent lieu à des interprétations divergentes, y compris dans le camp de ceux qui les ont lancées".
Un des obstacles à cette mise en œuvre rapide de décisions prises par les chefs d’Etat et de gouvernement, c’est la question des garanties collatérales requises par la Finlande comme condition à sa participation au plan d’aide à la Grèce dont Jean-Claude Juncker a pris soin de rappeler les grandes lignes aux eurodéputés.
"Je n'aime pas ce mécanisme, je n'aime pas les arrangements bilatéraux conclus entre Etats", a affirmé le président de l’Eurogroupe selon lequel "le Conseil s'est réfugié dans une formulation vague qui fait que les autorités finlandaises se sont cru autorisées à conclure un arrangement bilatéral qui ne tient pas la route". Mais a-t-il précisé, sans vouloir donner plus de détails pour ne pas compromettre les négociations en cours, "nous sommes tout près de trouver une solution" avec une proposition qui devrait selon lui "satisfaire tous les Etats membres de la zone euro". "Ne pensez pas que ce problème nous empêchera de traduire dans leur réalité les éléments du 21 juillet", a encore assuré Jean-Claude Juncker.
Pour ce qui est des décisions touchant à l’amélioration de la flexibilité de l’EFSF, Jean-Claude Juncker a annoncé qu’une réponse technique avait pu être trouvée le 26 août 2011 concernant l’élargissement des compétences de l’EFSF afin de permettre à cet instrument d’intervenir sur les marchés secondaires. Reste "une petite difficulté" à résoudre, de l’aveu du président de l’Eurogroupe qui s’est cependant montré confiant dans l’issue prochaine de ces discussions. Et ce d’autant plus qu’un accord est déjà trouvé sur les modifications qui vont être apportées au tout récent traité sur l’ESM. "Nous sommes sur le point de conclure un accord", a-t-il ainsi conclu.
Invité par plusieurs eurodéputés à réagir sur plusieurs des propositions faites lors du mini-sommet franco-allemand qui s’est tenu à la mi-août, Jean-Claude Juncker a déclaré que rien de nouveau n’avait été inventé pendant l’été. Il s'est ainsi interrogé sur la plus-value réelle de l'idée d'un "gouvernement" de la zone euro au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, soulignant le rôle essentiel en amont de l’Eurogroupe.
Il ne faut pas considérer "qu'un gouvernement économique crédible en Europe puisse se réunir deux fois par an et que par enchantement, le reste de la planète, surpris, étonné, admiratif, s'agenouille devant une réunion biannuelle", a-t-il lancé avant de souligner que de "M. Van Rompuy a déjà présidé l'Eurogroupe au niveau des chefs d'Etats cinq fois". Aux yeux du Premier ministre luxembourgeois, les réunions au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, si elles peuvent donner "une impulsion" dont il ne néglige pas l’importance, n'ont pas "la dose de réactivité" nécessaire pour faire face aux événements et, dans tous les cas, le travail se repose sur l’expertise d’un Eurogroupe qui fonctionne, ce qui présuppose "une coordination des politiques dans les capitales".
Pour ce qui est de la taxe sur les transactions financières sur laquelle entendent plancher Allemagne et France en vue de la rentrée, Jean-Claude Juncker a souligné aussi qu’il ne s’agissait pas d’une invention récente, mais bien d’une idée qui figure dans les textes du Conseil depuis un moment. "Je voudrais une taxe sur les transactions financières au niveau mondial", a plaidé Jean-Claude Juncker, "mais comme cela ne se fera pas, je n’insiste pas". "Je voudrais une taxe sur les transactions financières au niveau des 27",a-t-il alors lancé, avant d’appeler à ce qu’une telle taxe soit introduite, faute de mieux, au niveau de la zone euro, pour donner l’exemple.
Pris à parti sur l’idée que le Benelux rejoigne l’Allemagne et la France qui ont décidé de créer un impôt sur les sociétés commun à leurs deux pays, Jean-Claude Juncker s’est dit en faveur d’une Union fiscale, soulignant la nécessité d’une Union sociale allant de pair.