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Protection des consommateurs
4e conférence du CEC - Christine Riefa : Les défis légaux que posent les ventes aux enchères transfrontalières dans l’UE
11-10-2011


Christine RiefaChristine Riefa, maître de conférences à la Brunel Law School, a exposé la technicité et la complexité d’une technique de vente très en vogue ces dernières années : les ventes aux enchères.

Elle dénombre une multiplicité de techniques de ventes aux enchères (anglaise, japonaise, yankee, volontaire, à la bougie..) et remarque que cette multiplicité entraîne aussi une multiplicité de conséquences juridiques.

Néanmoins il existe trois éléments communs clés dans la définition traditionnelle de la vente aux enchères à travers les différents Etats membres:

  • Ce sont des concours ou compétitions publiques où des acheteurs se retrouvent confrontés à d’autres vendeurs pour l’achat d’un bien ou d’un service.
  • La vente est concédée à la meilleure enchère.
  • La relation entre le vendeur, l’acheteur et le rôle du commissaire priseur qui est de contrôler l’origine et la crédibilité du bien et par la suite de délivrer son gain au vendeur.

Cependant, Chisitine Riefa souligne les complications légales que provoquent les enchères en ligne. Normalement, le commissaire priseur préserve les intérêts et droits de l’acheteur en garantissant l’origine et l’authenticité du bien convoité. Mais dans le cas des enchères en ligne, la réalité est différente : il n’y a pas de réel intermédiaire qui effectue ce contrôle. Malgré cette différence notable, les législations ne font en règle générale pas de distinctions entre les enchères en ligne et les enchères publiques traditionnelles.

De plus la typologie des enchères en ligne diffère énormément :

  • il existe des vendeurs qui utilisent Internet comme une voie additionnelle de vente et ne font donc en réalité pas des enchères mais revendent les invendus ;
  • d'autres sites Internet fournissent des services et des instruments permettant en contrepartie de paiement de vendre, acheter ou encore mettre en enchère ;
  • la dernière catégorie d’enchère en ligne est celle des sites Internet qui mettent en relation l’acheteur et le vendeur tel qu’Ebay (pay to sell system) ou d’autres qui utilisent le système de "pay to buy".

En ce qui concerne la protection des consommateurs dans l’UE, la maître de conférences a fait remarquer que la directive 97/7/CE sur la protection des consommateurs en matière de contrats à distance a totalement exclu la vente aux enchères en son article 3(1). Cette exclusion de la vente aux enchères a eu pour conséquence de permettre aux différents Etats membres de faire leur propre interprétation selon leur culture juridique de la vente aux enchères lors de la transposition de la directive.

Cette liberté a mené à une "fragmentation" des différents régimes de la vente aux enchères dans l’UE. Le Luxembourg a introduit dans sa transposition législative une distinction en spécifiant l’enchère en ligne afin de ne pas l’exclure du champ d’application de la directive. Les autres Etats membres ont chacun suivi leur logique juridique. La Belgique et la Grèce n’ont pas transposé l’article 3(1), les Pays-Bas et le Royaume-Uni font une distinction jurisprudentielle.

Un autre problème est que les vendeurs et acheteurs respectifs dans les enchères en ligne viennent d’Etats membres différents. La Commission européenne a donc introduit à ce sujet le 8 octobre 2008 une proposition de directive sur les droits des consommateurs.  

Aux yeux de Christine Riefa, celle-ci entraîne une dichotomie entre les enchères publiques et les enchères traditionnelles et cela mène malheureusement à une érosion des droits de consommateurs. La proposition de directive imposerait en effet une exigence d’informations (article 5) pour le vendeur mais n’autoriserait aucuns droit de rétractation dans le cas d’une vente aux enchères en général (article 19(1)). De ce fait, la protection des consommateurs se voyait largement affaiblie par cette directive, car dans de nombreux pays, comme le Luxembourg, le droit de rétractation était prévu par la législation nationale.

Cependant, Christine Riefa note qu’à la suite de nombreux débats et amendements sur cette directive, une nouvelle directive a été adoptée par le Parlement européen. Cette directive a apporté une grande amélioration en termes de protection des consommateurs, car elle n’a pas tenté de faire une distinction entre enchères publiques et les enchères traditionnelles, mais a simplement spécifié que seul le régime des enchères publiques empêche le consommateur de bénéficier du droit de rétractation.

La protection des consommateurs a donc été améliorée, si cette protection suppose un droit de rétractation, selon Christine Riefa. Néanmoins, des efforts peuvent encore être accomplis en termes d’informations sur les droits et législations qui s’appliquent notamment à cause de la dimension transfrontalière que la vente aux enchères a pris dans l’UE.