Le 25 octobre 2011, l’eurodéputé Sven Giegold a interpellé le commissaire Algirdas Semeta au sujet des accords fiscaux bilatéraux signés ces derniers mois par la Suisse avec l’Allemagne et le Royaume-Uni. Le parlementaire s’interroge en effet, tout comme la commission Affaires économiques et monétaires (ECON), sur l’adéquation de ces accords avec notamment la directive sur la fiscalité de l’épargne. La question du taux d’imposition l’intéressait, tout autant que celle de l’impact éventuel de ces accords sur les négociations en cours visant à réviser la directive sur la fiscalité de l’épargne. Sven Gliegold se demandait aussi si de tels accords étaient compatibles avec l’intention affichée dans le pacte Euro plus d’une meilleure coordination fiscale.
Algirdas Semeta, qui attend encore les fruits d’une analyse plus poussée des deux accords, dont les détails n’ont été rendus publics, pour l’accord entre Royaume-Uni et Suisse que le 6 octobre dernier, a évoqué les premiers éléments qui ressortent d’un premier examen.
Pour l’accord germano-suisse, le niveau de taux, qui est de 26,375 %, est en-deçà des 35 % qui sont prévus par l’accord entre UE et Suisse. La Suisse prélève cependant bien 35 % sur les revenus du contribuable allemand en vertu d’un mécanisme que reconnaît la Commission. Pour autant, le commissaire a émis des doutes sur la plus-value de ces modalités en termes d’efficacité. En ce qui concerne l’accord entre Suisse et Royaume-Uni, il est en phase d’examen.
De façon plus générale, Algirdas Semeta a rappelé l’engagement dont continuent de faire preuve au Conseil l’Allemagne et le Royaume-Uni pour renforcer la directive sur la fiscalité de l’épargne. De même, il ne voit pas de raison à ce que l’adoption du mandat demandé au Conseil par la Commission pour renégocier un accord avec la Suisse soit retardée. « Cette ambition ne doit pas être sapée par des accords bilatéraux », a-t-il cependant mis en garde. Et il n’a pas manqué de rappeler non plus que la Commission était toujours engagée en faveur de l’échange automatique d’informations.
D’après Algirdas Semeta, les Etats membres sont libres de souscrire des accords internationaux avec les pays tiers. Mais ils doivent ce faisant respecter la loi européenne. Or, le champ d’application des accords bilatéraux conclus est large et il se pourrait, reconnaît le commissaire, que certains aspects de ces accords relèvent de domaines qui sont de la compétence exclusive de l’UE. La Commission prend la chose très au sérieux, affirme-t-il, laissant entendre qu’elle n’hésitera pas à prendre des mesures correctives si nécessaire. Pour ces deux accords, la Commission n’a pas été associée aux négociations, mais Algirdas Semeta a appelé les Etats membres à consulter la Commission en cas de doute, le plus tôt possible, quand ils négocient de tels accords.
Astrid Lulling (PPE) est intervenue dans le débat qui a suivi. L’occasion pour l’eurodéputée luxembourgeoise de vanter des accords bilatéraux qui constituent à ses yeux "ne piste prometteuse pour enfin mettre un terme à des querelles qui n'ont que trop duré".
"Le nouveau système qui se dessine appliquerait en effet une retenue libératoire sur une assiette beaucoup plus large et à des taux négociés entre les deux parties, ce qui revient à taxer les revenus d'intérêts et de capitaux selon le système d'imposition de l'Etat d'origine", a commenté Astrid Lulling qui estime que, de ce fait, "les administrations fiscales des Etats d'origine percevront des sommes bien plus considérables qu'actuellement".
Astrid Lulling va même plus loin, suggérant de généraliser ce système à l’intérieur de l’UE, "au nom de l'efficacité, puisque le prélèvement à la source donne de bons résultats", "au nom de l'équité aussi, puisque les contribuables seraient pleinement taxés selon le système d'imposition de leur pays d'origine". Astrid Lulling suggère donc, même si les accords bilatéraux lui semblent compatibles avec la directive de la fiscalité de l'épargne, une adaptation de cette dernière : "l'exigence de l'équité fiscale peut parfaitement s'accompagner d'une protection de la sphère privée", avance-t-elle dans l’espoir que la Commission "ait l'honnêteté de le reconnaître" à la vue de ces accords bilatéraux.