Le bulletin économique de la Chambre de Commerce "Actualité & tendances" paru le 17 octobre 2011 se consacre à l’analyse des exportations des biens et services du Luxembourg et plus spécifiquement des destinations de celles-ci.
Les échanges commerciaux sont d’une importance primordiale pour le Luxembourg, petit pays qui ne peut pas compter sur son seul marché domestique pour se développer et connaître une croissance durable.
L’empreinte économique du Luxembourg dépasse donc largement ses frontières. Cela implique que les entreprises du Luxembourg doivent restent compétitives par rapport aux partenaires économiques. Comme toute économie ouverte de petite taille qui évolue dans un environnement globalisé, le Luxembourg est en effet sujet à des défis cruciaux. Son ouverture rend l’appareil de production national particulièrement dépendant de la demande internationale et, partant, très vulnérable en cas de choc d’envergure mondiale.
L’analyse de la Chambre de Commerce comporte deux volets. Une première partie, réalisée par le STATEC, est basée sur une analyse des données statistiques collectées sur la période 2002 à 2010 auprès des entreprises exportatrices. La deuxième partie est basée sur la dernière enquête "commerce extérieur" effectuée au 1er semestre 2011 par la Chambre de Commerce auprès des entreprises exportatrices, afin de connaître leurs relations commerciales actuelles avec l’étranger et leurs principaux marchés cibles de celles-ci pour les années 2012 et 2013.
La collaboration entre le STATEC et la Chambre de Commerce a permis de dégager plusieurs tendances qui se recoupent et d’identifier un vaste potentiel de développement au niveau international sur les marchés en dehors de l’Europe, et notamment au niveau des pays du BRICS (pour Brésil-Russie-Inde-Chine-Afrique du Sud) et d’autres marchés émergents. Son objet est de dégager les grandes évolutions en matière de destinations des exportations luxembourgeoises sur une période marquée par deux crises économiques majeures.
La vigueur de l’exploitation de ce potentiel des marchés hors-UE semble être plus limitée au Grand-Duché qu’au niveau global, de sorte que les entreprises luxembourgeoises, les autorités publiques et les organisations en charge du soutien des entreprises exportatrices et de la promotion du commerce extérieur ont du pain sur la planche.
Sans l’ouverture au commerce mondial et aux flux des facteurs de production, le Luxembourg n’aurait pas pu enregistrer les taux de croissance économique qui ont été les siens au cours des dernières décennies. Comme le remarque le professeur Lionel Fontagné : "Le Luxembourg a ainsi réussi à avoir un taux de croissance digne d’un pays en rattrapage". Deux facteurs expliquent notamment le succès du modèle économique luxembourgeois et qui découlent d’un choix volontariste lié notamment à l’exigüité de son territoire : l’intégration dans des espaces économiques et politiques plus vastes et l’ouverture économique en découlant.
Aujourd’hui, les performances économiques du pays sont largement portées par les échanges de biens et de services et les flux de capitaux avec l’étranger.
Au Grand-Duché, la balance courante, qui comporte les exportations et importations de biens et de services, ainsi que les flux de revenus et les transferts courants, se caractérise par un excédent oscillant entre 5 et 13 % du PIB entre 1995 et 2010 (7,8 % du PIB en 2010), ce qui constitue un pourcentage très élevé en comparaison internationale. Par ailleurs le ratio des exportations par rapport au PIB atteint les 179,9 %, ce qui représente des proportions extrêmement élevées en comparaison internationale avec des pays comme l’Allemagne (49 %) les USA (12,1 %) ou plus généralement avec l’Europe des 27 Etats membres qui atteint les 40 %.
Ainsi, l’effet de levier d’une augmentation soutenue des échanges extérieurs, à travers la hausse de la demande internationale de biens et services adressée aux entreprises luxembourgeoises, a un impact important sur la richesse économique luxembourgeoise. Afin d’illustrer encore plus précisément cet impact des échanges commerciaux, le bulletin économique rapporte qu’un salarié luxembourgeois "génère" 254.300 USD d’exportations de biens et de services par an, contre 38.500 USD par an en Allemagne, pourtant considérée "championne du monde des exportations".
De par le passé, le Luxembourg a pu accueillir, grâce à sa localisation géographique avantageuse et de par leur rétribution intéressante, de très importants flux d’investissements directs étrangers. Ces capitaux ont permis, entre autres, au pays de développer une industrie exportatrice, avec une surpondération des exportations à destination de nos trois pays voisins.
Le Luxembourg sert par ailleurs de plateforme de pénétration au grand marché européen pour nombre d’entreprises multinationales. La taille du marché national, même agrandi à la Grande Région, étant fortement réduite, les échanges extérieurs constituent du reste toujours le moteur de croissance de prédilection de l’économie luxembourgeoise.
Or, le régime de ce moteur dépend directement d’un ensemble de conditions phares, dont le comportement et la vigueur de la demande internationale, la compétitivité des facteurs de production au Luxembourg, la qualité des produits et services offerts, la promotion à l’étranger des produits et services, etc.
La vitalité extraordinaire du secteur financier a, selon la Chambre de Commerce, quelque peu masqué les problèmes structurels affectant l’économie luxembourgeoise, et notamment son tissu industriel. Or, vu les incertitudes régnant actuellement sur les marchés internationaux englobant le secteur financier, il serait pour elle peu prudent de supposer que les taux de croissance historique enregistrés au Luxembourg, largement dépendants des performances du secteur financier, puissent être pérennisés à l’avenir et que ce secteur soit à même de contribuer dans les proportions habituelles au financement de du modèle social luxembourgeois et au budget de l’Etat au sens large. A l’avenir, il faut, selon les auteurs, persévérer dans les efforts de développement et de diversification économiques, offrir à l’économie luxembourgeoise les conditions propices à son développement durable, et développer les activités d’internationalisation des entreprises luxembourgeoises et les efforts de promotion qui y sont liés.
Au cours des dernières décennies, explique le rapport, la structure par produit des exportations de biens et de services du Luxembourg a profondément changé. Actuellement, la valeur des exportations de services est plus de cinq fois supérieure à celle des exportations de biens, ce qui est une particularité luxembourgeoise. Sur le plan européen et mondial, la valeur des échanges internationaux de services ne représente qu’un cinquième de celle des échanges de marchandises qui représentent quant à eux 80 % des échanges de biens et services. Au Luxembourg, la situation est inversée par rapport au reste du monde, ce que montrent les chiffres de l’année 2010 : Les services couvraient 83 % (51 milliards d’euros) du total des biens et des services exportés, contre seulement 17 % (environ 11 milliards d’euros) pour les marchandises.
Même en excluant les services financiers - dont la somme s’est chiffrée au cours des dernières années à quelque 32 milliards d’euros -, les exportations de services dépassent depuis 2003 celles des marchandises. En 2010, les exportations de services ont atteint 19 milliards d’euros et seulement 10 milliards d’euros pour les exportations de marchandises.
Au niveau de l’orientation géographique – sujet qui fait l’objet de la présente étude –, les mutations sont moins significatives et les exportations du Luxembourg restent largement orientées vers le continent européen et plus particulièrement vers les pays voisins. Sur base des chiffres collectés par le STATEC auprès des entreprises exportatrices luxembourgeoises, des changements peuvent néanmoins être décelés au niveau de certains pays et / ou de certaines zones.
Plus des 4/5 des exportations sont destinées aux "marchés avancés" (c’est-à-dire la plupart des pays industrialisés), mais leur part relative est en recul. En revanche, les "marchés émergents" ont connu une augmentation de leur part relative (de 5 % pour les biens et de 3,3 % pour les services autres que financiers entre 2002 et 2010), mais les exportations totales vers ces marchés restent modestes. Alors que la crise a affecté les flux vers ces deux marchés, la reprise en 2010 a été bien plus soutenue du côté des "marchés émergents".
L’Allemagne reste de loin le principal pays de destination dans tous les domaines de l’exportation : biens (27,7 % de parts de marché), services financiers et autres services (19,3 % de parts de marché). Dans le cadre de l’exportation de biens, la France (17 %) continue à devancer la Belgique (13,5 %).
L’évolution vers les autres pays de l’Europe de l’Ouest est très contrastée, tant par pays que par produit. Globalement, la part relative est en recul et atteint les 2,4 milliards d’euros pour les exportations de biens mais atteint les 6,9 milliards pour les services autres que financiers, ce qui représente une croissance de 12 % entre 2002 et 2010. En termes de croissance aussi, le Royaume-Uni devient le troisième principal pays de destination avec près de 15 % des exportations totales du Luxembourg. La valeur totale de services autres que financiers exportés vers le Royaume-Uni s’est chiffrée en 2010 à 2,8 milliards d’euros, soit plus de six fois la valeur des exportations de marchandises (465 millions d’euros).
Les Etats-Unis sont de loin le principal pays de destination en dehors de l’UE avec une part de marché relative d’environ 90 %, mais leur part relative est en recul pour les exportations de biens et de services autres que financiers.
Les exportations vers les nouveaux Etats membres de l’UE sont en forte expansion. Les exportations de biens prédominent encore pour la plupart des pays, même si un effet de rattrapage semble se dégager du côté des services (croissance annuelle moyenne entre 2002 et 2010 de 25 % pour les services, contre 7,5 % pour les biens). Le total des exportations (biens et services autres que financiers) vers les nouveaux Etats membres de l’UE se chiffre à 863 millions d’euros. La Pologne est de loin le premier pays de destination de l’ensemble des dix nouveaux Etats membres et absorbe quelque 42 % des ventes dans cette région. La République tchèque (18 %), la Hongrie et la Roumanie (10 %) sont dans l’ordre les autres pays de destinations.
Traditionnellement, les exportations du Luxembourg sont concentrées sur les pays limitrophes, voire sur le marché européen. Ceci vaut pour les exportations aussi bien de marchandises que de services autres que financiers. Deux facteurs majeurs semblent à l’origine de cette tendance : la recherche de marchés de proximité par la quasi-totalité des entreprises ainsi que le point stratégique des filiales d’entreprises multinationales implantées au Luxembourg en quête du développement d’activités en Europe. Les filiales d’entreprises étrangères implantées dans l’industrie du Luxembourg assurent 94 % des exportations de marchandises de l’industrie et leurs activités d’exportation sont toutes prioritairement destinées vers les pays limitrophes.
Nonobstant cette orientation traditionnelle vers le marché européen, certaines entreprises semblent avoir tiré avantage des nouvelles opportunités qui se sont dégagées par l’émergence de nouveaux marchés sur les autres continents, et notamment en Asie. Ceci est bien traduit par des taux de croissance des exportations vers les marchés émergents bien supérieurs à ceux des ventes sur les marchés avancés, ainsi que par l’extension de la part relative des marchés émergents au niveau des exportations totales.
Les exportations vers les BRICS se sont chiffrées à 544 millions d’euros et représentent 3 % des exportations de biens du Luxembourg. Dans les importations mondiales (hors UE) la part des BRICS a plus que doublé en moins de dix ans et tourne autour de 14 %. La Chine est de loin le premier pays de destination (38 % de part relative pour les biens, 36 % pour les services autres que financiers) de ce bloc hétérogène, suivie de la Russie pour les biens (30 %) et du Brésil pour les services (25 %). Plus de 2 % des exportations du Luxembourg sont destinées aux petites économies émergentes d’Asie, où Hong Kong est de loin le principal marché. Les exportations vers les pays exportateurs de pétrole du Moyen Orient connaissent également une forte expansion, notamment du côté des services autres que financiers (+27 %).
Tant dans le domaine des biens que dans celui des services, des entreprises luxembourgeoises ont ainsi osé se lancer dans la "grande exportation" et ont pu saisir les opportunités qui se sont présentées sur les marchés émergents. D’autres opportunités sont sans doute à saisir par ces mêmes entreprises et par d’autres PME et PMI.
Les évolutions et tendances retracées par le STATEC sur base de l’analyse portant sur les années 2002 à 2010 sont corroborées par les résultats d’une enquête réalisée par la Chambre de Commerce auprès de ses membres.
Cette enquête, réalisée au 1er semestre 2011, vise, d’un côté, à connaître les principaux marchés avec lesquels les entreprises luxembourgeoises entretiennent d’ores et déjà des relations commerciales et, de l’autre côté, à identifier les principales cibles de ces dernières quant à leur stratégie d’expansion à l’étranger sur les années 2012 et 2013.
Il en découle notamment que les échanges extérieurs de biens et de services des entreprises luxembourgeoises se concentrent sur le marché européen et, en particulier, sur les trois Etats membres voisins que sont la Belgique ( 67 %), la France (67 %) et l’Allemagne ( 62 %). Le premier Etat membre qui ne fait pas partie de la zone euro est le Royaume-Uni avec 38 % suivi par la Pologne avec 30 %.
Il en est de même concernant les principaux marchés ciblés pour le développement à l’international au cours des deux prochaines années : les trois pays voisins – l’Allemagne est le pays le plus intéressant pour les entreprises luxembourgeoises et représente 23 % des réponses reçues, suivie par la France avec 20 % et la Belgique avec 17 % - et les pays européens dominent, mais les marchés émergents (BRICS, Moyen Orient) intéressent davantage nos exportateurs. Les trois pays frontaliers sont directement talonnés par la Chine avec 14 % puis par les Pays-Bas avec 13 %, le Brésil, les USA, les Emirats Arabes Unis, avec chacun 10 %, et l’Inde avec 9 %. Trois des principaux pays émergents représentent donc un grand intérêt pour les entreprises.