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Compétitivité
Bilan Compétitivité 2011 - "Prendre la compétitivité au sérieux" pour éviter la "dégradation rampante" de la position du Luxembourg
24-10-2011


Jeannot Krecké et Serge Allegrezza lors de la présentation du Bilan de compétitivité de l'ODC, 24 octobre 2011L’édition 2011 du "Bilan Compétitivité" de l’Observatoire de la Compétitivité (ODC) a été présentée à la presse le 24 octobre 2011 par le ministre de l’Economie et du Commerce extérieur, Jeannot Krecké, et le directeur du STATEC, Serge Allegrezza.

Ce rapport, dont le sous-titre – "Prendre la compétitivité au sérieux" - est, selon les mots mêmes de Serge Allegrezza, tout un programme, montre que la position compétitive globale du Luxembourg, basée sur 79 indicateurs, s’est marginalement dégradée, faisant suite à une détérioration continue au fil des dernières années. La compétitivité-coûts notamment, basée sur le taux de change effectif réel, continue à se dégrader.

Compétitivité structurelle

Le Bilan Compétitivité analyse de manière critique une série de classements et indicateurs composites élaborés par des organisations internationales. Cela est nécessaire, car nombreux sont les investisseurs qui consultent ces indicateurs avant d’investir au Luxembourg. Et il peut arriver, comme l’a montré Serge Allegrezza, que le Luxembourg perde une bonne position faute de données.

Serge Allegrezza lors de la présentation du Bilan de compétitivité de l'ODC, 24 octobre 2011Il est ainsi tombé de la 6e à la 55e place dans un ranking sur la qualité de la vie, et grâce à l’injection d’une donnée manquante, il a pu regagner la 17e place. Parmi les grands classements mondiaux, on trouve le "Global Competitivness Report" du WEF, où le Luxembourg a perdu 3 places au niveau mondial, mais reste à sa dixième place au sein de l’UE. Un autre indicateur est le "World Competitivness Yearbook" de l’IMD, où le Luxembourg reste au 11e rang mondial, et au 3e rang dans l’UE, perdant ici une place. En termes de libertés économiques, il est passé sur "l’Index of economic freedom" de la Heritage Foundation de la 4e à la 13e place dans le monde, et de la 4e à la 3e place dans l’UE. Sur l’index de l’innovation de la Commission européenne, il a perdu trois places, passant au 10e rang européen et au 11e rang mondial. 

Le Bilan 2011 de l’Observatoire de la Compétitivité constate d’après les très nombreuses mais jamais complètes données dont il dispose au stade de la publication du rapport une détérioration marginale de la position du Luxembourg dans la mise à jour 2011 de son propre Tableau de Bord Compétitivité "structurel". Le Luxembourg se positionne en 2010 au 10e rang parmi les 27 Etats membres de l’UE, et perd une position par rapport à 2009. Ce classement se base sur 79 indicateurs économiques, répartis en dix catégories à savoir :

  1.  les performances macroéconomiques (LU : 1er, inchangé)
  2. l’emploi (LU : 10e, + 2)
  3. la productivité et le coût du travail, (LU : 14e, + 11)
  4. le fonctionnement des marchés (LU 26e, -4)
  5. le cadre institutionnel et réglementaire (LU : 2e, +1)
  6. l’entrepreneuriat (LU : 18e, inchangé)
  7. l’éducation et la formation (LU : 15e, inchangé)
  8. l’économie de la connaissance (LU : 6e, inchangé)
  9. la cohésion sociale (LU : 11e, -1)
  10. l’environnement (LU : 24e, inchangé)

Ces indicateurs ont été retenus en concertation avec les partenaires sociaux dans le cadre du rapport Fontagné "Compétitivité du Luxembourg : une paille dans l'acier" (2004), des partenaires sociaux qui ont par ailleurs défini la compétitivité comme « la capacité d’une nation à améliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et à leur procurer un haut niveau d'emploi et de cohésion sociale tout en préservant l’environnement».

Ces indicateurs montrent que l’impact de la crise sur le taux d’emploi "a été plus minime étant donné que beaucoup de frontaliers ont été licenciés" (p. 79 du rapport). Le rapport montre que "le Luxembourg peut défendre sa position à la tête du peloton dans la catégorie des performances macroéconomiques" fondées sur le revenu national brut, la dette publique, le déficit public et les investissements directs étrangers. (cf. p. 80) 

  Les messages-clés de l’Observatoire sont ici les suivants :

  1. dans 4 classements majeurs, on constate depuis 2005 des fluctuations à la hausse et/ou à la baisse du Luxembourg au sein de l’UE, mais globalement un rang similaire à 2005 ;
  2. dans le classement calculé par l’ODC, prenant davantage en compte diverses spécificités nationales, le Luxembourg est passé du 6e rang en 2005 au 10e rang dans le Bilan 2011 – entre le Bilan 2010 et le Bilan 2011, le Luxembourg a perdu une position ;
  3. à la fois dans les 4 classements majeurs ainsi que dans celui calculé par l’ODC, le Luxembourg figure au sein de l’UE parmi le TOP-10 des pays les plus performants.

Compétitivité-coûts

L’Observatoire a aussi travaillé et mis l’accent sur l’indicateur du taux de change effectif réel (TCER). Le TCER compare l’évolution des prix et des coûts de l’économie luxembourgeoise par rapport aux prix et coûts des principaux partenaires commerciaux du Luxembourg. Et ici, le constat est clair : la compétitivité-prix et la compétitivité-coûts du Luxembourg, deux déterminants essentiels pour les entreprises nationales désirant exporter leurs biens et services, continuent à se détériorer depuis 1995 par rapport à leurs principaux partenaires commerciaux. Et c’est aussi ici que le rapport recommande « une extrême vigilance ». (cf. p. 95) sur les risques de ces pertes de compétitivité externe. 

Vers une nouvelle gouvernance économique luxembourgeoise au sein de l’UE

Le Conseil européen a arrêté en 2010 la stratégie Europe 2020, le successeur de la stratégie de Lisbonne. Le Conseil européen a notamment confirmé cinq grands objectifs structurels: favoriser l'emploi, améliorer les conditions de l'innovation et de la R&D, atteindre les objectifs dans le domaine du changement climatique et de l'énergie, améliorer les niveaux d'éducation et favoriser l'inclusion sociale, en vue d’«une croissance intelligente, durable et inclusive».

Sur base de ces grands objectifs européens, le Luxembourg a défini en avril 2011 ses propres objectifs nationaux, et des décisions au niveau de l’UE ont précisé ces objectifs en juin 2011.

L’Observatoire de la Compétitivité surveille le travail et les progrès à faire sur ces objectifs.

La nouvelle gouvernance économique devrait également comprendre une surveillance des déséquilibres macroéconomiques qui sera prochainement mise en place au niveau de l’UE, dans le cadre du semestre européen (“Excessive imbalance procedure"). Comme pour les autres Etats membres, la performance du Luxembourg sera également analysée annuellement à travers ce tableau de bord des déséquilibres macroéconomiques.

Ici, des discussions sont en cours au niveau européen sur un tableau de bord de ces déséquilibres. Un tableau de bord provisoire d’indicateurs externes et internes existe déjà.

Il ressort de la version actuelle de cet instrument (cf. pages 138-140 du rapport) dont les seuils peuvent encore changer au cours des discussions (cf. p.136 du rapport) que le Luxembourg a dépassé, en termes de balance courante en % de PIB sur les 3 dernières années, le seuil de +/- 4 % avec 7,4 % en 2009, mais aussi de façon systématique depuis 2002. Cet excédent est dû aux services financiers

Le seuil du coût unitaire salarial nominal, qui mesure le coût moyen du travail par unité de production est fixé à 9 %. Après des dépassements en 2000 et 2001, et un chiffre à la marge de 8,4 % en 2007, le Luxembourg dépasse largement ce seuil en 2008 avec 14,27 % et en 2009 avec 13,41 %. Selon les chiffres de la Commission, la hausse des frais de main d’œuvre a été plus élevée que l’augmentation du travail productivité, ce qui ne peut être corrigé, si l’on veut éviter des pertes de compétitivité, que par l’ajustement d’autres coûts. 

Pour le prix du logement, où le seuil est de 6 %, le Luxembourg a été en excédent de 2002 à 2007, période pour laquelle la Commission dispose de chiffres, avec des fourchettes entre 7,7 et 11,8 %. Ici, le rapport ne livre pas de commentaires.      

Les commentaires de Jeannot Krecké

Jeannot Krecké, lors de la présentation du Bilan de compétitivité de l'ODC, 24 octobre 2011Dans ses commentaires, le ministre de l’Economie et du Commerce extérieur a fait comprendre qu’il se rendait bien compte que le terme de "compétitivité" est un mot qui fâche encore au Luxembourg, tout comme le terme "productivité". Mais, a-t-il insisté, la compétitivité n’est pas seulement quelque chose qui s’exprime en termes économiques, mais aussi en termes sociaux et qualitatifs, comme la capacité d’innovation d’un pays et la créativité de ses entreprises ou les capacités d’adaptation des pays aux grands changements en cours. De plus, convergence en Europe et compétitivité des Etats qui la composent vont de pair. C’est à cette réalité complexe qu’il faut se confronter selon lui. Bref, il faut "prendre la compétitivité au sérieux". Il en va de même pour lui de la productivité qui ne peut pas ne pas être mesurée et mise en relation avec la compétitivité et avec le concept de coût.

En conclusion, Jeannot Krecké a constaté que certains de ces grands indicateurs sont sujets, au Luxembourg, à "une dégradation rampante", surtout parce que dans les classements, le pays peut faire des progrès dans la mesure où les autres baissent, ou perdre une position, même s’il améliore son niveau. Autre sujet abordé : la croissance, qui semble ralentir et passer de loin en-deçà des 4 % qui jusqu’ici ont été considérés comme une conditio sine qua non de la reproduction du système de protection sociale du pays.