Dans une tribune détaillée publiée dans le Luxemburger Wort daté du 25 janvier 2012, mais aussi dans la Süddeutsche Zeitung et le Standard, François Bausch, chef de file des Verts à la Chambre des députés, fait cause commune avec ses collègues Gerhard Schick, porte-parole des Verts sur les questions financières au Bundestag allemand, et Werner Kogler, porte-parole des Verts sur les questions financières au Nationalrat autrichien. L’objet de leurs griefs ? L’accord fiscal germano-suisse dont ils dénoncent notamment les conséquences sur la lutte contre la fraude fiscale au niveau de l’UE.
Les trois députés commencent en effet par rappeler qu’à peine les premiers détails sur cet accord fiscal ont été connus, l’Autriche et le Luxembourg sont revenus sur leur volonté de négocier dans le cadre du projet de refonte de la directive sur la fiscalité de l’épargne. "En tant que parlementaires engagés depuis des années pour un renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale, nous considérons que cette évolution au sein de l’UE est fatale", avancent François Bausch, Gerhard Schick et Werner Kogler. "La voie empruntée par l’Allemagne et la Suisse concerne nos trois pays de différentes manières, mais surtout elle concerne l’UE", constate les trois députés qui se disent unis par "le souci d’un grand recul en matière de justice fiscale en Europe".
Les réactions des gouvernements autrichien et luxembourgeois montrent, d’après eux, que cet accord bilatéral a des conséquences bien au-delà des deux pays signataires. Les trois auteurs de la tribune reviennent donc en arrière pour rappeler l’entrée en vigueur en 2005, de la directive sur la fiscalité de l’épargne qui, pour la première fois, mettait en place un système automatique d’informations au sein d’un groupe d’États dont les économies sont étroitement liées. Si cet échange d’informations n’est à ce jour pas encore complet, il s’agit cependant aux yeux de François Bausch, Gerhard Schick et Werner Kogler, d’un instrument efficace contre l’évasion fiscale puisque des informations de contrôles automatisées empêchent que des contribuables puissent cacher à leurs autorités fiscales les revenus qu’ils tirent de leur capital. "Cette directive a été un grand succès pour ceux qui se sont engagés au fil des ans pour une plus grande transparence fiscale", relèvent les trois parlementaires qui soulignent que les institutions européennes avaient explicitement fait d’une mise en œuvre aussi large que possible de l’information automatique d’informations une priorité, et ce y compris avec des pays tiers européens comme la Suisse.
Si l’Autriche et le Luxembourg bénéficient à cette date encore d’une clause d’exception qui leur permet, plutôt que de pratiquer l’échange automatique d’informations, de prélever à titre transitoire une retenue à la source, la pression croissante de leurs partenaires européens avait poussé les deux pays à afficher leur volonté de négocier, racontent les trois parlementaires. Pour eux, l’accord germano-suisse a tout simplement coupé court à ce processus qu’ils appelaient de leurs vœux. "Si l’Allemagne et la Suisse signent un accord qui, au lieu d’un échange automatique d’informations, prévoit une amnistie pour le passé et un impôt libératoire forfaitaire pour l’avenir, pourquoi les gouvernements d’autres pays comme l’Autriche et le Luxembourg devraient-ils renoncer à leurs avantageuses clauses d’exception ?", demandent François Bausch, Gerhard Schick et Werner Kogler. A leurs yeux, "l’accord germano-allemand sape la stratégie de l’UE" puisque l’Allemagne, qui a toujours défendu l’échange automatique d’informations, se démarque désormais de la ligne commune et fait échec à la position de l’UE.
François Bausch, Gerhard Schick et Werner Kogler dénoncent donc un accord qui a selon eux deux effets négatifs. D’une part il entrave durablement la mise en place d’un échange automatique d’informations dans toute l’UE et d’autre part il risque de conduire à une multiplication d’accords bilatéraux, empêchant d’avancer vers un accord à l’échelle de l’UE qui serait aux yeux des trois parlementaires la voie à suivre. Les trois députés se font d’ailleurs l’écho des critiques émises au Parlement européen, mais aussi à la Commission en la personne d’Algirdas Semeta au sujet de cet accord.
Au-delà de la "grave erreur" que constitue selon eux cet accord en termes de politique fiscale européenne, les trois députés soulèvent aussi les problèmes de justice qu’il implique. "Les criminels fiscaux qui ont eu la patience de garder leur argent caché vont être récompensés par une amnistie", dénoncent-ils ainsi, soulignant qu’ils vont qui plus est payer dans la plupart des cas moins d’impôts qu’ils n’auraient dû en acquitter par la voie légale. Non seulement l’impôt libératoire prévu permet de préserver l’anonymat et donc de masquer des activités illégales, mais en plus il n’est en rien progressif puisque le taux d’imposition est fixe, déplorent François Bausch, Gerhard Schick et Werner Kogler, qui pointent aussi du doigt certaines lacunes de l’accord.
Les trois parlementaires s’insurgent, à un moment où le fossé se creuse entre pauvres et riches et où systèmes sociaux et budgets publics sont sous pression, contre un accord fiscal qui "prive l’État de la possibilité de réel monopole fiscal". Or, les trois députés écologistes sont d’avis qu’une inégalité grandissante est une des causes de la crise, et qu’une répartition plus juste des richesses pourrait conduire à moyen terme à une plus grande stabilité économique. "Le modèle de politique fiscale de cet accord va conduire sur la durée à une réduction des recettes fiscales des États membres de l’UE et va aggraver le piteux état des budgets publics, au prix de la justice sociale", condamnent François Bausch, Gerhard Schick et Werner Kogler.
Tant que les parlements compétents n’ont pas ratifié cet accord, il est possible de rebrousser chemin et de retrouver celui d’une stratégie européenne commune, plaident enfin les trois députés.