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Parlement européen - Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Traités et Affaires institutionnelles
Les eurodéputés ont interpellé le gouvernement hongrois et la Commission, préoccupée par la liberté de la presse, a écrit une nouvelle lettre à Budapest
18-01-2012


Parlement européenLe 18 janvier 2012 a eu lieu au Parlement européen un débat sur la situation en Hongrie. Demandé par les sociaux-démocrates, les libéraux et les Verts, il s'est tenu en présence du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et du Premier ministre hongrois, Viktor Orban. La Commission européenne avait annoncé le 17 janvier le lancement de procédures d'infraction au droit communautaire à l'encontre de la Hongrie à propos de "lois cardinales" concernant la banque centrale, le système judiciaire et l'autorité hongroise de protection des données, des lois dérivées de la nouvelle Constitution hongroise et que la Commission estime être contraires aux traités européens.

José Manuel Barroso veut porter et garder le débat sur le plan politique

Dans son intervention, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a annoncé avoir reçu par  écrit l'assurance du Premier ministre hongrois Viktor Orban qu'il allait "modifier" les textes de loi controversés.

Le chef du gouvernement hongrois Viktor Orban, qui était venu s'expliquer devant les eurodéputés, s'est voulu conciliant. "Les problèmes pourraient facilement et rapidement être résolus", a-t-il assuré, en cherchant, comme la veille, à ramener les contentieux à des points juridiques et techniques et se défendant de toute dérive autoritaire.

José Manuel Barroso ne l’a pas suivi sur cette voie. Pour lui, il y a une dimension politique au problème soulevé en Hongrie. "J'appelle instamment les autorités hongroises à respecter les principes de démocratie et de liberté et à les mettre en œuvre en pratique dans ce pays", a-t-il dit. Il a insisté sur le fait que la Commission n'hésitera pas à prendre des mesures supplémentaires en fonction des réponses qui seront données par les autorités hongroises, disant que "les sujets en jeu pourraient aller au-delà des questions juridiques qui ont été soulevées".

Les eurodéputés de gauche très fermes sur la situation en Hongrie

Le coprésident des Verts, Daniel Cohn-Bendit, a reproché au Premier ministre hongrois Viktor Orban d'aller "dans la direction" des dirigeants vénézuélien Hugo Chavez et cubain Fidel Castro et de "tous les régimes totalitaires". Il a proposé d'envoyer une délégation parlementaire en Hongrie pour vérifier "pourquoi les sans-abri en Hongrie ont peur, pourquoi des intellectuels ont peur, pourquoi des gens de ma famille et des gens que je connais, des Juifs en Hongrie ont peur aujourd'hui".

Le président du groupe libéral-démocrate, le Belge Guy Verhofstadt, a lui aussi estimé que Viktor Orban était "sur le mauvais chemin", et s’est prononcé lui aussi pour une enquête du Parlement qui devrait conclure "si oui ou non il y a un clair risque" d'infraction aux valeurs démocratiques de l'UE en Hongrie. Ce qui ouvrirait la voie à des sanctions politiques très lourdes.  Mais de telles sanctions, prises en vertu de l’article 7 du Traité de Lisbonne, requièrent le soutien des 26 autres dirigeants européens. Or, ceux-ci sont majoritairement membres, comme le FIDESZ de Viktor Orban, du Parti Populaire européen (PPE), et ils sont actuellement embarrassés ou hésitants.

Quant au nouveau chef de file des socialistes, le social-démocrate autrichien Hannes Swoboda, il a estimé que la Hongrie de Viktor Orban n'aurait "pas été admise" dans l'UE si elle avait posé sa candidature aujourd'hui.

Viktor Orban a pu compter en revanche sur le soutien du PPE est membre. Joseph Daul, le chef du groupe PPE, s'est dit "sûr" que Viktor Orban "nous prouvera que lui aussi souscrit à ces principes et à ces valeurs" de l'UE.

Un déclenchement de la procédure de sanctions pour violation des valeurs européennes est une question "ouverte", a estimé de son côté le nouveau président du Parlement, Martin Schulz, en relevant qu'il y avait, même au sein du PPE, "différentes opinions" à ce sujet.

Le député européen luxembourgeois Frank Engel (PPE) a été par contre tout à fait en ligne avec son groupe. Pour lui, il peut y avoir deux manières de voir les choses en relisant la lettre de la Commission envoyée par la commissaire Viviane Reding en décembre 2011 et la réponse quasi immédiate du gouvernement hongrois. Mais, a-t-il admis, "il est évident que la manière de voir les choses de la Commission prévaut dans un débat pareil, car elle est la gardienne des traités." Il a par ailleurs constaté que "le Premier ministre Orban et d’autres représentants de la Hongrie se sont déclarés prêts à se plier à un verdict de la Commission", et que "c’est ce qui est en jeu, et rien d’autre". Pourtant, a-t-il regretté, "on fait comme si quelque chose d’extrêmement sinistre et effroyable se tramait en Hongrie". Frank Engel ne pense pas que "l’une ou l’autre nomination politique qui serait possible à la banque centrale" corresponde "à une violation massive des droits de l’homme de l’ensemble de la population hongroise", ni "la nomination éventuellement politique du responsable de l’autorité de protection des données". Mais  "s’il y a des raisons de croire qu’il y a des problèmes, examinons-les", comme "le fait la Commission qui nous dira ce qu’elle a trouvé, et nous agirons en conséquence, probablement de concert avec la Commission."  Et de conclure : "Mais que l’on fasse ici comme si le totalitarisme le plus sinistre était en train de revenir parce qu’il y a quelques lois qui ne correspondent pas au droit communautaire, cela me semble un peu surfait, et M. Cohn-Bendit, vous le savez également."

Le libéral Charles Goerens a de son côté demandé que l’on se donne les moyens d’une procédure objective et a donc demandé à la Commission "si elle ne pourrait pas demander à l'Agence européenne des Droits Fondamentaux de nous donner un éclairage non seulement aujourd'hui, mais chaque fois que nous sommes en présence" de reproches formulés à l’égard d’un Etat membre. "Il serait incompréhensible, en effet, de voir l'Agence européenne, habituée à traiter des droits fondamentaux, rester muette dès lors que lesdits droits sont manifestement violés."

La commissaire Viviane Reding, très active sur le dossier, puisqu’elle est en charge de la Justice et des droits fondamentaux, a, de manière très posée, relaté le devenir de la procédure, qui a pris des mois marqués par un dialogue intense avec la Hongrie. Elle a mis en évidence la nouvelle lettre de Neelie Kroes sur la liberté des médias (voir ci-dessous), la centralité des droits fondamentaux, insistant sur le fait que la Commission agissait strictement dans le cadre de ses compétences, et que les initiatives du Conseil de l’Europe sur la Hongrie, qui agissait lui aussi dans le cadre de ses compétences, notamment sur les questions de démocratie et de liberté des médias, complétaient les efforts de la Commission, comme elle l’avait déjà exposé à Luxembourg le 13 janvier 2012. La balle est pour elle dans le camp hongrois et elle a exprimé l’espoir qu’il sera possible de résoudre les questions tablées dans l’intérêt de tous les citoyens hongrois. Viviane Reding a reçu les applaudissements de tous les groupes politiques.

Dans sa réponse aux députés, Viktor Orban a été très politique

Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, lors du débat au PE, le 18 janvier 2012  © European Union 2012 EP/Pietro Naj-Oleari orban-pe-120118Considérant que son pays est sous le coup d’attaques de la « gauche internationale », Viktor Orban s'est posé en défenseur des valeurs chrétiennes de l'Europe, ainsi que de la nation et de la famille dans son pays, face aux accusations de dérives autoritaires de ses opposants. "Nous avons des sentiments chrétiens, nous pensons que le sentiment de faire partie d'une Nation est important et que la famille est importante", a déclaré M. Orban lors du débat. Il a ajouté constater que ces principes "ne sont pas soutenus dans cette maison". Il a ajouté : "Peut-être sommes-nous en minorité avec cette position en Europe mais nous avons la liberté de la représenter." Il a finalement dénoncé une "offensive politique contre la Hongrie" et dans le domaine financier, venue de l'extérieur, alors que le pays est en grande difficulté et demande des prêts internationaux.

Le nouveau président du Parlement européen, le social-démocrate Martin Schulz, est sorti de la réserve à laquelle son rôle l'oblige en principe. "Je suis aussi catholique", mais "soit l'Europe est pluraliste soit ce sera un échec", a-t-il dit.

"La chrétienté peut être importante mais un Etat moderne ne peut pas se fonder sur une seule religion, sinon les athées, les musulmans et les Juifs ne se sentiront pas bien", a aussi estimé le chef de file des Verts, Daniel Cohn-Bendit, qui a dénoncé le "chauvinisme" de Viktor Orban.

Une lettre de Neelie Kroes au gouvernement exprime sa "préoccupation" concernant la liberté et le pluralisme des médias en Hongrie

La commissaire en charge des nouveaux médias Neelie Kroes, en parallèle, a écrit le 17 janvier au ministre hongrois de l'Administration publique et de la Justice, Tibor Navracsics, une lettre pour exprimer sa "préoccupation" concernant la liberté et le pluralisme des médias en Hongrie. Neelie Kroes avait négocié en février 2011 avec le gouvernement hongrois un compromis lors de l’affaire de la très controversée loi sur les médias. Neelie Kroes souligne dans sa lettre que "le respect de la liberté et du pluralisme des médias ne s'arrête pas à une application techniquement correcte de la législation européenne et nationale, mais qu'il s'agit aussi et surtout d'appliquer et de soutenir ces principes fondamentaux dans la pratique".

Aucune procédure d'infraction n'a été ouverte jusque là concernant la liberté des médias, mais la Commission européenne rappelle qu'elle a déjà obtenu en 2011 que la législation hongroise soit modifiée sur ce sujet. Mais elle "invite instamment le gouvernement hongrois à respecter l'arrêt de la Cour constitutionnelle de Hongrie relatif à la législation sur les médias". La Cour constitutionnelle a notamment décidé dans cet arrêt du 19 décembre 2011 que les journalistes pouvaient protéger leurs sources avec effet immédiat. Le Parlement hongrois a jusqu'au 31 mai pour changer d'autres points de la législation. Etant donnés les changements attendus suite à l'arrêt de la Cour constitutionnelle, "aucune procédure d'infraction n'est envisagée par la Commission, mais elle surveille la situation et veut être sûre que la liberté des médias est protégée".

Quant au retrait de la licence de l'unique radio hongroise d'opposition, Klubradio, la Commission rappelle que le nombre de licences attribuées est du ressort du gouvernement hongrois, mais Neelie Kroes "pense que plus la concurrence est forte, mieux cela vaut, et elle encourage le gouvernement hongrois à attribuer des licences supplémentaires", indiquent ses services. Une manière polie de laisser la porte ouverte sur le fond politique des choses, car l’affaire Klubradio, emblématique, soulève de grandes préoccupations pour la liberté de la presse en Hongrie.